subventions

  • Associations, alerte rouge ?

    associationsDans son n°81 IPNS a expliqué comment l'État, via les préfectures, avait dans le collimateur un certain nombre d'associations locales et comment se traduisait cette hostilité (1). Médiapart, de son côté avait également informé ses lecteurs de cette situation (2). En août, c'est Le Monde qui a mis le sujet sur la table en consacrant deux pages à la situation locale des associations sous le titre : « Sur le plateau de Millevaches, une "liste rouge" d’associations privées de subventions ».
    Alain Détolle, conseiller communautaire de Creuse Grand Sud et conseiller municipal de Faux-la-Montagne, revient en détail sur cette situation.

     

    Cela fait maintenant quelques mois pour certaines associations, plusieurs années pour d'autres, que les financements publics se raréfient ou même se tarissent. Certains d'entre eux, comme les emplois associatifs mis en place en leur temps par l'ancienne région Limousin, avaient permis de consolider au long cours, l'action de nombreuses associations. La nouvelle région Nouvelle-Aquitaine n'a pas souhaité les étendre à tout le territoire et a préféré, par un ensemble d'appels à manifestation d'intérêt, suivre au plus près l'action de chaque association. Cette approche, si elle a permis de maintenir un niveau de financement régional conséquent a néanmoins entraîné les associations dans une complexité administrative en elle-même génératrice d'usure et d'incertitude. Mais c'est désormais au niveau des financements de l'État que les restrictions se font sentir de manière significative.

     

    Une série de refus

    En effet, plusieurs associations de notre territoire, en général à caractère culturel ou d'animation, essuient de la part de différentes administrations de l'État et notamment des Affaires culturelles (DRAC) une série de refus. Différents représentants du monde culturel et/ou de l'animation se sont émus de cette situation et ont envoyé à la préfecture de région un courrier de demande d'explication (voir ci-joint). Parmi les structures concernées figurent aussi les trois médias de notre territoire, Radio Vassivière, cité dans le courrier, mais aussi IPNS puisque pour la première fois depuis qu'il en bénéficie (5 ans) la revue ne recevra pas la (modeste) attribution du Fonds de soutien aux médias sociaux de proximité, sans aucune espèce d'explication, et que certains financements récurrents de Télémillevaches sont aussi remis en cause.

     

    Des collectivités qui soutiennent

    L'aggravation de la situation a amené les associations concernées à alerter les collectivités locales auxquelles elles sont liées et qui continuent dans la mesure de leurs possibilités à les soutenir. Cela a conduit certaines d'entre elles (commune de Gentioux-Pigerolles, commune de Faux-la-montagne, communauté de communes Creuse Grand Sud) à adopter des motions de soutien réaffirmant l'apport essentiel de l'ensemble de la vie associative à la vie économique et sociale de leur territoire. C'est ainsi que la motion adoptée lors de la séance du conseil communautaire du 6 juillet 2023 par la communauté de communes Creuse Grand Sud et transmise en préfecture souligne que « les associations de culture tout comme celles d'action sociale et d'activités sportives, sont au cœur de l'attractivité de nos territoires et leur action est porteuse de nombreuses et importantes retombées tant sociétales que touristiques et économiques. Elles sont indispensables à notre territoire au même titre que les autres acteurs économiques ou sociaux. » La motion se conclut sur le paragraphe suivant : « L'art et la culture sont par essence des espaces ouverts. Ouverts aux rêves, aux opinions, aux avis et aux contestations. Les subventions ne peuvent être attribuées, dans le cadre du respect de la loi, sur d'autres critères que ceux relevant de l'intérêt général et devant aussi respecter un des principes fondamentaux de notre pays : celui de la liberté d'expression et de création. En conséquence et en responsabilité, le Conseil communautaire affirme son plein et entier soutien aux activités de toutes les associations du territoire, qu'elles exercent des activités sportives, d'action sociale ou culturelles. »

     

    « Certificat de bonnes mœurs »

    Ces difficultés si elles étaient simplement le fait de restrictions budgétaires communes à toute la vie associative ne relèveraient « que » d'une orientation générale des politiques publiques et pourraient s'inscrire dans le débat démocratique sur le rôle et la place de la vie associative dans notre société et les moyens qui lui sont alloués. Mais il semble bien que nous soyons en l'espèce devant une situation particulière qui relève de prises de position partisanes de certaines branches des services de l'État décidées à en découdre avec les associations qui manifestent des opinions divergentes de celles promues par le gouvernement actuel. C'est toute la question du rôle des services de l'État qui est en jeu. La liberté d'expression, évoquée dans la motion publiée par la communauté de communes Creuse grand Sud, doit-elle être respectée envers et contre tout, ou le gouvernement peut-il imposer que seules les structures reflétant ses prises de position aient « droit de cité » dans le débat public ? Un faisceau d'indices semble confirmer cette dernière option comme en témoigne l'article paru dans Le Monde du 9 août 2023 (« Sur le plateau de Millevaches, une "liste rouge" d’associations privées de subventions »). Il reprend d’une part les interrogations des acteurs culturels mais aussi la lettre ouverte qu’Eric Correia, le président de l’agglomération du Grand Guéret avait adressée à la préfète de la Creuse, dans laquelle il s’inquiétait des menaces que cette situation faisait peser sur les libertés publiques. Pas plus la préfecture de région que la préfecture de la Creuse dans leurs réponses aux différents courriers, ne reconnaissent aucune censure (ce qui aurait été étonnant). Bien entendu, comme il est rappelé par ces interlocuteurs, la subvention n'est pas un droit et donc l'État et ses administrations peut librement choisir les structures auxquelles il apporte son soutien. Allant même plus loin, la préfecture de la Creuse semble vouloir délivrer à ces différentes associations un « certificat de bonnes mœurs » puisqu’elle reconnaît qu’elles s’inscrivent dans le respect du contrat d’engagement républicain si critiqué par ailleurs par les différentes instances représentatives de la vie associative et qu’Eric Correia remettait en cause dans sa lettre ouverte.

     

    Baudruches idéologiques

    Alors que conclure de cette situation ? Oui, les associations, toutes les associations, sont l'émanation des passions, des enthousiasmes, des énergies des citoyennes et des citoyens de nos territoires. À ce titre déjà, elles sont précieuses. Et les associations culturelles et d'éducation populaire le sont d'autant plus qu'elles défrichent de nouveaux chemins, essaient des solutions, mobilisent des habitant-es autour de toutes sortes de problématiques, sont une des voix de la démocratie participative, nécessaire complément à la démocratie représentative pour prendre en compte les besoins et analyses de toutes et tous.
    Oui, nous devons travailler inlassablement à créer des ponts. Mais nous devons aussi dégonfler les baudruches idéologiques qui créent des méfiances et des incompréhensions. Il est vrai que de ce point de vue, le contrat d'engagement républicain est venu introduire beaucoup de flou comme le souligne même le Haut conseil à la vie associative, instance officielle placée auprès du Premier Ministre. Et puis il est lassant de voir la vitalité associative accusée de tous les maux. Bien sûr les associations sont remuantes, bien sûr elles remettent en cause, mais c'est aussi comme cela qu'on avance socialement et que de nouvelles façon de fonctionner peuvent peu à peu être proposées.

     

    Alain Détolle

    (1) « Les préfectures coupent sournoisement les vivres aux associations », IPNS n°81, décembre 2022
    (2) « La loi séparatisme invoquée en Corrèze contre les associations écologistes », Médiapart, 30 décembre 2022.

     


     

    La lettre des associations culturelles à la préfecture de Région : « Une situation alarmante à plusieurs égards »

    « Nous représentons des acteurs du milieu culturel et associatif agissant en région Nouvelle-Aquitaine : Astre - réseau arts plastiques et visuels, RIM - réseau des indépendants de la musique, Grand’Rue - réseau des arts de la rue, Coopérative Tiers-Lieux - réseau des tiers-lieux, LINA - réseau des libraires indépendants.
    Nous venons par la présente vous faire part de notre inquiétude et de nos interrogations soulevées par les courriers que nous avons reçus des associations Quartier Rouge, Les Michelines, Radio Vassivière (associations résidentes de la gare de Felletin, réunies par l’association Pang !), La Pommerie et du réseau TELA.
    Elles nous ont informés de la situation préoccupante à laquelle elles sont confrontées suite à la réception de notifications de refus de subventions de la DRAC au titre de l’action territoriale justifiées par le seul argument de « crédits insuffisants » et restent en attente de réponses sur la ligne « création et arts visuels » d’une part, et suite au refus de subventions de FDVA 1 restent en attente de réponses pour le FDVA 2 d’autre part.

