Les sections de commune sont des portions de territoire organisées autour d’un village et possédant des biens appelés biens sectionaux (mobiliers ou immobiliers) ou des droits (affouage, pâturage, cueillette, chasse) distincts de ceux de la commune. En effet, il ne faut pas confondre les sectionaux avec les communaux qui sont rattachés et gérés intégralement par la commune.
Les sectionaux existent administrativement depuis 1793. Ils sont nés au 12ème siècle de terres soit données par les seigneurs aux paysans pour y fixer une main d’œuvre ou avoir des soldats pour défendre des places fortes, soit arrachées de force par des groupes d’habitants à leurs seigneurs.
Au fil du temps, beaucoup ont disparu. Aujourd’hui, ils sont présents en majorité sur les territoires montagnards (Vosges, Alpes du Nord, …). Pour le Massif Central, ce sont 300 000 hectares sur lesquels les habitants de plusieurs milliers de “sections” exercent leurs droits. Principalement localisés dans le Puy de Dôme, le Cantal, la Lozère, l’Aveyron, ils sont aussi présents avec une moindre importance en Limousin notamment en Creuse, sur la Haute Corrèze et l’Est de la Haute Vienne. Il est d’ailleurs bien difficile d’évaluer le nombre d’hectares que cela représente dans la région. Contrairement au reste du Massif Central, les sections limousines sont plus modestes avec des parcelles de taille réduite. Ceci peut s’expliquer en partie par le fait qu’en fin du XIXème siècle, nombre de biens de section ont été vendus à des particuliers, des habitants.
Sur le périmètre du Parc Naturel Régional du plateau de Millevaches, Peyrat-le-Château fait figure d’exception avec 1000 ha de sectionaux. Quelques communes comptent plus de 500 hectares de sectionaux comme Royère de Vassivière ou Eymoutiers. Mais bien souvent pour les communes ayant encore des sections, les surfaces sont plus modestes, autour d’une centaine d’hectares. Les biens immobiliers des sections sont de nature très différentes : étang, moulin, lande, bois, prairie... Lorsqu’il s’agit de parcelle agricole ou forestière, leur qualité agronomique et leur taille sont très variables. Cela peut aller d’un “bout de lande“ de 28 m2 (section du Villard – commune de Royère de Vassivière) à des parcelles de plusieurs hectares.
Aujourd’hui, les sections sont souvent considérées comme source d’inconvénients et de dysfonctionnements. Certains élus demandent leur suppression pure et simple et la transformation des biens sectionaux en communaux, ce qui leur permettraient d’en assurer la gestion et d’utiliser les revenus qui s’en dégagent pour l’ensemble de la commune. En effet, les biens ou les droits attachés aux sectionaux peuvent être source de revenus. Ces derniers doivent être employés exclusivement dans l’intérêt des membres de la section. Mais selon la Fédération des ayants droit de sections de commune, “cette disposition législative n’est que fort rarement respectée“.
Il est là aussi très difficile de savoir ce que représentent ces sommes. Si l’on prend l’exemple de la commune de Gentioux Pigerolles, certaines sections ne possèdent pas d’argent ou seulement quelques centaines d’euros quand d’autres sont beaucoup mieux pourvues. C’est le cas de la section des Salles dont la location de quarante hectares de terre agricole depuis des années a permis d’amasser près de 30 000 euros. Le cas n’est pas isolé, dès lors que les sectionaux ont été loués, qu’ils ont intègré un groupement syndicale forestier ils peuvent être sources de revenus. D’ici quelques années, la coupe et la vente de boisements arrivés à maturité pourraient se traduire en plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Pour les sectionaux, le propriétaire des biens, de l’argent ou des droits est la section de commune, personne morale, et non ses habitants. .../...
La condition pour être ayant droit est la résidence plus que la propriété. La section donne ainsi droit à ses habitants de jouir d’un territoire possédé collectivement. Mais encore faut-il que la section soit constituée (voir encadré : section constituée ou non), ce qui est rarement le cas.
Le régime juridique actuel des sections de commune, qui a transformé les règlements relatifs aux sectionaux, induit un certain nombre de problèmes. En 1985, la loi Montagne donne plus de pouvoir aux maires et aux préfets pour la gestion de ces biens collectifs : la section est gérée conjointement par le conseil municipal et par la commission syndicale. Mais, dans la pratique, du fait de la complexité de constitution des commissions syndicales, cette gestion relève le plus souvent du seul conseil municipal.
En 2003, le vote de la loi de modernisation de la politique de la montagne et de revitalisation rurale devait faciliter la mutation du droit de la section en faveur de la commune de rattachement. Ceci aurait pu sonner le glas des sections. Mais les résistances ont été virulentes et ont donné lieu à des procès. Les décisions de justice prises ont été en défaveur de la loi, créant des jurisprudences qui aujourd’hui la déstabilisent et la rendent difficilement applicable.
