
A l’occasion du centenaire de l’arrivée en 1913 de Marius Vazeilles sur le Plateau de Millevaches et de l’anniversaire des quarante ans de la mort, en 1973, de cette figure emblématique du plateau, la Fondation Marius Vazeilles de Meymac organise une commémoration de son œuvre. Des sorties sur les lieux de fouilles de Marius Vazeilles seront organisées et un colloque sera consacré au “reboiseur du plateau“ qui se déroulera les 27 et 28 septembre 2013 à Meymac. Des archéologues, des ethnologues, des historiens, des habitants de la Corrèze présenteront une rétrospective de sa vie et du travail qu’il a accompli sur le territoire corrézien. Des interventions sont prévues sur les différentes facettes du personnage : le forestier, le militant politique communiste, l’ethnologue, l’anthropologue et l’archéologue. Raphaël Larrère, directeur de recherche honoraire à l’
Inra, proposera dans ce cadre une intervention intitulée : “Une exception dans les reboisements de montagne : la forêt paysanne de Marius Vazeilles“.
L’occasion pour IPNS de revenir une fois encore sur la forêt du plateau, une forêt qui, au final, ne ressemble que très peu au projet de forêt paysanne auquel rêvait Vazeilles. Tandis qu’il imaginait un système agro-sylvo-pastoral équilibré, où la forêt appuierait le maintien d’une agriculture paysanne sans l’entraver, la réalité fut, on le sait, beaucoup plus violente. Le reboisement devenu essentiellement un enrésinement fit passer en un demi-siècle le taux de boisement du territoire de 5% à peine au début du XX° siècle à plus de 50% dès les années 1970. Une conquête forestière qui ne s’est pas faite sans heurts ni conflits comme en témoigne la manifestation de 1977 sur la commune de La Villedieu (Creuse) où des habitants, dont beaucoup de néo-ruraux, sont venus protester en nombre contre l’enrésinement du hameau des Bordes (Cf. la coupure de presse de l’époque que nous publions ci-dessous).
Autre témoignage de cette intrusion de la forêt : les poèmes, écrits en 1978, de Nicole Fortier, la “bergère de Chamboux“.
Aujourd’hui les débats ne sont plus les mêmes, mais ils demeurent toujours aussi vifs. Ils posent néanmoins toujours la question du type de forêt que nous voulons promouvoir : forêt industrielle et exogène ou forêt cultivée et endogène ? Les actions menées contre les coupes abusives d’arbres en bord de route en Creuse témoignent, d’une autre manière, des évolutions de notre rapport à l’environnement et à l’arbre. Nous donnons ici la parole à Julien Jemin, le porte-parole du collectif Arbres du bord de route.
La marche des Bordes 1977

Élagage draconien en Creuse
La Creuse semble s’être lancée dans un abattage outrancier des arbres de bord des routes. Un collectif s’est créé afin de suivre les travaux engagés et de tenter de protéger les secteurs encore intacts.
Le collectif Arbres du Bord des Routes (ABR) a obtenu une réunion de concertation avec le conseil général de la Creuse début juillet 2013. Il semble que la perspective d’une véritable gestion des abords de routes soit lancée... À suivre. En attendant, voici le communiqué d’ABR suite à cette réunion.
”Au cours de la réunion du 8 juillet 2013, 5 membres du collectifs ABR étaient présents et 8 personnes du conseil général dont 3 conseillers généraux (Agenda 21, routes, environnement) ; ce qui donne du crédit à la thématique et montre qu’ils prennent cela au sérieux. Le collectif a présenté son projet d’organisation quant à la mise en place d’un comité de concertation. Ce dernier a pour objectif de créer un groupe de discussion et d’échange sur cette thématique pour laquelle les Creusois ont montré leur intérêt. Le collectif a rappelé qu’il n’avait pas vocation à se substituer au conseil général mais qu’il souhaitait simplement participer à cet outil et aider le conseil général pour aller vers une gestion harmonieuse de ces abords de routes. Le conseil général s’est montré favorable à la mise en place de ce comité de concertation, lequel réunirait des experts internes et des compétences extérieures. Pour ce faire il se réunirait plusieurs fois par an pour travailler sur les programmations des UTT (Unités Techniques Territoriales au nombre de 6 sur le département) et les tronçons devant faire l’objet d’élagage. Le collectif a également émis le souhait qu’un groupe d’experts vienne en amont de chaque tronçon pour évaluer l’état sanitaire, paysager et environnemental des arbres devant faire l’objet d’élagage.
Le deuxième point important est la réalisation d’un schéma de gestion durable des abords de routes pour l’ensemble du département. Ce dernier serait composé de fiches avec différentes thématiques (communication, arbres remarquables, voies vertes, etc.) comme cela se fait dans d’autres départements.
Cette réunion s’est déroulée dans une ambiance sereine et l’ensemble des personnes du conseil général ont donné un avis favorable à nos demandes. La prochaine campagne d’élagage est prévue pour septembre. D’ici là, les agents du conseil général effectueront une formation auprès d’une personne compétente qui travaille actuellement à la mission “Haies-Auvergne“ visant au maintien de l’écosystème “haies“ sur la région Auvergne.
Un groupe d’expert passera en amont des travaux d’élagage prévus en septembre-octobre.
Encore une fois de simples citoyens ont dû se mobiliser et intervenir pour empêcher ce qu’on peut qualifier de n’importe quoi. On peut se demander qui sont ces gestionnaires à la vue courte et comment ils prennent leurs décisions. Et pourquoi la concertation ne précède pas les actes. En tout cas, merci à ces ”citoyens vigilants”.
Pour le Collectif ABR, Julien Jemin”
« Finir une vie de retraitée enfermée dans des sapins,
je n’ai plus pu le supporter »

La bergère de Chamboux et les “tristes sapins“
En 2000, l’association Carrefour pour une Forêt Citoyenne en Limousin (CFCL) réalisait une enquête auprès des petits propriétaires forestiers du Limousin. Nicole Fortier, bergère pendant 30 ans à Chamboux, sur la commune de Peyrelevade, avait partagé son ressenti sur la question. “J’ai toujours [...] vécu en parfaite harmonie avec les agents de l’ONF et les particuliers propriétaires de sapinières, mes brebis ayant bien souvent fait le travail d’entretien des plantations […]. Ceci a duré 25 ans. Depuis 1976, j’ai vu planter tout mon environnement, jusqu’au pied de ma porte. Au fil des années, les sapins ont grandi, tant et si bien que ce sont eux qui m’ont fait fuir et vendre la propriété. Finir une vie de retraitée enfermée dans des sapins, je n’ai plus pu le supporter. […] Je n’ai aucun intérêt à être pour ou contre la forêt, je vous l’ai dit, je n’ai plus rien, sauf le regret de n’avoir pas été entendue quand, dans les années 76 à 85, j’ai poussé mon “coup de gueule“ contre le trop de sapins.“
Voici quelques écrits de sa main, datant de 1978, que nous publions ici avec son aimable autorisation.