PNR de Millevaches en Limousin : Vous avez dit contrat ?

Date
samedi 1 mars 2008 08:53
Numéro de journal
22
Auteur(s)
Serge Wehrlen
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­Le  PNR de Millevaches vient de voir sa convention 2008-2010 validée par ses principaux partenaires. C’est assurément un moment clé dans la vie du Syndicat Mixte de gestion du Parc et pour le territoire qu’il représente.

 

pnrSoixante dix-huit actions sur 3 ans pour un coût total d’environ 9,6 Millions d’euros, avec des participations de la Région Limousin (1,9 M€), de l’Etat (environ 415 000 €), des départements de Creuse et de Corrèze (120 000 et 245 000 € respectivement ; la Haute Vienne signant un contrat particulier avec le PNR de Millevaches) : c’est peu dire qu’il s’agit là d’une convention importante, extrêmement touffue même (voir encadré page 5). Le PNR de Millevaches a placé la barre haut et aura fort à faire les 3 prochaines années, surtout si l’on ajoute que sur ces 78 actions, une cinquantaine relève directement de sa responsabilité.

 

PNR de Millevaches : une convention territoriale “exhaustive“

Le PNR de Millevaches joue son rôle en étant présent sur tous les champs où ce type de structures, créées pour conjuguer protection, mise en valeur et développement, est légitime. 

Difficile de considérer qu’il manque un des domaines clés de compétence des parcs naturels ! Reste que cette situation ne manque pas d’interroger. 

Non pas tant sur la quantité ou la qualité de telle ou telle action. Certes, on peut toujours se questionner sur le coût de certaines au regard  d’autres. 250 000 € HT prévus pour la réalisation et l’installation de panneaux “images“, cela paraît énorme quand on les compare aux 120 000 € ht prévus pour le soutien à des micro-projets économiques, surtout si l’on pense qu’un des enjeux du développement sur ce territoire réside probablement dans le développement de ce type de projets. Et que dire de l’opportunité d’affecter 230 000 € pour la création d’un mystérieux pôle culturel sur la vie de l’homme de Millevaches en Haute Corrèze ?

Quant à l’analyse des actions au regard des ambitions qu’un parc est censé incarner, elle révèle quelques manques : quid par exemple d’une action volontariste et explicite en faveur d’une agriculture biologique ?. L’importance relative de certains budgets peut­­ surprendre. Les 1,2 Millions d’€ prévus pour assurer la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine bâti, s’ils ne sont pas critiquables sur le fond, pèsent singulièrement lourds par rapport aux presque 280 000 € envisagés pour assurer le développement économique hors agriculture (animation de la DCT - Démarche Collective Territorialisée - et développement de l’économie sociale et solidaire). Au-delà des effets bénéfiques espérés d’une forme de patrimonialisation de l’espace, ne pourrait-on attendre du Parc un réel effort visant à faire émerger et valider des potentiels d’activités, voire à proposer des formes alternatives de travail adaptées à des espaces de faible densité (coopératives d’emploi et d’activités, …) ?­

 

Une convention trop « touffue » ?

Mais là n’est pas le cœur de la critique que l’on peut être amené à porter. On pourrait même considérer que cette convention souffre déjà, en l’état, d’exhaustivité.

Fallait-il vraiment vouloir y faire entrer tant d’actions, comme s’il s’agissait de démontrer que le PNR existe et qu’il n’est pas un vulgaire “machin “ , qu’il agit concrètement et utilement au territoire ? Situation compréhensible au demeurant : le parc n’a-t-il pas souffert de longues années d’atermoiement qui ont pu le rendre chimérique aux yeux de beaucoup, voire inutile ?

N’en reste pas moins que ce copieux menu pourrait se révéler indigeste sur deux plans au moins.

Sur le plan financier tout d’abord. Car, si pour l’heure le parc ne rencontre pas de difficultés financières pour mettre en œuvre son projet, il pourrait en aller autrement demain. Aujourd’hui directement acteur de nombreuses démarches, en particulier d’études et d’animation, le parc pourrait en effet à l’avenir se trouver face à des besoins de financement croissants pour assurer les investissements en découlant ; y compris à périmètre d’intervention constant. Dans un contexte où la ressource financière a plutôt tendance à se contracter, ce n’est pas là un maigre écueil pour 2010 et au-delà.

