Mais que se passe-t-il ? Tout allait bien, pourtant. L’État donnait de l’argent, les planteurs plantaient, les gestionnaires géraient, les débardeurs débardaient. Les coupes à Blanc étaient à blanc, celles à Barbier, bien rasées, et les autres itou. Il y en avait bien quelques uns pour grogner parfois, mais rien qui puisse ralentir l’avancée d’une abatteuse ou d’un grumier. Et puis, d’un coup, voilà que ça tombe comme sur les Russes de La Courtine en 17...
Feu de forêt ?
La demande d’avis public sur le PPRDF devient publique
Le 26 décembre 2012, la DRAAF1 publie sur son site une demande d’avis public sur le Plan Pluriannuel Régional de Développement Forestier (PPRDF) à grands renforts de publicité. Malheureusement, les renforts ne sont jamais arrivés (et la publicité non plus), probablement égarés sur les routes sinueuses menant au Plateau.
Ce plan prévoit d’ici 2016 un objectif de récolte annuelle supplémentaire de 350 000 m3 de bois, dont 83% de feuillus, sur l’ensemble de la région, afin d’alimenter essentiellement les unités industrielles de production de chaleur de Limoges, Moissanes, Egletons, construites avec un fort soutien public. Le gargantuesque projet de scierie-chaufferie Erscia dans le Morvan viendra aussi s’alimenter sur le Plateau. L’objectif de développement des énergies renouvelables est louable, mais se pose la question de la capacité du territoire à répondre à cette nouvelle demande. Le Plateau est censé contribuer à cet effort régional à hauteur de 77 000 m3 avec une répartition feuillus-résineux non précisée. Le Plan d’Approvisionnement Territorial (PAT), réalisé sur le PNR de Millevaches en Limousin et la Communauté de Communes de Bourganeuf-Royère de Vassivière, a été publié en décembre 2012 (voir IPNS n° 39). Il fournit des conclusions claires sur le fait que la ressource en feuillus disponible sur le territoire correspond à ce qui est actuellement consommé. La moitié de ce bois récolté est utilisé par les habitants pour se chauffer. Cette situation génère “des conflits d’usage localement sur la ressource accessible“2, et de fait des “difficultés du territoire à alimenter des projets industriels“2. La récolte de feuillus prévue par le PPRDF ne pourra donc se faire qu’en mettant en danger l’avenir des feuillus sur le Plateau, et en accentuant les conflits d’usage, avec une augmentation inévitable et rapide du prix du bois de chauffage pour les habitants.
L’association Nature Sur Un Plateau découvre in extremis ce document et le diffuse auprès des habitants du Plateau, ainsi qu’auprès d’autres associations de la région. Résultat : le 25 janvier 2013, date de la clôture de la consultation, la DRAAF reçoit une pétition de Nature Sur Un Plateau agrémentée de plus de 3000 signatures recueillies en 5 jours, ainsi que des courriers de, à notre connaissance, PNR de Millevaches, Sources et Rivières du Limousin, SEPOL3, GMHL4, LNE5 et de nombreux particuliers.
S’ensuit une bataille médiatique (télévision, radio, journaux), et la production par la filière d’un communiqué de presse vantant les mérites de ce PPRDF, co-signé par Messieurs Ribes, Président de l’APIB6, Barbier, Président du Syndicat des Propriétaires Forestiers du Limousin, Tronche, Président du SEFSIL7, et Faucher, Président d’Entrepreneurs des Territoires Limousin.
La position officielle de la DRAAF suite à cette demande d’avis devenue publique est en attente à ce jour.
Opposition municipale à une coupe rase de feuillus à Nedde
Le Maire de Nedde, M. Bataille, a récemment attiré l’attention des habitants et des médias sur une situation préoccupante. Une forêt ancienne de feuillus jouxtant le village serait sur le point de changer de main, et pourrait être rachetée par M. Blanc. L’inquiétude du Maire porte sur l’avenir de cette forêt qui, selon lui, pourrait être rasée à blanc pour y planter du douglas. Ce serait alors une catastrophe forestière de plus pour les habitants d’un village aux paysages poétiquement évocateurs...
Sauvetage populaire d’un hêtre centenaire à Rempnat
Un beau hêtre en bord de route, sur une parcelle forestière privée en pleine coupe rase. Le propriétaire demande à la CFBL, qui réalise les travaux d’abattage sur la parcelle de résineux, de couper cet arbre dans la foulée. Quelques riverains s’interposent entre les tronçonneuses et l’arbre. Après discussion avec les bûcherons, tenus de suivre les directives du propriétaire, ceux-ci renoncent. Le propriétaire, courroucé par cette ingérence populaire dans son droit de propriété, inonde les institutions de courriers recommandés : mairie de Rempnat, membres du conseil municipal, gendarmerie, préfecture... Les caméras de Télé Millevaches observent la situation. La CFBL parvient à apaiser la situation, ce qui est tout à son honneur, et convainc le propriétaire de conserver le hêtre.