     

    Cette situation nous apparaît alarmante à plusieurs égards :

    • Les refus notifiés, ou apparaissant sur compte Asso, interviennent de manière brutale et non cohérente au regard de la politique de soutien de la DRAC et du FDVA jusqu’ici engagée vis-à-vis de ces structures.
      Quartier Rouge, soutenue depuis 2011 et de manière croissante par la DRAC, est depuis plusieurs mois dans une démarche de conventionnement multipartite (sollicité notamment par la DRAC). À ce jour les notifications de refus reçues sur les lignes «  transmission culturelle et innovation territoriale  » soldent la perte de 20 000 euros pour la structure. Actuellement la demande sur la ligne « création et arts visuels  » (38 000 euros) ne fait l’objet d’aucune réponse. Le refus de cette enveloppe conduirait aux licenciements de salarié.e.s et à des arrêts de projets.
      Les Michelines, soutenues par la DRAC depuis de nombreuses années, font face à une perte directe de 7 000 euros pour des actions pédagogiques validées en amont et réalisées, et à une baisse de 5 000 euros sur la subvention globale de la DRAC menaçant un emploi salarié.
      Radio Vassivière constate une mise en retrait de la DRAC à hauteur de 6 000 euros, impactant nécessairement le modèle socio-économique de la structure.
      La situation de ces trois associations réunies dans le tiers-lieu «  Pang ! la Gare de Felletin  », met indirectement en fragilité les activités et le fonctionnement du lieu, menaçant trois emplois salariés.
      La Pommerie est soutenue par la DRAC de façon constante depuis bientôt 30 ans. Récemment, elle travaillait avec ce partenaire à la signature d’une convention pluriannuelle d’objectifs. Les notifications de refus lui font perdre 24 500 euros ce qui représente 30% de son budget annuel. Cette situation touche directement le maintien de l’unique poste salarié.
      Le réseau TELA, soutenu par le FDVA de façon constante, fait face à un refus apparaissant sur compte Asso à hauteur de 3 000 euros pour le FDVA 1 (formation et médias) et concernant la demande de subvention à hauteur de 7 000 euros pour le FDVA 2, le statut de la demande apparaissant sur compte Asso est « accepté » mais la subvention est mentionnée comme « actuellement non disponible ». Le refus de cette enveloppe conduirait à des arrêts de projets.
    • L’absence d’argumentaire présenté dans les notifications de refus transmises par la DRAC à Quartier Rouge et à La Pommerie : il est stipulé que « malgré un bilan profondément satisfaisant pour les années précédentes, malgré l’entière éligibilité du dossier en renouvellement et le très vif intérêt suscité auprès de nos équipes comme des partenaires de la DRAC sur le projet associatif porté par votre structure notamment dans ce champ de la médiation, j’ai le regret de vous faire savoir que ce projet n’a pas pu être retenu faute de crédits suffisants au regard des nombreuses demandes de subvention déposées en 2023 ».
      Sans aucun préavis, Les Michelines ont reçu des notifications de refus pour leurs demandes de subventions accompagnées de l’argument suivant : « crédits insuffisants au regard du nombre de dossiers déposés ».
      - L’absence de notification officielle faisant apparaître clairement le motif de refus transmis par le FDVA au réseau TELA concernant le FDVA 1.
      Ces coupes budgétaires sans précédent marquent une rupture inexpliquée de continuité partenariale dans le cadre d’actions publiques et d’intérêt général. Elles entrent en complète contradiction avec l’engagement de l’État auprès des associations mais aussi avec l’ensemble des politiques publiques nationales concernant l’égalité des territoires, la démocratisation culturelle, le soutien à la création, les droits culturels et le soutien à la vie associative.
    • D’autres associations sont concernées par ces baisses ou retraits de subventions publiques. Au total, une quinzaine sont déjà recensées dans le secteur culturel, social et de l’éducation populaire, toutes localisées en Creuse et Corrèze.
      Cette fragilisation est d’autant plus impactante dans un contexte où les collectivités locales ne disposent que de peu de moyens pour soutenir l’action culturelle et artistique, de même que celles relevant de l’action sociale et de l’éducation populaire. Ces décisions brutales ont des conséquences morales, opérationnelles et financières pour ces associations. Elles remettent en question des projets d’intérêt général, des emplois salariés, des partenariats et des rémunérations d’artistes qui sont directement menacés.
      Nous nous tenons à votre disposition pour obtenir les réponses qui permettront d'éclaircir et d’apaiser cette situation.
      Nous saluons le fait que l’État entretient de longue date un partenariat au service d’une politique régionale volontariste de soutien aux associations culturelles et artistiques. Aussi, il est de notre responsabilité en qualité de réseaux qui œuvrent en faveur de la coopération, dans une perspective d'équité, de solidarité et pour améliorer les conditions d’exercice de nos pratiques au sein de notre champ professionnel, d’interagir lorsque le positionnement de nos partenaires publics suscite l'incompréhension à différents égards. »

     

    Madame la préfète, ne nous prenez pas pour des naïfs ou des imbéciles !

    Dans sa réponse en date du 25 août à la lettre d'Eric Correia, dans laquelle il s'inquiétait de la situation faite aux associations et que détaille Alain Détolle dans l'article ci-contre, la préfète de la Creuse se veut rassurante. En substance, il n'y a aucun problème, nul ostracisme et seulement des crédits qui ne sont pas illimités : « Aucune association, écrit-elle, n'a fait l'objet d'avis défavorable « sans appel et sine die » pour reprendre sa formulation, et la plupart des associations bénéficiaires de crédits en 2022 ont bénéficié d'un maintien intégral de leur subvention. » Et si certaines se sont vu notifier des refus, finalement, c'est à cause de la vitalité associative elle-même : « En effet, la multiplication du nombre d'associations (…) implique nécessairement, à un moment, une baisse des subventions attribuées à chacune d'elles. »

    Comme dans toute réponse de ce genre, la langue de bois est de rigueur. Sans doute que « la plupart des associations (…) ont bénéficié d'un maintien intégral de leur subvention. » Dire cela n'est pas expliquer pourquoi celles qui n'ont pas bénéficié du maintien de leur subvention en ont été privées. De même, si « aucune association n'a fait l'objet d'avis défavorable sans appel et sine die », elle oublie le cas (problématique) des dossiers qui, tout simplement, n'ont pas été présentés en commission... Une façon bien pratique de ne pas avoir à signifier un refus !

    La préfète qui est dans son rôle de défendre un État juste et vertueux même lorsqu'il ne l'est pas, pense-t-elle vraiment que nous allons la croire sans broncher ? Croit-elle vraiment que nous sommes assez naïfs ou complètement idiots pour revenir en arrière et admettre, que, finalement, il n'y a pas de problème ?

    Il y a une autre réalité qu'elle omet de signaler et qu'évidemment elle esquive. Cette réalité c'est celle rapportée dans les articles d'IPNS, de Médiapart ou du Monde. Ces médias, du plus petit (nous !) au plus prestigieux, n'avancent pas leurs propos sur une simple impression ou sur quelques rumeurs. Et il faut donc rappeler qu'il y a bien une série d'associations identifiées que le ministère de l'Intérieur a visées comme ne devant plus recevoir de subventions ou d'aides de l'État. Des témoignages d'agents de l'administration de différents services, de départements et de niveaux différents, ou de responsables associatifs siégeant dans certaines commissions, sont à la source de nos constats. Oui, disent-ils, on nous a indiqué que telle et telle association (l'année dernière 5 en Corrèze, cette année 12 en Creuse) ne devaient pas avoir de subvention. L'année dernière des dossiers ont été mis de côté et blacklistés par la préfecture de la Corrèze et la commission qui devait statuer sur leur demande n'en a pas eu connaissance... L'année dernière les dossiers de Télé Millevaches et IPNS pour le fonds des médias de proximité ont traîné en longueur et le ministère de la Culture a dû batailler pour verser la subvention accordée (3500 € pour notre journal) en opposition avec le ministère de l'Intérieur. Cette année, ce dernier – ou des services sous ses ordres – ont pris leurs précautions et le jour où la commission nationale s'est réunie, ces deux dossiers, curieusement, n'ont pas été présentés. On nous parle de « complément d'instruction »... une première ! Et on nous dit aussi, selon le responsable même de cette commission, qu'il n'y a pas de nouvelle réunion prévue de cette commission... Donc pas de dossier présenté, pas de refus ! C'est tout simple. Nous savons tout cela que la lettre de la préfète fait semblant d'ignorer. Nous préférerions largement qu'on nous dise franchement qu'on veut arrêter de contribuer à notre financement parce que... Parce que quoi du reste ? Certains propos que nous avons recueillis sont hallucinants ! Certaines associations sanctionnées financeraient le Syndicat de la Montagne limousine (en quoi au demeurant ce Syndicat est-il si dangereux ?). Les membres de certaines associations seraient repérés comme d'ultragauche. Etc. Madame la préfète devrait arrêter de lire Le Point et s'abonner plutôt à IPNS.