En terme d’organisation politico-administrative locale et d’efficience des politiques publiques ensuite. Le Parc, on l’a vu, porte de très nombreuses actions, dont certaines directement destinées à des particuliers (OPAH - Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat - et DCT ). Il n’est pas certain que ce choix soit le plus efficace à l’usage. La capacité du PNR à irriguer finement le territoire, à assurer une animation de proximité et à faire émerger ce faisant des porteurs de projet reste à démontrer. On aurait à tout le moins pu imaginer que des structures opérationnelles de proximité, de type communautés de communes, auraient été autant, sinon plus, adaptées pour effectuer ce travail. La très bonne couverture du territoire du PNR en intercommunalités (et en pays …) plaidait en tout cas en ce sens, tout comme l’exigence de clarification des rôles et compétences des différentes structures présentes. Il n’en va pas ainsi aujourd’hui et cela participe à brouiller le paysage. Mais sans doute faut-il y voir, là encore, la marque d’une histoire locale bien particulière, où le PNR doit parfois jouer des coudes pour exister et s’investit ce faisant sur le financement d’actions dirigées vers les particuliers pour être reconnu.­

 

PNR stratège ou PNR gestionnaire ? 

Un PNR financeur direct et gestionnaire de dispositifs, telle est donc aujourd’hui l’image donnée. 

S’il s’explique, cet état de fait n’en pose pas moins la question du rôle que doit jouer un échelon d’aménagement et de développement de ce type. Car si le parc met aujourd’hui “les mains dans le cambouis“, cela se fait pour partie au détriment d’une mission cruciale, qui est de sensibiliser les acteurs, de les fédérer et de les inciter à agir dans une perspective de développement durable en s’appropriant intimement les enjeux du territoire. 

Certes, il est plus d’un pan de la convention qui révèle un vrai effort de concertation, de coordination entre acteurs de la société civile et représentants élus. C’est notamment le cas des actions prévues en matière d’innovation (bourse à l’innovation, éco-centre de Lachaud), d’économie sociale et solidaire ou encore de culture, qui portent à la fois la marque d’une impulsion de la société civile (via le Conseil de Valorisation du PNR ou d’autres initiatives de fédération des acteurs) et d’une appropriation politique. (Même si l’on peut toujours s’interroger sur la façon dont ces actions seront relayées au-delà des premières expérimentations …)

C’est moins le cas dans d’autres domaines, tel l’environnement. L’effort de sensibilisation, d’animation puis de choix stratégique partagé n’a manifestement pas été porté ici, et les actions retenues illustrent plus une stratégie “technique“ que “politique“, avec des projets pointus (diagnostics piscicoles, diagnostics d’espèces, étude de fonctionnalité des écosystèmes…) plus que des démarches d’impulsion politique (comme peut le devenir le Plan Climat Territorial). De là à penser que ce domaine souffre d’un manque d’appropriation politique, il y a un pas qu’il est facile de franchir sans grand risque de se tromper et qui aurait peut-être pu être évité si le Parc s’était situé comme espace de débat, de rencontre et d’orientation, plus que comme acteur immédiatement porteur de projet.

A sa décharge, signalons toutefois que l’absence de direction sur une bonne partie des années 2006 et 2007 n’a guère permis de faire émerger simultanément des priorités portées par l’équipe technique du parc, par la société civile et par les élus locaux, puis d’identifier des passerelles entre elles et d’opérer des jonctions.

 

Pris dans l’alternative du «faire» ou du «faire faire», le PNR est au milieu du gué.

 

Pris dans l’alternative du “faire“ ou “faire faire“, le PNR est donc pour le moment resté au milieu du gué. Si cela manifeste probablement un “défaut de jeunesse“, voir une nécessité historique, cette situation ne pourra néanmoins souffrir longtemps d’hésitations. Il en va de sa crédibilité et de sa capacité à jouer un rôle autonome, tout en étant complémentaire des autres acteurs en présence.

