Quito, à 2800 mètres d'altitude, au cœur des Andes, compte plus d'un million et demi d'habitants et présente toutes les caractéristiques d'une ville d'Amérique latine, qui juxtapose une superbe ville coloniale, classée au patrimoine mondial par l'UNESCO, une ville moderne organisée par un plan classique en damier et constituée principalement d'immeubles "gratte ciel", et des quartiers populaires et bidonvilles, conquérant anarchiquement les flancs des volcans qui encerclent la ville. Erosion dévastatrice, pollution, dégradation de l'environnement, encombrements des transports, violences, marquent le cadre de vie d'une urbanisation galopante et d'un "mal développement" généralisés en Amérique latine et dans le tiers monde en général, même si ces caractéristiques ne lui sont pas réservées.
Le défi de ces rencontres était de taille, puisqu'il s'agissait de rassembler des délégations venant de l'Himalaya, des Andes, des Alpes, du Caucase, des Carpates et d'autres massifs de la planète, sur des objectifs communs, qui supposent une vision commune de la montagne et de son évolution.
De fait, des points de vue communs sont rapidement apparus, liés aux conditions physiques spécifiques aux milieux montagnards : altitudes élevées, reliefs, versants, rudesse des climats, étagement de la végétation, et leurs conséquences sur les modes de vie : difficultés d'accès, enclavement, conditions de vie plus rudes, etc.
Réservoirs traditionnels d'hommes, réservoirs de matières premières, et en premier lieu, réservoirs d'EAU, réserves d'espaces et d'environnements préservés pour l'avenir, les massifs montagneux du monde ont également livré leurs différences, et la Montagne Limousine, pauvre en hommes, m'est apparue "bien riche" face aux hautes vallées de l'Himalaya ou aux "paramos" boliviens.
L'expression des représentants des populations ou communautés traduisait aussi de notables différences. Ainsi, la montagne française "organisée" depuis plus de vingt ans, ayant bénéficié d'une première loi montagne en 1985 (aussi imparfaite soit-elle), travaillant sur une seconde loi, a su convaincre et faire avancer la nécessité d'une prise en compte spécifique de la "montagne européenne" dans l'Union européenne.
Pour les montagnes du tiers monde le contraste était fort, tant au niveau du développement que de la manière de témoigner. Des montagnes d'Afrique "fatalistes" (à l'exception notable du Rif marocain remarquablement représenté), en passant par les communautés indiennes d'Equateur, de Bolivie et du Pérou, vigoureusement revendicatrices, aux témoignages népalais ou indiens, démonstratifs et constructifs, il y avait là une palette de situations contrastées mais semblables, dont le fil conducteur commun consistait en un respect exceptionnel de la nature, une véritable symbiose de l'homme avec son environnement naturel, animal, végétal… et une spiritualité forte entre les populations de montagne et leur cadre de vie1. Spiritualité qui a disparu dans les montagnes du Nord, développées au profit d'un développement économique utilitaire et mercantile.
La synthèse était donc difficile. Elle a cependant été réalisée au bout de trois jours de discussions animées, de débats enrichissants et révélateurs des conséquences d'une mondialisation de l'économie. Globalisation qui tend à uniformiser les modes de vie sur l'american way of life, approfondit le fossé Nord-Sud et accentue les contrastes mondiaux du développement2.
La charte adoptée construit un véritable projet pour la montagne, qui ne renie pas la nécessité d'un développement économique, mais durable et équitable, et préserve les valeurs essentielles, culturelles3 et spirituelles des montagnes du Sud.
Bernadette Bourzai