    De notre côté, nous sommes évidemment disponibles pour parler de tout cela avec la préfète. De leur côté, évidemment, les préfets ne « s'abaissent » jamais à parler avec les citoyens. Elle est bien belle la République dont on nous rabâche tant les oreilles !

    L'équipe d'IPNS
  • Darmanin coupe les subventions aux médias du Plateau : en 2023, le ministère de la Culture perd face au ministère de l'Intérieur

    Subventions suspendues... Subventions revenues...
    Coup de théâtre au ministère de la Culture !

    Le dimanche 1er décembre 2023, 
    nous bouclons le n°85 d'IPNS en consacrant notre une à la suppression des subventions de trois médias du coin : Télé Millevaches, La Trousse corrézienne et IPNS. Comme nous l'expliquons dans ce numéro (page 3), 9 mois après avoir déposé notre dossier, 5 mois après avoir été évincé de la commission nationale qui donne un avis sur le versement du fonds de soutien aux médias de proximité, nous avons finalement appris que nos médias ne bénéficieraient pas de ce fonds en 2023, nos trois associations n'apparaissant pas dans la liste officielle et close qu'avaient reçue courant novembre plusieurs autres médias bénéficiaires.
    Le mardi 5 décembre 2023, 
    nous prenons le conseil d'une avocate qui, au vu des éléments que nous lui fournissons, estime que nous sommes en droit de saisir le tribunal administratif, nos dossiers ayant manifestement bénéficiés d'un « circuit particulier », différent en tout cas, de celui des autres dossiers. Le lendemain un reportage de France 3 Limousin (suivi rapidement d'un article dans StreetPress) fait connaître la situation au plus grand nombre et un début de médiatisation commence.
    Le mercredi 6 décembre 2023
    nous envoyons une lettre recommandée avec accusé de réception à la ministre de la Culture pour exiger une réponse officielle à notre demande de subvention.
    Dans les jours qui suivent, une journaliste de StreetPress qui enquête sur notre affaire, contacte le ministère de la Culture, le ministère de l’Intérieur et la préfecture de Nouvelle-Aquitaine, qui n’ont « pas souhaité lui répondre ».
    Le mardi 12 décembre 2023,
     nous sommes alertés par la Trousse Corrézienne qui vient de recevoir un coup de fil du ministère de la Culture qui lui demande son relevé d'identité bancaire... Dans les jours qui suivent, tout se précipite...
    Le mercredi 13 décembre 2023, coup de théâtre, 
    nous apprenons qu'une décision du ministère de la Culture vient d'être publiée au sein de ses services, augmentant le fonds national des médias de proximité d'une somme permettant de financer... trois médias. Devinez lesquels ? Oui ! La Trousse, Télé Millevaches et IPNS !
    Le vendredi 15 décembre 2023
    les comptes bancaires de Télé Millevaches et IPNS sont abondés des sommes attendues... qu'on n'attendait plus. Et la notification officielle nous est transmise le lundi 18 décembre 2023.

    Que s'est-il passé ? Evidemment, nous ne le savons pas précisément, mais il est assez facile de le deviner. Au sein même de l'administration tout le monde n'est pas forcément d'accord pour supprimer les subventions aux associations, et, comme nous l'expliquions dans notre article, l'appréciation des choses varie énormément selon qu'on est au ministère de l'Intérieur ou au ministère de la Culture. Dans un premier temps ce dernier avait perdu... Le début de médiatisation et surtout la menace d'une procédure judiciaire qui avait des chances de nous être favorable a sans doute modifié ce rapport de force interne à l'administration qui est revenue sur sa première décision en prenant en dernière minute et en toute urgence une décision sur-mesure qui s'est concrétisée en trois jours par le versement des subventions d'abord supprimées.

    Y-a-t-il de quoi se réjouir ? Pas vraiment. L'histoire révèle en effet d'inquiétants fonctionnements sournois dont de nombreuses autres associations ont payé les frais les années passées (Télé Millevaches entre autres sur d'autres lignes budgétaires) et rien n'est gagné pour les années à venir. Nous analyserons plus en détail cette situation dans notre prochain numéro et nous continuons à penser que la meilleure garantie de notre existence et de notre pérennité est dans le soutien de nos lecteurs et lectrices qui, en particulier suite à notre dernier numéro, se sont abonnés ou nous ont soutenus financièrement. Nous les remercions de ces encouragements qui, dans les temps qui courent, sont tout à fait indispensables.

     

     

    Darmanin coupe les subventions aux médias du Plateau : en 2023, le ministère de la Culture perd face au ministère de l'Intérieur

    Une fois n'est pas coutume, IPNS se met en une de son numéro. Pas tout seul, certes, puisque Télé Millevaches et La Trousse corrézienne sont embarqués avec nous dans cette histoire qu'on a déjà évoquée dans nos précédents numéros (n°81 et n°84). Si nous y revenons aujourd'hui, c'est que nous connaissons depuis quelques semaines son épilogue.

     

    Rappelons les épisodes précédents. Au lendemain et en réaction aux attentats contre Charlie hebdo en 2015, vécus comme une négation de la liberté d'expression et de la presse, le Gouvernement décide de créer un fonds national de soutien aux médias de proximité. Celui-ci s'intitule exactement «Fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité (FSMISP)» et il est confié au ministère de la Culture. Au sein de ce ministère, il est géré par la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

     

    Un fonds de soutien national

    Selon les mots du ministère de la Culture, «le fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité permet d'accompagner financièrement le développement de médias ancrés localement, apportant une information de proximité, et favorisant la continuité du lien entre les habitants d'un quartier, d'une ville ou d'une région». Il définit ainsi ces médias qu'il a pour mission de soutenir : «Outils d’information, d’expression, de création et de dialogue, les médias de proximité tissent un lien de confiance avec les citoyens et constituent le meilleur rempart contre le "populisme numérique". Vecteurs d’information et de cohésion sociale, ils contribuent à valoriser et à faire évoluer l’image des territoires, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou les zones de revitalisation rurale et permettent à un large public de se familiariser avec la pratique journalistique, participant ainsi de l’objectif d’éducation aux médias.»

    Par le travail qu'ils mènent depuis de nombreuses années (1986 pour Télé Millevaches, 2002 pour IPNS et 2015 pour La Trousse corrézienne), par leur façon d'associer des habitants à leurs productions, par l'image qu'ils renvoient de leur territoire, etc., nos trois médias cochent à peu près toutes les cases pour bénéficier de ce fond, au même titre que de nombreux autres titres associatifs, militants ou culturels ailleurs en France qui reçoivent aussi des subventions du FSMISP. Les services de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) qui instruisent nos demandes nous l'ont du reste dit explicitement plusieurs fois – à IPNS une des fonctionnaires avec laquelle nous étions en contact il y a deux ans nous ayant même indiqué que nous aurions été légitimes à demander une subvention plus importante... C'est bien pour cela que Télé Millevaches bénéficie de l'aide du FSMISP depuis la création de ce fonds en 2016 sans discontinuer (pour un montant d'environ 19 000 €), ainsi qu'IPNS depuis 2019 (pour 3500 €) et La Trousse depuis 2017 (pour 9000 € en 2022) (1).

     

    Première alerte en 2022

    Alors que les années précédentes nous recevions des réponses au tout début de l'été et que nos demandes suivaient un processus normal, l'année 2022 a été marquée par d'étranges retards dus à des allées et venues entre le ministère de la Culture et le ministère de l'Intérieur dont nous avons pu établir la réalité par échos, déductions, quelques témoignages de fonctionnaires et ce qu'on pourrait appeler un faisceau d'indices. Cette année-là, sur l'injonction du ministère de l'Intérieur, via sans doute le préfet délégué à la sécurité en Nouvelle-Aquitaine, nos dossiers ont été interceptés et il a fallu que le ministère de la Culture s'affirme avec vivacité pour que finalement les aides nous soient attribuées. Les raisons de cette obstruction? Eh bien en partie parce que le «Plateau» est considéré depuis le ministère de l'Intérieur et les préfectures comme un lieu d'insoumission (vous savez l' «ultra-gauche» que des journaux comme Le Point (2) ou Le Figaro (3) montent en épingle et que Darmanin ne cesse d'attaquer (4)), que les positions et actions qui en émanent déplaisent dans certaines instances politiques d'État, que des membres plus ou moins reliés à nos titres sont considérés comme dangereux, que nos propos ne sont pas toujours macroncompatibles – ce qui constitue désor- mais un crime d'antirépublicanisme... Tout cela est évidemment très politique, et n'a souvent pas grand-chose à voir avec la réalité. Et cela se fait évidemment sans aucune possibilité de confrontation directe et réelle avec nos détracteurs «tapis dans l'ombre» des ministères...