De ce point de vue, les perspectives qui se dessinent pour l’avenir, avec la préparation des axes de travail pour 2011-2013, laissent au Parc la latitude de se repositionner comme animateur des réflexions, coordinateur des initiatives plutôt que comme gestionnaire.

Rôle certes ingrat que celui de “mettre en musique“ des initiatives parfois antagonistes et de fédérer des énergies, mais également valorisant, lorsqu’il s’agit d’intervenir en stratège, chargé d’éclairer l’avenir du territoire et de rendre possible ici “une autre vie“ (cf. slogan de la Fédération des PNR).

 

Serge Wehrlen

 

pnr millevaches

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La convention : un document au contenu à la fois symbolique et engageant.

Pris sous l’angle du droit, la convention constitue, “tout simplement“, un engagement entre signataires à mettre en œuvre le contenu décrit dans ladite convention.

Adapté pour gérer les relations entre collectivités territoriales, le principe du conventionnement est aujourd’hui fréquemment utilisé. La Région Limousin vient ainsi de signer, le 25 janvier 2008, dans le cadre de la mise en œuvre du Contrat de Projet Etat-Région 2007-2013, pas moins de 19 conventions en sus de celle concernant le PNR de Millevaches : 16 avec les différents Pays du Limousin, 1 avec le PNR Périgord Limousin et 2 avec les agglomérations de Brive et de Limoges. 

Un succès réel, donc, pour cette formule juridique au contenu à la fois symbolique et engageant.

Symbolique car la convention matérialise au travers de sa signature la rencontre entre différents partenaires porteurs de priorités politiques propres et singulières, les actions qui y figurent relevant alors des priorités partagées. Symbolique aussi dans la mesure où elle traduit en termes opérationnels, sous forme de programme d’actions pluriannuel (à 3 ans), les orientations stratégiques déterminées dans la charte du territoire. C’est en somme la feuille de route qui éclaire la manière dont le territoire entend atteindre les objectifs de développement qu’il s’est fixés. Symbolique enfin puisque ces conventions sont des outils de solidarité permettant d’assurer à l’échelle régionale une redistribution des richesses en fonction des fragilités des différents territoires concernés.

Engageant également, car la convention ne se résume pas à la seule présentation structurée des différentes actions envisagées. C’est aussi un document qui identifie les intentions de financement des partenaires intéressés à la mise en œuvre des projets. Outil financier qui permet de « mettre en musique » une stratégie, elle donne ainsi un ordre d’idée des volumes financiers en jeu et des sources de financement qui seront mobilisées. En ce sens, elle crédibilise d’ailleurs largement les appels de fonds qui interviendront à l’occasion de la mise en œuvre effective des projets énumérés : ce qui figure dans la convention a fait l’objet d’une validation de principe lors de sa signature.

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Les actions prévues par la convention du Parc

Etudes : développement de la connaissance de la biodiversité locale, des espèces présentes, diagnostics sur la qualité des eaux, étude de chartes forestières de territoire, diagnostics fonciers, étude pour la création d’un pôle culturel sur la vie de l’homme de Millevaches, étude pour la création d’un schéma de signalisation touristique … ;

Animations : de la charte forestière, de l’Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH), du volet culturel, de la Démarche Collective Territorialisée (DCT : soutien à l’artisanat et au commerce de proximité) ;

Formations : sensibilisation à l’environnement et au territoire en direction du grand public, des professionnels et des élus ;

Investissements : actions de gestion agri-environnementales, gestion des têtes de bassin versant, aménagements paysagers, travaux d’amélioration foncière et ouverture de fonds de vallée, valorisation du patrimoine bâti habitable, chantiers test en éco-construction, requalification de salles pour l’accueil de spectacles, soutien à la filière agricole (investissements réalisés par des éleveurs ovins, création d’ateliers de découpe), aménagements pour la mise en place de pôles sportifs de pleine nature, aménagements de sites d’interprétation du territoire, création de maisons de santé pluridisciplinaires …

 

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