Notre troupeau est constitué actuellement de quatre chevaux, d’une ânesse, et bientôt peut-être on accueillera une jument auvergnate. Nous les humaines, Montaine et Anaïs, nous nous occupons quotidiennement de nos compagnons équins, à Tarnac. Nous partageons avec des éleveurs de bovins et ovins bio une dizaine d’hectares où nous avons mis en place un système de rotation de pâturage : brebis, vaches et chevaux se relaient pour brouter dans des friches semi-naturelles, des prairies et des tourbières. Nous disposons aussi d’un parc d’hiver où les chevaux passent quatre mois de l’année au foin, et où nous espérons pouvoir construire un confortable abri dès que notre trésorerie nous le permettra. Notre association permet déjà à une dizaine de personnes d’apprendre à s’occuper des chevaux et à se déplacer avec eux. En visant l’autonomie pour celles et ceux qui le souhaitent, à plusieurs tant qu’il le faut, et toujours en étant réflexif par rapport aux transformations que les chevaux apportent dans nos manières d’envisager l’espace, le travail et le temps.
Ce collectif est né de plusieurs arrivées et rencontres sur le Plateau lors des trois dernières années, selon différentes trajectoires : Anaïs qui, après une thèse en sciences du langage, cherchait sur le Plateau de nouvelles aventures avec des chevaux ; Montaine qui, après des études d’anthropologie et des spectacles équestres en Espagne, commençait un service civique à Radio Vassivière ; et plusieurs chevaux qui ont tour à tour grimpé la Montagne limousine, venant de Brive, d’Anjou et de Bretagne. À partir de ces belles rencontres initiales une association a été créée, rejointe petit à petit par d’autres humain.e.s et équidé.e.s.
Pour avoir des chevaux en commun dans notre quotidien, l’implication de chacun.e .s est importante pour qu’un équilibre soit établi entre les chevaux, les humain.es plus ou moins habitué.e.s aux chevaux, et les multiples tâches à effectuer pour que ces alliances se passent dans de bonnes conditions pour tout le monde. Les soins quotidiens ainsi que les chantiers saisonniers sont partagés collectivement. Nous réalisons beaucoup de chantiers de réhabilitation de clôtures, même si aujourd’hui nous nous remettons en question par rapport à notre méthode de construction et réhabilitation de ces nombreuses clôtures. Nous avons aussi construit un rond de longe en réutilisant les dosses inutilisées de la scierie voisine. Et une cabane de jardin a été réaménagée pour devenir une sellerie mobile. Ce mode de fonctionnement collectif nous plaît, même si nous rencontrons parfois des défis techniques et organisationnels. Les questions de transmission de savoirs sont centrales dans notre démarche, car le fait que le projet soit collectif et partagé donne un sens singulier à ce que nous faisons. Nous continuons à apprendre tous les jours, en observant comment les chevaux peuvent faire évoluer favorablement les relations entre les paysages, les villages, et les humain.e.s.
Nous espérons commencer bientôt à travailler avec nos chevaux en traction animale : pour le maraîchage dans le grand potager commun du village, pour la culture de céréales dans des parcelles voisines, pour faire du bois... Les paysans voisins s’intéressent à notre projet comme une possibilité de s’émanciper des moteurs : non pas un retour en arrière mais plutôt une forme d’autonomie solidaire, basée sur l’alliance des savoirs actuels et anciens. On peut faire beaucoup de choses avec l’aide des chevaux : amender les parcelles, semer les céréales, labourer, écraser des fougères, livrer en porte à porte les productions du jardin ou les commandes de l’épicerie… Deux de nos chevaux sont déjà dressés à la traction. Pour l’instant nous disposons uniquement d’une bricole et d’un harnais. Nous sommes activement à la recherche d’outils de traction et de maraîchage, mais nous n’avons pas encore l’argent nécessaire pour les acheter.
Il y a quelques mois, un appel à projet pour préserver la race cheval auvergnat a été lancé par la Société Française des Chevaux de Travail. Nous espérons répondre aux conditions pré-requises pour accueillir une jument auvergnate prochainement. Accueillir une jument poulinière (et ses futurs poulains) pourrait marquer le début d’une activité économique qui permettra la survie de notre projet dans le temps. En effet, Montaine, qui effectue le stage « paysan créatif en Limousin » avec le Réseau ImpacT Limousin et l’Adear Limousin, est en train d’élaborer un projet pour s’installer en tant que paysanne(s) afin de valoriser la race du cheval auvergnat. Nous avons choisi cette race pour sa rusticité, son ancrage local et sa polyvalence : ces chevaux, bais ou bai-brun, peuvent faire de la randonnée, de longs déplacements, de la traction (petits travaux agricoles ou attelage) et ils sont très bien adaptés au climat et à l’environnement de moyenne montagne.
Dans les bourgs, nous réfléchissions aux endroits stratégiques pour aménager des espaces de pause pour nos chevaux : une barre d’attache, une barrière de sécurité si nécessaire, un abreuvoir... et on peut laisser nos chevaux se reposer, le temps pour nous d’aller boire un café, faire une course à la poste ou à l’épicerie. Nous en avons construits trois depuis un an et nous aimerions continuer à faire proliférer ces points d’attaches aménagés, pour élargir les horizons des déplacements à cheval, pour pouvoir relier des villages des trois départements en passant par les chemins. On entre dans un bourg avec un impression toute autre quand, plutôt que de sortir de sa voiture après avoir avalé dix kilomètres de bitume et presque un litre d’essence en dix minutes, on descend de cheval après plus d’une heure de chemins herbus et de sentiers. Bien-sûr l’idée n’est pas que les déplacements à cheval remplacent tous les déplacements en voiture, seulement de rendre plus facilement praticable une autre possibilité.
Jusqu’à maintenant, ce projet génère beaucoup d’enthousiasme, mais zéro argent ! Les adhérent.e.s de l’association participent à hauteur de 100 euros par an, ce qui permet d’acheter le foin pour l’hiver, mais pas d’investir dans du matériel. En attendant de trouver un équilibre économique sur le long terme, nous avons lancé un crowfunding pour pouvoir financer des outils et porte-outils pour la traction, la construction d’un abri dans le pré d’hiver pour accueillir la jument auvergnate et ses futurs poulains, l’aménagement de nouveaux points d’attache aménagés dans les bourgs, et des clôtures mobiles pour les pâturages tournants. N’hésitez pas à nous contacter ! Peut-être nous croiserons-nous bientôt sur les chemins en compagnie de nos amis à quatre jambes !
Anaïs de Haas et Montaine Rapegno