     

    2023, le ministère de l'Intérieur obtient gain de cause

    En 2023, nos trois médias redéposent leur dossier auprès du FSMISP. Et, comme l'an dernier, les choses traînent anormalement, même si nos interlocuteurs à la DRAC ou à la DGMIC nous disent qu'aucun média n'a encore reçu de réponses et que nous n'avons pas à nous inquiéter, que tout cela est normal, etc. Désolé si ce sont nos trois petits canards qui ont mis tout le monde en retard, mais la réalité est que jusqu'en octobre rien n'a bougé... Ce que nous savons cependant, c'est que la commission consultative qui donne un avis sur les versements du FSMISP, en juin, ne voit pas passer les demandes d'IPNS et de Télé Millevaches... Pourquoi ? On ne sait pas. On devine bien sûr – et vous aussi lecteur ou lectrice avisé.e. Mais on ne sait pas. Les affaires traînant, Télé Millevaches et IPNS décident de saisir directement la ministre de la Culture dans un courrier adressé à elle le 31 octobre : «Huit mois après le dépôt des demandes, quatre mois après la tenue des commissions, aucune nouvelle (…) Par ailleurs, des informations diffusées dans la presse nationale (Le Monde du 10 août 2023 : « Sur le plateau de Millevaches, « une liste rouge » d'associations ») semblent confirmer nos craintes quant à un ostracisme délibéré visant nos deux médias qui sont jugés un peu vite comme représentant un éventuel danger pour la République – bien que l'un comme l'autre, nous ayons signé le Contrat d'engage- ment républicain imposé aux associations, et même si nous demeurons critiques, comme l'ensemble du monde associatif et comme le Haut Conseil à la vie associative, vis-à-vis de ce contrat. Étonnés du délai de réponse du FSMISP, anormalement long par rapport aux années précédentes, échaudés par des difficultés déjà rencontrées l'an dernier dans l'attribution de cette aide qui nous a été manifestement octroyée par votre ministère contre l'avis du ministère de l'Intérieur pour ce que nous en avons compris, inquiets du contexte global de méfiance des pouvoirs publics vis-à-vis d'un certain nombre d'associations, nous nous permettons de nous adresser directement à vous, Madame la ministre, pour savoir ce qu'il en est de notre demande pour 2023 et connaître, le cas échéant, les raisons réelles d'un éventuel rejet.» Sans réponse, nous avons au téléphone le 22 novembre, Mme Magali Valente, directrice adjointe de cabinet de la ministre, en charge de l'audiovisuel et de la presse, qui nous confirme que notre lettre est sur son bureau et qu'elle est en attente de décisions... Le 27 novembre enfin, nous prenons connaissance de la liste complète des médias soutenus en 2023. Ni IPNS, ni Télé Millevaches, ni La Trousse corrézienne n'en font partie. Cette année c'est le ministère de l'Intérieur qui a gagné.

     

    La suite ?

    Evidemment, ce refus met en difficulté nos structures – et en premier lieu celles qui ont des salariés. Pour IPNS on repassera peut-être en noir et blanc comme au bon vieux temps et on en profitera pour redire que s'abonner est vital pour la survie de notre journal. Allez les amis, cessez de piquer votre IPNS à votre voisin et abonnez-vous à votre nom, incitez vos propres amis à le faire, etc. On a vraiment besoin de cette mobilisation et de ce soutien. 14 € par an ce n’est pas la mer à boire et en plus, compte-tenu de tout cela on va peut-être devoir augmenter un peu le prix qui n'a pas bougé depuis plus de 10 ans... Mais surtout, nous n'en resterons pas là. En lien avec l'Observatoire des libertés associatives, un universitaire va venir documenter les atteintes aux associations sur le Plateau ; nous ne tairons pas l'ostracisme dont nous faisons l'objet et le Plateau avec nous ; nous allons poursuivre nos enquêtes sur le sujet ; et surtout nous n'allons pas nous arrêter pour autant parce qu’une subvention (légitime) nous a été supprimée. Non ce dernier épisode n'est pas un épilogue. On va ouvrir la saison 2 !

     

    L'équipe d'IPNS

    (1) La différence des montants s'explique par le fait que Télé Millevaches et La Trousse ont ou avaient des emplois salariés tandis qu'IPNS ne fonctionne qu'avec des bénévoles.
    (2) Journal ayant reçu 253 948 € de subventions publiques en 2022.
    (3) Journal ayant reçu 5 890 263 € de subventions publiques en 2022.
    (4) Le 26 août dernier à Vassivière, Guillaume Guérin, président LR de l'agglo de Limoges, avait même annoncé la venue de Gérald Darmanin sur le Plateau pour «parler effectifs de sécurité et actions contre l'ultra-gauche»!  
  • Défense et illustration de la loi de 1901

    L'extrait consacré aux associations du livre de Michel Pinton que nous avons publié dans notre dernier numéro (n°20, page 2), a suscité la réaction d'un de nos lecteurs. Face à ce qu'il considère comme une attaque contre la loi de 1901 il répond point par point à l'argumentation de Michel Pinton et fait l'éloge de cette bonne vieille loi 1901, à ses yeux toujours aussi pertinente.

     

    droits

     

    La rubrique qui s’intitule «Lu et approuvé» du dernier IPNS m’a fait une drôle d’impression. J’ai lu et n’ai pas approuvé.

    Michel Pinton, maire de Felletin, écrit : «Face à l’Etat envahissant, les citoyens sont très faibles par eux-mêmes. Ils tombent dans l’impuissance et le désintérêt s’ils n’apprennent pas à s’aider librement.» Ce n’est évidemment pas d’une critique anarchiste ou libertaire de l’Etat qu’il s’agit, mais d’une critique libérale : il y a trop d’Etat, trop d’Etat social, trop d’assistanat et les individus deviennent des assistés incapables.

    «L’accueil des touristes aussi bien que l’aide aux personnes âgées, les loisirs offerts aux enfants et les randonnées pédestres ne sont pas, chez nous, assurés par la mairie. Des bénévoles en ont pris la responsabilité» Pourquoi pas ? dira-t-on. Certes, mais on peut penser aussi que des services publics doivent exister, notamment à l’égard des enfants et des personnes âgées, qu’il s’agit de droits sociaux et non d’actes bénévoles plus ou moins caritatifs et aléatoires. Remettre en cause nos modes de vie ne passe pas forcément par la suppression de ces droits et services sociaux.

    D’autant que le maire de Felletin ajoute : «Il ne suffit pas, pour nous, que les individus se regroupent pour pratiquer ensemble un sport ou une occupation utiles à eux-mêmes. Nous voulons en plus que les citoyens manifestent leur solidarité avec ceux qui en ont besoin. La municipalité veille à faire naître et encourager les initiatives de cette nature.» Monsieur le maire décide donc de ce qui est bien et moins bien. Il «encourage» ou pas les initiatives selon son jugement. N’est-ce pas là le retour par la petite porte d’un petit «Etat envahissant» ? On est également à la limite de la légalité qui implique une égalité de traitement entre tous les citoyens.

    Monsieur le maire enchaîne : «Mais ce qui est naturel à d’autres sociétés, comme celle des Etats-Unis, ne va pas de soi chez nous.» Tiens donc ! Le modèle américain ! Il est sûr qu’on ne s’y embarrasse pas de droits sociaux et que l’Etat n’y est pas envahissant (quoique… ça dépend pour quoi). On notera aussi le fonctionnement «naturel» des sociétés. Tout un programme. «Notre classe dirigeante est chargée d’une lourde hérédité. La liberté d’association fut absente de la déclaration des droits de l’homme de 1789. Elle fut réprimée par le Code civil de 1805. Au XIXe siècle, tout groupe organisé fut suspect à l’Etat.» Une telle lecture de l’histoire laisse pantelant. Si la liberté d’association est absente de la Révolution, c’est qu’il s’agissait d’abolir toutes les institutions d’Ancien régime et notamment les corporations pour laisser se développer la liberté du commerce sans entraves. Si au XIXe, tout groupe fut suspect à l’Etat, c’est que tout groupe voulait dire tout groupe ouvrier, et que tout groupe ouvrier était suspect aux patrons bien plus encore qu’à l’Etat (que d’aucun n’analyserait que comme leur représentant). D’ailleurs, tout groupe, à condition qu’il soit bien pensant, n’était pas suspect. C’était le cas des sociétés de secours mutuel, à condition qu’elles se limitent bien à une entraide matérielle et le plus souvent encadrées par les pouvoirs publics. Et c’était encore plus le cas des congrégations catholiques que notre bon maire va maintenant évoquer.