Contestations locales contre l’abattage des arbres de bord de route en Creuse
Le Conseil général réalise l’entretien (élagage ou abattage lorsque c’est nécessaire) des arbres en bord de route, qu’ils soient sur les domaines publics ou privés – en accord naturellement avec les propriétaires, ceux-ci ayant été informés par courrier qu’ils étaient responsables en cas d’incident. Seulement, l’abattage, en principe marginal et réservé à des cas particuliers, s’est fâcheusement systématisé sur de nombreux tronçons routiers. Ce qui a conduit à la destruction d’arbres parfois plusieurs fois centenaires et ne présentant manifestement pas de danger pour la circulation. Les habitants des communes concernées se sont élevés contre ces pratiques, et demandent au Conseil général un moratoire et des mesures de mise en valeur et de préservation de ce patrimoine. Un collectif d’associations s’est mis en place le 4 mars pour agir en ce sens, et une pétition en ligne est ouverte par LNE jusqu’au 20 mars 20138.
Gaël Delacour
(IPNS n°42 - mars 2013)
1 Direction Régionale de l’Alimentation, l’Agriculture et la Forêt.
2 Plan d’Approvisionnement Territorial PNR de Millevaches en Limousin et Communauté de Communes de Bourganeuf-Royère de Vassivière, 2012.
3 Société pour l’Etude et la Protection des Oiseaux en Limousin.
4 Groupement Mammologique et Herpétologique du Limousin.
5 Limousin Nature Environnement.
6 Association Pôle Interprofessionnel Bois.
7 Syndicat des Exploitants Forestiers, Scieurs et Industriels du Limousin.
8 http://www.petitionduweb.com/Petition_petition_contre_les_abattages_d_arbres_en_bord_de-1000429.html
Quelques initiatives ici et ailleurs
- L’avenir de nos forêts : une publication citoyenne
Devant des perspectives inquiétantes quant à l’avenir des forêts du plateau, quelques habitants se sont emparés de la question. Ils ont étudié les projets de lois, scruté entre les lignes des directives de nos instances locales, réfléchi à une autre vision de la forêt en général et se sont plongés aussi dans l’histoire du boisement sur notre territoire de la montagne limousine. La gestion de la forêt fait partie des sujets éminemment litigieux, susceptibles de remettre en cause la domination de puissants “lobbies“ ; elle touche pourtant directement notre vie quotidienne.
Rédiger et diffuser ce document est donc avant tout une manière de s’occuper directement de ce qui nous regarde de près, et de ce qui se profile pour notre économie locale et dans nos paysages.
Se procurer la brochure : http://aupresdemonarbre.noblogs.org
Erscia... ou comment détourner la politique “carbone“
Un projet de méga scierie et incinérateur porté par des actionnaires Belges et Luxembourgois, dans un bois de 100 ha, à deux pas du Parc naturel régional du Morvan et d’une zone Natura 2000, bordée par une rivière 1re catégorie et un ruisseau classé “aire de reproduction d’espèces protégées“.
En juin 2012, des citoyens intrigués par ce projet “écologique“ soutenu par les élus locaux, étudient le dossier. Alarmés par son contenu et son impact sur le Morvan, ils créent l’association Adret-Morvan.
Un projet basé sur les subventions aux “énergies renouvelables“
L’incinérateur (25% biomasse) de production électrique bénéficie pourtant des bonifications de rachat “biomasse“. C’est la partie la plus rémunératrice de l’usine. Juste derrière, c’est l’usine de granulés bois, potentiellement fabriqués avec du bois d’œuvre, et transformés en Belgique en électricité dopée aux “bons verts“ belges…
Un bilan carbone désastreux
La ressource nécessaire n’existe pas en Bourgogne et il s’avère que le bois viendra de 300km à la ronde, surtout du Limousin… 300 km par camion, des granulés faits avec du bois qui aurait pu avoir d’autres usages, puis brûlés en Belgique (500km) … Bonjour le bilan carbone ! Erscia est une pompe à subventions qui utilise les failles de la législation carbone.
Erscia : une mobilisation citoyenne
La mobilisation a permis de bloquer le projet grâce à des recours juridiques et à une occupation du site depuis février 2013. Après un an d’occupation, le dispositif a été allégé au fur et à mesure des victoires juridiques, mais le site reste entretenu et opérationnel.