En Limousin, ces tensions semblent bien moins fortes. C’est sans doute pour cette raison que la commune de Beaumont du Lac a pu communaliser ses derniers sectionaux entre 2000 et 2007. Parfois les revenus de biens sectionaux sont intégrés au budget communal comme sur Eymoutiers. Cela évite des inégalités entre les villages sans sections et ceux bénéficiant de revenus conséquents.
Il existe des cas de figure inverses, très rares, où les sections constituées ont investi leur argent dans l’aménagement de leur village. Se pose alors pour la municipalité le problème de l’égalité de traitement pour les habitants d’une même commune. Dans bien d’autres cas les sections intègrent un groupement syndical forestier qui assurent la gestion des parcelles ainsi que des revenus. Très fréquent sur le plateau de Millevaches, cette pratique se traduit par une présence importante de l’ONF dans la gestion des sectionaux, ce qui amène Pierre Couturier à conclure que “les sectionaux (...) du Limousin, sous tutelle de l’ONF, sont voués à l’approvisionnement de l’insdustrie du bois“.
Les exemples sont nombreux pour illustrer la volonté des collectivités et des administrations d’intégrer dans leur gestion du territoire ces espaces capables d’autonomie. Il semble qu’avec le temps, elles finissent par atteindre leur objectif qui est de les faire disparaître. Lorsque ce sera le cas, il y a fort à parier que les sections ne resteront pas longtemps dans les mémoires tant elles paraissent méconnues de leurs habitants.
Frédéric Thomas
Pour moi elles sont obsolètes et ne correspondent plus aux usages actuels. A l’origine elles ont été créées pour permettre aux plus pauvres de subsister. A l’époque, 95% de la population était paysanne et les sections étaient bien souvent des prairies ou des tourbières. Elles servaient à nourrir les bêtes et à se chauffer en brûlant de la tourbe.
Je considère qu’aujourd‘hui il faudrait les communaliser. Certaines sections ont de l’argent mais ne peuvent s’en servir que dans un cadre très restreint. D’ici peu la plupart des sections qui sont gérées par des groupements syndicaux forestiers (GSF) vont recevoir des sommes conséquentes car leurs boisements sont arrivés à maturité et vont être bientôt coupés pour la vente. Que vont-elles faire de cet argent ? Je parle ici de centaines de milliers d’euros. Elles vont refaire les routes, aménager le village de la section ? Mais tout cela relève de la compétence de la commune ! C’est cette dernière qui réalise les investissements les plus importants pour le territoire communal. C’est pour çà que les revenus des sections devraient lui revenir. Çà nous éviterait de voir des sections verser des subventions aux communes pour les aider à financer certains travaux sur leur secteur.
Actuellement nous nous retrouvons avec une très grande majorité de sections qui sont “mortes”. La faible densité de population fait qu’elles ne sont que très rarement constituées et que les habitants ne s’y intéressent pas. Et puis je ne suis pas sûr que le village soit la bonne échelle pour impliquer les habitants dans la gestion des terres, de l’argent. Imaginez que sur les dix habitants deux groupes s’opposent sur la gestion de la section. L’ambiance dans le village va s’en ressentir. La vie des sections n’a pas été un long fleuve tranquille et nous connaissons des exemples où des décisions sont la cause de rancoeurs qui durent depuis quarante ans.
Après, pour les sections constituées et où les habitants ont des idées, je ne suis pas contre leur laisser l’initiative mais c’est à eux de mener à bien leurs projets. Il ne faut pas qu’ils nous demandent de les monter à leur place. Çà leur demandera donc de s’investir. De tout façon, étant donné la faible marge de manoeuvre que leur permet la loi, je ne sais pas trop ce qu’ils pourraient faire.
J’inviterai plutôt les personnes motivées à s’investir dans les conseils d’administrations des GSF. En effet, chaque section ayant apporté des terres dans un GSF détient des parts et un droit de vote. Chaque section a donc un représentant qui peut participer aux orientations du GSF et pour l’heure, très peu de représentants viennent aux réunions.
Mettons que des habitants aient envie de se réapproprier la gestion des biens sectionaux et de leurs revenus. Ces biens ne pourraient-ils pas participer aux dynamiques locales ? Par exemple par de la prise de capital dans la Société Coopérative d’Intérêt Collectif “Bois énergie“ qui va se créer sur Gentioux et Royère de Vassivière, ou alors par un prêt à taux 0% à une personne qui veut développer une activité économique sur une section ?
La section est une division administrative, c’est à dire que si elle prend des parts dans une SCIC, elle le fera comme si elle était une collectivité territoriale. Et je ne suis pas sûr qu’elle puisse le faire. Dans le second cas, elle est soumise aux mêmes contraintes que si c’était la commune, son statut ne lui permet pas de faire de prêt à un porteur de projet.
Comme je vous l’ai dit, les marges de manoeuvre sont très faibles. C’est pour çà qu’il faut passer à autre chose.
Frédéric Thomas