    «En 1901, enfin, la loi reconnaît la liberté d’association, mais la limite aussitôt par des restrictions partisanes destinées à briser l’élan des congrégations religieuses.» Ben oui, elle a même été presque uniquement faite pour ça (voir Madeleine Rebérioux). Notre bon maire se livre là à une attaque en règle contre la laïcité comme l’épiscopat français ne songe plus à le faire depuis longtemps. Il est vrai que ce dernier a compris tous les avantages qu’il pouvait tirer d’un pays laïc.

    journal«Un siècle plus tard, les textes n’ont guère changé.» Et c’est heureux ! Ce qui reste de la loi de 1901, une fois le contexte de lutte contre le cléricalisme enlevé, c’est une loi fondamentale de liberté : vous avez le droit de vous associer ; sans conditions ; sans règles préétablies ; et personne n’a à venir voir ce que vous faites ; pas même ce fameux Etat envahissant. Que demande de plus le maire de Felletin ? D’autant plus que, telle la constitution américaine, cette loi fondamentale n’a pas besoin d’être changée tout le temps comme ces hideuses constitutions de l’Etat français. «Notre classe dirigeante ne s’y intéresse pas. Elle a tort. Notre époque à des aspirations, des besoins dont les ancêtres n’avaient même pas l’idée.» On aimerait savoir lesquels, sur l’essentiel. Culture, défense des droits, loisirs, action sociale, solidarité, sport… rien de bien nouveau en un siècle. «Le cadre légal dans lequel les associations doivent entrer est devenu à la fois désuet et vague. Il brime un élan citoyen sans lequel l’Etat ne fera pas bouger la société française.» Sur le principe, le cadre légal n’est ni désuet ni vague, il est inexistant.

    Encore une fois, il s’agit simplement d’une loi qui énonce un droit et une liberté absolus. C’est tout. Et la meilleure preuve qu’il ne brime en rien un élan citoyen, c’est qu’il se crée plus de 60 000 associations par an et qu’elles sont plus d’un million. Une quinzaine de millions de bénévoles s'y investissent. Elles ont su à tout moment de notre histoire depuis un siècle prendre en charge tous les domaines qui s’offraient à elles et innover (mouvements de jeunesse, de loisirs, de culture, de pensée, prise en main de l’action sanitaire et sociale - en partie pour la déconfessionnalisée et c’est tant mieux). L’Etat a légiféré sur les activités qui avaient besoin d’être encadrées (jeunesse, action sanitaire et sociale, etc.) pour des raisons de sécurité, d’éthique, etc. et a mené une politique d’agréments sans intervenir sur le fonctionnement des associations, et il a fort bien fait.

    Mais voilà ce qui gêne le maire de Felletin. «Toutes les associations ne sont pas également utiles. Toutes ne méritent pas le même soutien des pouvoirs publics.» C’est bien possible, mais qui le décide ? Qui dit le bien et le moins bien ? Bon Dieu mais c’est bien sûr, c’est le maire de Felletin ! «Le critère qui guide la sollicitude des élus, c’est leur efficacité concrète dans l’action sociale.» On notera au passage dans quelle logique, dans quel univers se situe le maire de Felletin : celui de la «sollicitude». Alors qu’il gère simplement les impôts de ses concitoyens et qu’on ne lui demande aucune «sollicitude», mais l’application de règles de droit, de justice et de raison.

    «Nous avons une résistance instinctive [on notera la vision toujours «naturelle» du maire] à subventionner les grandes organisations nationales, même si l’Etat leur a accordé la qualité d’utilité publique, parce qu’elles sont souvent entraînées à devenir à son image, c’est-à-dire lourdement bureaucratique, plus enclines à attendre qu’on aille les solliciter qu’à venir au devant des hommes.» Les éventuelles sections locales de l’Armée du salut, des Éclaireuses Éclaireurs de France, des Parents d'enfants aveugles, des Familles de France, des associations familiales catholiques, des Familles rurales, de la Fondation Nicolas Hulot, des Francas, de France Alzheimer, de la Ligue pour la protection des oiseaux, des Parents d’élèves (les deux tendances), des Restos du cœur, des Scouts, du Secours catholique, du Secours populaire, de la SPA, etc. toutes reconnues d’utilité publique apprécieront.

    «Nos clubs sportifs, les regroupements de personnes âgées, les réunions d’anciens combattants ne soulèvent pas d’hésitations.» On croit rêver sur le choix des exemples ! Et bien sûr, toujours l’appel à l’évidence, au naturel, «pas d’hésitations» ! «Ils sont animés par des bénévoles que chacun connaît et apprécie. Ils ont une vocation simple et claire dont l’utilité sociale est évidente » Toujours l’évidence. Mais si ce n’était pas si évident ? Et si ce bénévole n’est pas «connu» ou «apprécié», par monsieur le maire ou par son opposant d’ailleurs ? Il semble bien que ce soit «l’évidence» de monsieur le maire qui compte. N’est-il pas élu ? Certes, mais n’est-ce pas alors à nouveau l’Etat envahissant, même aux petits pieds ?

    «Ils s’abritent sous des fédérations nationales qui garantissent leur sérieux.» Mais de qui parle alors monsieur le maire précédemment à propos des grandes organisations nationales d’utilité publique bureaucratisées et éloignées du terrain ? Pour la plus grande part, les organisations nationales reconnues d’utilité publique sont ces fédérations. Les autres (il y en a environ 2 000 en tout et la liste est accessible sur le site du ministère de l’Intérieur) peuvent souvent surprendre (l’Institut de la Maison de Bourbon, l’Ecole de la cause freudienne, la société d’Histoire de la révolution de 1848…), mais ne doivent pas représenter un bien grand danger.

    En résumé, monsieur le maire déteste l’Etat et les services publics, aime les associations «évidentes» comme les clubs du troisième âge et les anciens combattants… et semble ne rien connaître à l’histoire ni aux réalités actuelles du monde associatif.

     

    Christian Vaillant
  • Les préfectures coupent sournoisement les vivres aux associations

    asso sub rougeCet article, voici des années qu’IPNS le couve. Si jusqu’alors nous n’avions pas pris le sujet à bras-le-corps c’était pour différentes raisons : des associations qui nous rapportaient leurs déboires avec l’administration ne voulaient pas « envenimer les choses », préféraient « jouer l’apaisement » et ne pas prêter le flanc à la critique, craignaient des rétorsions, si on révélait comment l’État, via les préfectures, s’immisçait dans leur financement, l’octroi d’un emploi aidé ou d’un agrément, au-delà pourtant de ce qui leur semblait légitime.
    Pour écrire cet article, nous avons rencontré de nombreuses actrices et acteurs associatifs qui préfèrent se taire. Ne paraissent donc ici qu’une petite partie de cette série de scandales. Pour « ne pas être reconnaissables ». Parce qu’elles craignent si elles parlent de perdre d’autres aides publiques qu’elles ont encore. Parce que les bénévoles et salariées associatives reçoivent des avertissements directs, de l’intérieur de l’administration, leur disant qu’ils sont surveillés.
    Ces derniers mois, nous avons reçu plusieurs nouveaux témoignages, y compris de cette administration, qui nous poussent tout de même à mettre une partie de ces informations sur la table. Il faut raconter ce qui se passe.

     

    Des associations limousines qui se retrouvent dans le collimateur de l’État et de ses préfectures, cela ne date pas d’hier. Il y a quelques années, une série de rétorsions a touché plusieurs associations. Nous sommes en 2018 et des mobilisations autour de la défense d’exilés sont très médiatisées. La préfète de la Creuse Magali Debatte et son secrétaire général Olivier Maurel se déclarent « en guerre » contre le Plateau (voir IPNS n°65). Même avant, les choses avaient commencé à mal tourner pour les associations considérées comme contestataires par ces représentants de l’État.