Adret Morvan - www.adretmorvan.org
Une mauvaise exploitation de la forêt en Limousin
En Limousin, certaines forêts sont déboisées en dépit du bon sens. Des machines disproportionnées coupent les bois avec de graves conséquences sur leur pérennité. Pourtant, la forêt est une ressource importante de la région.
En juin 2014, des gros engins forestiers ont détruit une forêt à Sainte-Anne Saint-Priest, en Limousin, sur la colline classée de l’église.
Pour quelques milliers d’euros, le propriétaire a confié l’exploitation de sa forêt à une entreprise équipée d’engins mécaniques pesant 40 tonnes.
”A cette époque de l’année, la repousse de la forêt risque d’être difficile à cause de la grande perte de sève. C’est pour cela qu’habituellement on coupe les arbres en hiver !” s’exclame un habitant du village.
Ce même villageois nous explique qu’il peut y avoir de grands risques d’érosions à cause de la coulée de la terre, de la pente et du temps (pluie). Le problème, c’est que la terre va tomber sur la route, bouchant le fossé et la route.
Pour aller plus vite, les bûcherons on laissé en vrac les branches sur le sol. Celle ci vont pourrir et des parasites vont apparaître. Lorsqu’il y aura du vent, les parasites seront transportés dans les forêts environnantes et contamineront les arbres en bonne santé.
La majorité des habitants du villages trouvent que ceci n’est pas très joli dans le paysage. Malheureusement, il faudra de longues années avant que tout repousse.
Nous avons pu observer des traces de brûlures sur les arbres. En effet, les machines ont tellement chauffé qu’elles ont brûlé les arbres quelles étaient en train de couper.
La plupart des arbres coupés ne sont pas utilisés alors qu’ils pourraient être gardés : c’est du gaspillage.
Les machines, pour aller plus vite, ont tassé les petits arbustes ce qui abîme le sol et qui rend la terre moins fertile. Pourtant, le Limousin est une région propice à l’exploitation de la forêt.
Avec le bois coupé, on pourra fabriquer des meubles, des feuilles (celle-ci par ex.), du parquet, ou même chauffer des maisons.
On pourrait couper le bois de façon plus artisanale et moins destructrice pour la forêt.
Article réalisé par Matéo LACROIX, 12 ans, Maë VELTZ, 11 ans et Siloé VELTZ, 8 ans.
Nature sur un plateau
Association créée en janvier 2012, NatSup a pour objet de « favoriser l’émergence de pratiques respectueuses de l’environnement au sens large en vue d’établir un juste équilibre dans les relations entre les humains et la nature. » Les membres se sont penchés, dans un premier temps, sur la forêt, problématique récurrente sur le plateau.
Notre position : créer et de maintenir un dialogue avec la filière professionnelle locale, sans pour autant lui ”pardonner” ses erreurs ou abus. Nous sommes dans un contexte un peu particulier : massif de forêts jeune qui semble destiné à l’exploitation industrielle outrancière, des propriétaires peu au fait de la sylviculture, une population peu dense mais dont une partie est très impliquée dans le développement local...
La création de l’association a suscité un vif intérêt de la part des habitants comme des professionnels et provoqué quelques remous.. Globalement, nous admettons la nécessité d’exploiter la forêt, ressource économique indispensable au pays. Mais nous militons pour une gestion plus ”durable” dans le vrai sens du terme, c’est-à-dire que nous considérons que la replantation de massif en mono-espèce , après coupe rase, pour alimenter des industries démesurées ou pour l’exportation est une solution non viable. Nous n’oublions pas les impacts ”collatéraux” d’une telle gestion : pollutions, eaux, sols, faune et flore...
Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
SOS Forêt France, un collectif national pour une forêt française en danger
SOS Forêt France, créé en novembre 2013, est un collectif d’associations, de syndicats des professionnels de la forêt et de personnalités qualifiées. Lors de la réunion constitutive, un consensus fort s’est exprimé sur la nécessité de créer une force de veille citoyenne et de contre-pouvoir face aux lobbies financiers dont les appétits sur les ressources forestières prennent actuellement des proportions dangereuses.
Une action d’urgence a été engagée à l’issue de la réunion visant à réorienter le projet de loi d’orientation agricole et forestière, examiné actuellement par le Parlement qui a obtenu des avancées sensibles au sénat. Malheureusement une partie de ce que nous avons obtenu a été détricoté par les députés…
Le collectif SOS Forêt France s’engage pour contribuer à élaborer et à faire adopter une autre vision de la gestion forestière et de la filière Bois qui optimise les apports sociaux, écologiques et économiques des forêts à court et long terme, pour le bien de tous, aujourd’hui et demain.
www.sosforet.org