     

    Vengeance à l’emploi aidé

    En mai 2017, quelques citoyens souhaitent organiser une réunion sur le thème des « violences policières » et demandent à réserver la salle des fêtes de Faux-la-Montagne. Comme les organisateurs ne sont pas structurés en association 1901, ils demandent à l’association Pivoine de réserver la salle pour cette réunion, ce que l’association fait sans problème, comme elle le fait régulièrement pour que la salle soit assurée, et la commune couverte en cas d’accident. La préfecture repère aussitôt cette réunion qu’elle juge douteuse. Elle écrit à la mairie afin de la mettre en demeure de ne pas prêter la salle municipale, usant d’un chantage au financement. En substance :  Si vous tenez à ce que l’État finance la mise aux normes de l’école (gros chantier alors entrepris par la commune), n’accueillez pas cette réunion. (lettre de la préfecture à la maire de Faux-la-Montagne, mai 2017).
    La réunion est finalement délocalisée à La Villedieu. En réponse, l’État prive cette commune d’une Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), qui était réputée acquise quelques jours plus tôt.
    À la même période, d’autres communes de Creuse font l’objet d’un chantage à la DETR, la préfecture exigeant qu’elles changent des délibérations qui ne lui convenaient pas. « Messieurs, quand on me chie dans les bottes, je prends des mesures de rétorsion » leur déclare alors M. Maurel d’une façon puérile qui peut surprendre pour un haut fonctionnaire.
    D’autres mesures de rétorsion vont suivre en 2017. On est en pleine période de distribution des contrats aidés pour les associations. La préfecture n’ayant pas trouvé de moyen de pression financière sur Pivoine, tout se déroule comme si elle décidait de se venger sur d’autres associations de Faux-la-Montagne. Alors que les interlocuteurs à la direction de la Jeunesse et des Sports étaient confiants, le contrat aidé du Constance social club, une association de Faux-la-Montagne alors en train de se configurer en centre social, n’est pas renouvelé. Cette décision de janvier 2018 sapera le moral de l’association et de ses animatrices, qui n’en comprendront pas les raisons. L’association, bénéficiant d’un soutien indéfectible de la CAF, développera une énergie colossale pour se relever de ce coup de Trafalgar mais n’y parviendra jamais vraiment.

     

    Batailles de ministères

    Aujourd’hui, les préfectures généralisent cette nouvelle politique de suppression discrétionnaire des subventions. Dans des domaines où la décision de subventionner dépendait de critères comme l’intérêt du projet ou le sérieux de l’association, la décision dépend maintenant de l’opinion politique des préfets.
    Les préfectures et leurs services de police invalident des subventions y compris contre l’avis des fonctionnaires spécialisés qui étaient auparavant chargés d’en décider. C’est une répression financière que les victimes ne peuvent jamais prouver. Rien n’empêche l’administration d’écrire « votre projet est refusé faute de crédits », même lorsque quatre mois plus tôt on déclarait la subvention acquise (l’aventure est arrivée cette année à Télé Millevaches).

    Au journal IPNS, nous voyons des fonctionnaires nous parler tels des lanceurs d’alerte : discrètement et à condition que leur hiérarchie ne puisse pas les identifier.
    Ils et elles craignent de perdre leur emploi. Disent : je suis fonctionnaire de tel ministère, je suis chargé d’évaluer l’action des associations dans tel département, je défends leur demande de subvention auprès de ma hiérarchie. Puis j’apprends que la préfecture régionale leur interdit toute subvention ou bloque leur versement, ainsi qu’à plusieurs associations du Plateau de Millevaches ou assimilées, pour des raisons politiques. Je ne peux plus rien faire. Je fais remonter le scandale à ma hiérarchie, qui le fait remonter en face des services de renseignement et de police à la préfecture régionale à Bordeaux.
    Des fonctionnaires de l’Intérieur, de la Culture, de la Santé ou de Jeunesse et Sports bataillent entre eux. Maintenant, une subvention de 5 000 euros à une association culturelle du plateau de Millevaches fait l’objet de luttes entre d’un côté les fonctionnaires chargés de cela qui voient que l’association remplit bien son rôle, et d’un autre côté les fonctionnaires de police qui refusent que le moindre euro public ne soit donné à toute une série d’associations jugées trop politisées.

     

    monde associatif

     

    Ce sont des petites luttes

    Le Battement d’ailes, grand lieu d’expérimentation créé en 2005 à Cornil (Corrèze) grâce au soutien de subventions, a vu un financement d’Etat de 350 000 euros pour les « manufactures de proximité » lui être refusé début 2022 à cause de l’intervention de la préfecture de Nouvelle-Aquitaine. Le dossier du Battement d’ailes avait pourtant été classé premier à l’unanimité des fonctionnaires lors du premier examen en commission. L’ingérence des services de la préfète de Nouvelle-Aquitaine Fabienne Buccio et/ou du préfet délégué à la sécurité en Nouvelle-Aquitaine Martin Guespereau ont eu raison de la liberté d’action des projets du Battement d’Ailes. Nous avons tenté de joindre le préfet délégué à la sécurité pour le présent article. Il ne nous a pas répondu.

     

    Pour des ateliers d’éducation à l’image auprès d’enfants et d’adolescents qu’elle organise pourtant depuis plusieurs années grâce aux mêmes subventions, Télé Millevaches vient d’apprendre en octobre 2022 que, subitement, elle n’aurait plus les 8 500 euros prévus, que lui avait pourtant clairement octroyés la Direction régionale des affaires culturelles quatre mois plus tôt.

     

    IPNS, qui bénéficie depuis quatre ans du fonds de soutien aux médias de proximité (3 500 € par an) n’a appris que fin novembre 2022 qu’il recevra finalement bien cette somme. Le journal correspond parfaitement aux critères selon les fonctionnaires du ministère de la Culture en charge de ces dossiers. On explique à IPNS que l’aide arrivera bien mais qu’on cherche un circuit de versement qui permette « d’éviter le passage en préfecture de Région » !

     

    Toutes les associations ne reçoivent pas des subventions
    En France, environ 4 associations sur 10 ne perçoivent aucune subvention. Parmi celles qui en reçoivent, la plupart (57,2% des associations françaises) les reçoivent des communes. Celles-ci sont parfois très limitées (200 € par exemple) et ont surtout une dimension symbolique. Seules 14,7% des associations reçoivent des subventions des départements, 5,4% des régions, 5,4% de l’État et 0,4% de l’Europe. C’est dire que les associations sont loin d’être largement subventionnées !

     

    On est à un point où à l’intérieur de l’État des fonctionnaires d’autres ministères imaginent des circuits alambiqués de financement pour ne pas contredire ou déplaire à ceux, tout puissants, du ministère de l’Intérieur.
    On est dans une région où fleurissent de nombreux projets qui sont entravés alors qu’ils seraient soutenus à fond ailleurs, dans des villes ou des campagnes où il n’y a aucun projet.

     

    Le Planning familial de Peyrelevade a été supprimé d’une invitation dans un programme de la préfecture de la Corrèze pour les femmes victimes de violence en milieu rural en Haute-Corrèze alors qu’il fait partie du réseau violences de Haute-Corrèze et est référent sur les questions de santé sexuelle et de violences sexiste et sexuelle dans le Contrat local de santé de ce territoire.

     

    Quand le journal La Trousse corrézienne a demandé des crédits au Fonds de développement de la vie associative (FDVA) en 2022, prévus pour soutenir les actions des associations envers leurs bénévoles, il s’est vu opposer un « refus préfecture ».

    Lors d’une réunion de la commission qui attribue ces FDVA en 2022, ce sont cinq dossiers d’associations corréziennes qui sont apparus sur une liste noire fournie par la préfecture de la Corrèze aux membres de la commission. Cinq dossiers à jeter impérativement à la poubelle. Aux demandes de précisions émises par des participants, il a été répondu qu’elles appartenaient à « l’ultragauche » ou ne respectaient pas « le contrat d’engagement républicain » ou que « l’honorabilité de leurs dirigeants » n’était pas acquise. Il s’agit de l’association pour la Conservation et l’expérimentation paysanne et écologique (de Tarnac), de La Trousse corrézienne et de trois autres associations également extrêmement dangereuses pour la sûreté de l’État, dont nous n’avons pas pu nous assurer qu’elles accepteraient d’être citées dans le présent article.
    Pour expliquer le refus d’une subvention à Peuple et Culture, acteur historique de la vie culturelle de Tulle, il a été répondu à l’association que cela tenait à la participation d’une représentante de Peuple et Culture à une manifestation qui avait eu lieu lorsque Gérald Darmanin était venu à Tulle en septembre 2021.
    Le tiers-lieu de Tarnac, PTT, qui a postulé à un appel à manifestation d’intérêt « Fabrique de territoires » a reçu un « avis très défavorable » de la préfecture de la Corrèze. Vous devinez pourquoi ? En tout cas, le jour où PTT appelle la préfecture pour savoir où en est son dossier, c’est la panique. Le fonctionnaire bégaye au téléphone, ne sachant que dire, comment le dire, et faisant celui qui ne sait pas – mais sans le talent qui le rendrait crédible. Quelques mois plus tard, la même association qui était pourtant la mieux à même en Haute-Corrèze de répondre à un autre appel à projets pour mettre en place des conseillers numériques sur le territoire, a été prévenue indirectement que la préfecture avait été catégorique : « C’est même pas la peine que PTT se porte candidate » - sous-entendu : son dossier sera refusé d’office.
    Un photographe, en Creuse, a appris qu’une subvention prévue pour son travail serait interrompue sur consignes de la préfecture.

    Arrêtons ici la litanie. Il est clair que les bâtons dans les roues, la suspicion et les mesures de rétorsion ne sont pas anecdotiques et exceptionnelles. Elles peuvent aussi être lues à la lumière du positionnement de l’État vis-à-vis des associations tel qu’il s’est exprimé à travers la loi confortant les principes républicains (dite loi séparatisme) et son contrat d’engagement républicain. La Hongrie et la Pologne n’ont pas le monopole de l’illibéralisme.

     

    Tout le monde aime les subventions

    En France, la part de l’argent public dans l’économie est particulièrement importante. Les subventions ne soutiennent pas que les associations sans but lucratif, loin de là. D’importantes filières capitalistes promptes à critiquer l’intervention de l’État bénéficient largement de l’argent public. Quelques exemples :
    Aides à la presse : Le Parisien – Aujourd’hui en France : 11,9 millions d’euros de subventions en 2021 pour ce journal qui défend les intérêts de son propriétaire le milliardaire Bernard Arnault. Le Figaro : 7,7 millions d’euros de subventions en 2021 pour cet organe du groupe Dassault. La Montagne : 577 000 euros de subventions en 2021. (source : « Tableau des titres de presse aidés en 2021 », culture.gouv.fr)
    Aide à l’industrie : 42 millions d’euros en soutien aux 16 mégabassines dans les Deux-Sèvres dont celle de Sainte-Soline. Dans ce projet lamentable, les fonds publics payent 70 % des dépenses. - Dans l’exploitation industrielle de la forêt : 20 à 40 % du coût d’une abatteuse est aujourd’hui financé par l’argent public (avant, c’était encore plus). (« Aide à l’équipement des entreprises de mobilisation des produits forestiers », commission permanente de la Région Nouvelle-Aquitaine, 7 novembre 2022). - Un demi-million d’euros publics pour chauffer les serres de Rosiers-d’Égletons. - Plusieurs centaines de milliers d’euros publics pour ériger le méthaniseur de Pigerolles.
    Aides aux cabinets de conseil : 497 800 euros à McKinsey pour réfléchir au « marché de l’enseignement », pour un colloque finalement annulé ; minuscule exemple dans le milliard d’euros versé chaque année par le gouvernement Macron à ses amis des cabinets de conseil pour générer des « powerpoints » souvent très légers.

     

    Le contrat d’engagement républicain

    Depuis le premier janvier 2022, toute association recevant des financements publics doit signer un « contrat d’engagement républicain ». Imposé par la loi du 24 avril 2021 « confortant le respect des principes de la République », il s’agit d’un engagement unilatéral de l’association à respecter 7 engagements :

    - Engagement N° 1 : Respect des lois de la République (« Le respect des lois de la République s’impose aux associations et aux fondations, qui ne doivent entreprendre ni inciter à aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public. »)

    - Engagement N° 2 : Liberté de conscience (« L’association ou la fondation s’engage à respecter et protéger la liberté de conscience de ses membres et des tiers »)

    - Engagement N° 3 : Liberté des membres de l’association (« L’association s’engage à respecter la liberté de ses membres de s’en retirer »)

    - Engagement N° 4 : Égalité et non-discrimination (« L’association ou la fondation s’engage à respecter l’égalité de tous devant la loi. »)

    - Engagement N° 5 : Fraternité et prévention de la violence (« L’association ou la fondation s’engage à agir dans un esprit de fraternité et de civisme. »)

    - Engagement N° 6 : Respect de la dignité de la personne humaine

    - Engagement N° 7 : Respect des symboles de la République (« L’association s’engage à respecter le drapeau tricolore, l’hymne national, et la devise de la République. »)

    Certains de ces engagements ne choqueront personne, mais d’autres sont plus discutables et surtout plus interprétables... C’est pourquoi la plupart des représentants du monde associatif, Haut Conseil à la vie associative en tête (un organisme tout ce qu’il y a de plus officiel, placé auprès du Premier ministre) ont critiqué ce contrat d’engagement républicain. Qu’est ce qu’ « entraîner des troubles à l’ordre public » ? À partir de quand ne respecte-on pas les « symboles de la République » ? Où commence, où finit « un esprit de civisme » ? À Poitiers, le préfet de la Vienne a estimé que l’association Alternatiba avait enfreint le contrat d’engagement républicain en organisant un atelier sur la désobéissance civile... Chez nous, de manière informelle, c’est le non-respect de ce même contrat qui a été mis en avant pour justifier le retrait de plusieurs dossiers d’une commission d’attribution de subventions... Ce contrat est ressenti clairement par les associations comme un signe de défiance - ce qu’il est clairement - d’autant qu’en aucun cas il n’est demandé aux entreprises qui reçoivent aussi des subventions de l’État de signer un tel acte d’allégeance. Les entreprises seraient-elles naturellement républicaines ?

     

    Michel Lulek et Alan Balevi

    Lire aussi «Comment la loi « Séparatisme » permet aux préfectures de frapper les associations au porte-monnaie», paru sur basta.media le 23 novembre 2022.
  • Les valeurs défendues par la Cimade sont-elles compatibles avec la loi « confortant les principes républicains » ?

    La proposition de loi « confortant les principes républicains », plus connue sous le nom de loi contre le séparatisme, prévoit que toutes les associations qui recevront une subvention de l’État, devront signer un « contrat d’engagement républicain » qui prévoit, entre autres, de respecter « l’ordre public, les exigences minimales de la vie en société et les symboles fondamentaux de la République ». Une obligation qui rappelle de mauvais souvenirs à une association nationale qui a plusieurs antennes sur le Plateau, la Cimade.

     

    logo la cimadeLa Cimade (Comité Inter Mouvements Auprès Des Evacués) est née en 1939, en soutien aux Alsaciens et Lorrains évacués et déplacés dans le sud-ouest de la France du fait des menaces d’invasion. Après l’armistice, les étrangers « indésirables » (dont ceux qui avaient fui les nazis), sont internés dans des camps dans des conditions épouvantables. La Cimade s’installe à leurs côtés, en commençant par s’imposer dans le camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques) initialement destiné aux Républicains espagnols. D’autres camps suivront.

     

    Une histoire ancienne...

    Cette décision résulte d’une réflexion qui agitait les églises protestantes allemandes depuis 1934 quand un certain nombre de pasteurs, autour de Martin Niemöller, Karl Barth ou Dietrich Bonhoeffer, ont refusé de prêter allégeance au Reich. Ils créent l’« Église confessante » contre la décision d’Hitler de fusionner les églises protestantes dans une grande Église protestante du Reich  sous contrôle nazi. La déclaration de Barnem qu’ils publient, affirme l’obligation de s’opposer à l’idéologie nazie et l’antisémitisme, et pose la priorité de se situer auprès des « souffrants, des menacés et des méprisés ». Les membres de l’Église confessante seront persécutés et Niemöller passera 8 ans en camp de concentration.

    L’internement des étrangers et les lois antijuives amènent les protestants français à prendre position en s’inspirant de la déclaration de Barnem. En 1941 une quinzaine de personnalités rédigent les « thèses de Pomeyrol ». Ce texte, de résistance à toute influence totalitaire, pose les rapports de l’Église et de l’État, les limites de l’obéissance à ce dernier, la dénonciation de l’antisémitisme et la condamnation de la collaboration. Parmi les personnalités ayant rédigé ce texte : Madeleine Barot et Geneviève de Dietrich, fondatrices de la Cimade.

    En 1942 avec l’invasion de la zone dite libre débutent l’internement et la déportation des juifs. La Cimade va dépasser la simple présence auprès des internés et entrer en résistance, pour faire évader les juifs, les cacher, les faire passer en Suisse. Elle s’honore de ces actes de désobéissance civile !

    Parmi les grandes heures de la Cimade, sa présence pendant la guerre d’Algérie tant auprès des populations civiles déplacées de force et démunies en Algérie, que des populations immigrées persécutées en France, sa dénonciation de la torture et ses prises de position contre le colonialisme.

     

    … Qui résonne encore aujourd’hui

    Jusqu’à ce jour la Cimade défend les droits et l’accès aux droits des personnes étrangères. Elle témoigne et agit contre les discriminations qu’elles subissent, est présente dans les lieux d’enfermement : prison et centres de rétention et témoigne de ce qui s’y passe. Elle est également présente auprès des sans-papiers, des refoulés aux frontières et lutte contre les abus subis par les personnes étrangères. Elle intervient dans l’espace public par des déclarations, des manifestes, des plaidoyers, mais aussi des actions de rue. Elle collabore avec des associations à l’étranger qui partagent ses valeurs. Devenue au fil des ans une association laïque, la Cimade reste marquée par ses prémices et revendique toujours le primat des droits humains sur la raison d’État, au prix si nécessaire de la désobéissance civile (à l’exclusion de la violence). 

    Au-delà des graves questions posées par la criminalisation du « séparatisme », avec la loi confortant les principes républicains et le contrôle des associations par la signature d’un « contrat d’engagement républicain », il faut s’interroger sur la compatibilité de cette loi avec les thèses de Pomeyrol. La signature d’un tel contrat rappelle l’obligation d’allégeance imposée aux églises allemandes en 1934. Si les principes de liberté, d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine, indépendamment de sa religion, sa nationalité, ses opinions, etc., sont bien évidemment défendus par la Cimade, la notion de respect de l’ordre public est floue et ambiguë. À partir de quand une action revendicative menace-t-elle l’ordre public ? La Cimade, cette vieille dame indigne au passé prestigieux, sera-t-elle un jour accusée de séparatisme ?

     

    Dominique Weber-Alasseur

     

    Pétitionner contre la loi

    « Présentée par le gouvernement comme une loi de liberté, celle-ci n’impose en réalité que des interdits, de nouveaux délits pénaux et des contrôles de toute la population. Derrière une fausse justification sécuritaire se cache en réalité une véritable loi anti-association. » C’est ainsi que commence une pétition contre le projet de loi « confortant les principes républicains », lancée par des associations et des universitaires. IPNS en est signataire.

    https://lemouvement.ong/loiseparatisme 
  • Lettre ouverte à Jean-Pierre Raffarin et à ceux qui suivent béatement ce qui est en train de se passer

    Dans son n° l, IPNS décrivait le fait associatif sur le plateau de Millevaches, sa richesse et son développement. Deux ans plus tard, la vie associative est-elle en danger de mort ? Olivier Davigo, militant associatif, craint pour l'avenir des associations en voyant les mesures prises par le gouvernement Raffarin. Il le dit haut et fort.

     

    raffarinMonsieur le Premier Ministre,

     

    En Juillet 2001 c'était la fête du centenaire des "associations loi 1901".

    2003 sera-t-elle l'année de leur avis de décès ?

    En effet votre gouvernement supprime aujourd'hui les emplois jeunes, diminue les subventions accordées à la culture ou à la jeunesse, remet en cause le statut des intermittents du spectacle… et compromet ainsi tout un secteur de la vie sociale.

     

    Alors je suis en colère !

    Parce que nous avons autre chose à faire qu’à passer notre temps à ramer à contre courrant, à courir après l’argent, à monter des dossiers chaque année, à ne jamais pouvoir être sûrs de conserver les emplois nécessaires au bon fonctionnement de nos associations. Un temps que nous perdons à batailler au lieu de l’utiliser à nos différentes missions. Quel gâchis !

     

    Toutes les décisions que votre gouvernement prend actuellement sont de très graves atteintes au fonctionnement de toutes ces associations qui se sont patiemment construites, parfois depuis un siècle, pour le bien collectif. Combien de jeunes grâce aux "emplois jeunes" ont trouvé une stabilité, en exerçant un réel travail d’utilité sociale ? Combien d’artistes, de techniciens du spectacle seront demain à la rue ?

    Aujourd’hui, pour pleinement satisfaire à leurs missions, les associations ne peuvent plus se passer des aides publiques. A l’heure où les règlements et les normes sont devenus obligatoires, le bénévolat seul ne suffit plus. Il faut des animateurs professionnels de VTT, des professeurs de musique diplômés, des régisseurs patentés, des soignants confirmés… Sans aides gouvernementales (emplois jeunes, statuts d’intermittents, subventions diverses) les "services"  proposés par les associations seront  inaccessibles pour la majorité d’entre nous. 

     

    Il faut le retour des emplois jeunes ainsi que leur pérennité (chantier non abouti avec le précédent gouvernement). Il faut que nos associations soient soutenues financièrement et en toute indépendance. Il faut garder aux intermittents du spectacle des conditions de rémunérations appropriées à leurs métiers très spécifiques, qui n’ont rien de scandaleuses, comme on voudrait nous le faire croire.

    Il ne s’agit pas de mendicité. Le rôle des associations est INDISPENSABLE au bon fonctionnement de notre société.

    Pour que la vie soit la vie, il faut des vraies priorités : le respect et la connaissance (de l’autre, de soi, de son environnement et de son histoire), la justice (sociale, économique),  l’engagement, l’effort (acteur de sa vie avec les autres),  la responsabilité, la créativité, la solidarité et la compassion. Ces priorités là ne se décrètent pas, elle s’apprennent, se gagnent par un long travail d’éducation, de relations sociales riches, d’expériences, d’inter-relations, de confiance, etc… C’est ce qu'on appelle la culture au sens large, ce qui donne du sens à l’existence, des raisons de vivre et non de survivre.

     

    Couper les vivres aux associations, c’est casser le lien social et finir de déstructurer notre société. Ne pas en faire une priorité gouvernementale, c’est croupir et végéter dans une situation insatisfaisante dans laquelle nous nous embourbons. 

    Vous pouvez faire voter un budget, mais vous ne pouvez pas à vous seul  rendre la vie meilleure, plus sécurisée et plus sécurisante, pour reprendre le thème démagogique à la mode…

    Ce travail de fond, cette réflexion sur notre société qui doit  nous sortir de l’Homo Economicus, qui les porte, si ce n’est la société civile? Ce grand "machin multiforme" que sont les associations loi 1901, et parmi elles, les associations culturelles, de solidarité, d’éducation populaire, les mouvements de jeunesses, les associations sociales, d’aides aux familles, aux personnes âgées, handicapées ?

    Faut-il toutes les citer pour bien se rendre compte de leur incroyable importance ? 




    Ce travail là, il ne vous appartient pas. Il est le résultat de la conscience du plus grand nombre qui construit, petit à petit, en tâtonnant souvent, en trébuchant parfois, ce fameux lien social, que vous galvaudez si souvent, cette société à chaque fois en devenir. Et il se construit au travers de cette forme collective qu’est l’ASSOCIATION et son bras économique, la COOPERATION. 

     

    Les associations ne sont pas les ennemies de l’Etat mais les partenaires respectables et indispensables de toutes les collectivités territoriales. C’est d’elles et du travail en partenariat qu’émergeront les solutions de demain, comme cela s’est patiemment fait dans de nombreux domaines tout au long du siècle dernier. 

     

    Votre rôle est, à minima, de ne pas l’empêcher, au maximum de le favoriser. Vous devez donner les moyens aux associations de pleinement accomplir leurs objectifs, sans arrière pensée de rentabilité et profit, mais  simplement en veillant au non gaspillage. 

     

    Mais tout cela, Monsieur le Premier Ministre, pouvez-vous  le comprendre ? Dans ce petit cercle du pouvoir, du parler faux, des courbettes et des croches pieds, de la stratégie tous azimuts, de la cour, des princes, des serviteurs, des profiteurs et des lécheurs, de l’hypocrisie permanente et du mensonge d’Etat, y a-t-il un espace pour la générosité, le don, l’acte gratuit  et la sincérité ? Comment pouvez vous comprendre ces lignes ?

     

    Cette colère n’est pas que la mienne. Elle est celle de tous ceux qui depuis longtemps se bougent, au quotidien, pour que la vie soit belle à vivre, et qui en ont assez de voir leurs efforts, leurs enthousiasmes usés par des gouvernants qui s’abritent derrière une légitimité bien mal acquise (80%, on sait …faute du pire). 

     

    Nous vivons une époque "pas moderne du tout". Merci de nous le rappeler !

     

    Olivier Davigo

     

    « Ce coup de gueule, parce que les décisions que ce gouvernement est en train de prendre sont très graves pour notre vie quotidienne. D’autant plus graves, qu’on n'en parle pas ou peu, que ça ne se voit pas, que ça ne se médiatise pas…»
  • Peut-on caricaturer le Proph... Président ?

    mommaitreLoi confortant le respect des principes de la République, article 6 :

    « Toute association qui sollicite une subvention s’engage, par un contrat d’engagement républicain, à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine ainsi qu’à respecter l’ordre public, les exigences minimales de la vie en société et les symboles fondamentaux de la République. »

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