Depuis sa création il y a presque trois ans, on ne peut pas dire que le Parc naturel régional ait réussi à trouver une place reconnue et légitimée par l’ensemble des élus et habitants du Plateau. Paradoxe d’un outil qui rassemble pourtant l’ensemble des collectivités territoriales concernées (communes, départements et région) mais qui, sur bien des points, est contesté par des élus qui siègent dans son comité syndical et même dans son bureau.
Cette contestation, ces récriminations, ces rancœurs demeuraient jusqu’à il y a peu, dans une certaine confidentialité : tout le monde en parlait mais le plus souvent dans le cadre d’échanges informels ou de conversations privées, sans que cela ne débouche sur un véritable débat public. Une lettre ouverte a rompu avec ces discussions plus ou moins souterraines en posant clairement la question. Une manière directe de mettre les pieds dans le plat.
Ce texte, que nous reproduisons ici, a été signé par environ 160 personnes, dont des maires et des représentants associatifs. Il ne l’a pas été par beaucoup d’autres qui, ne s’y reconnaissant pas totalement, trouvant le moment ou le procédé inopportun, ont préféré s’abstenir tout en indiquant en off que la lettre pose néanmoins les bonnes questions.
A nos yeux, et c’est une des raisons pour laquelle IPNS en est signataire, elle a le mérite de sortir la question du parc du domaine des bruits et des rumeurs dans lequel jusqu’alors elle restait confinée. Depuis plusieurs mois, on ne pouvait guère rencontrer un élu et parler avec lui du parc, sans entendre des reproches ou des manifestations d’insatisfaction. Que quelques associations se rencontrent et c’était le plus souvent pour jaser sur l’impossible communication avec une directrice (heureusement enfin partie !) par laquelle tout semblait devoir être contrôlé, pour râler contre des courriers ou des dossiers restés sans réponse, pour s’étonner de décisions qui semblaient bien éloignées des préoccupations du terrain ou pour blaguer, désabusés, sur les petits potins du parc : “Tu ne connais pas la dernière ?”
Il faut bien admettre que ce genre de chuchotements n’est guère propice à faire avancer les choses ou à provoquer le débat nécessaire que réclame la situation. Quand une structure de développement qui intervient sur autant de domaines et qui est devenue sur le Plateau un passage institutionnel quasi obligé en est là, on ne peut plus se contenter de ruminer dans son coin.
Dans ce contexte la lettre pétition apparaît donc comme un cri en direction du PNR - en souhaitant qu’elle ne se réduise pas à un cri dans le désert.
A vrai dire, malgré le refus du Parc de réagir à cette initiative sur France Bleu Creuse et dans nos colonnes (voir page suivante), la lettre a tout de même touché ses destinataires. Le président du Conseil Régional a même piqué une grosse colère en découvrant le texte. De son côté, le président du parc, Christian Audouin, y répondait indirectement en ouvrant l’éditorial de la dernière lettre du parc distribuée dans toutes les boîtes aux lettres du Plateau, par cette phrase : “Il faudrait être animé de préoccupations malsaines ou tenté par le ridicule pour prétendre que le PNR ne produit pas de résultats positifs !” Malheureusement ce n’est pas avec ce genre d’autosatisfecit qu’on peut répondre aux détracteurs du PNR qui, lisant la suite de cet éditorial triomphaliste, trouveront au contraire matière à préciser leurs griefs et leurs interrogations.
Ainsi, lorsque Christian Audouin explique : “Jamais la Montagne limousine n’avait eu accès à autant de leviers sociaux, économiques et financiers pour son développement. La conjonction entre l’OPAH, la DCT, Leader +, notamment, sous marque PNR et à une telle échelle inter-départementale, constitue une configuration unique en France”. Ceux qui ont suivi au cours des dernières années ce qui s’est passé sur le Plateau savent qu’une OPAH au moins aussi ambitieuse que l’actuelle a déjà eu lieu il y a quelques années – sans parc – et que le programme Leader + (après quelques ratés au démarrage sous l’actuelle direction PNR – cf. IPNS n°12) fait suite à deux programmes du même genre conduits de 1991 à 1999 – sans parc.
Le président du parc poursuit, tout aussi satisfait : “Le financement national du grand projet touristique “retrouvance” au titre des “pôles d’excellence rurale” vient renforcer avec éclat ce constat”. De quoi s’agit-il ? De la mise en place d’un circuit de randonnée doté de cinq structures d’hébergement haut de gamme avec un accompagnement professionnel (Voir encadré ci-dessus). La Montagne du 2 janvier 2006 nous apprend que dans ce type de séjours “les randonneurs bénéficient d’un maximum de confort : ils sont délestés de leurs bagages qui sont transportés d’une étape à l’autre ; ils sont guidés par un accompagnateur moyenne montagne lors des randonnées pédestres ; les repas, midi et soir, sont pris en charge”. Ce genre de produit touristique qui sera commercialisé par l’ONF “est très prisé par les touristes d’Europe du Nord ou Grande-Bretagne d’un certain niveau de vie et très respectueux de l’environnement” – les bobos du Nord de l’Europe, quoi !
Le discours du parc tel qu’il ressort de cet éditorial est révélateur des question posées dans la lettre ouverte comme parmi d’assez nombreux élus (Voir l’entretien avec Philippe Breuil page 5). Les réponses données par le parc se traduisent en programmes et en enveloppes financières sans qu’on mesure vraiment si une réflexion approfondie en amont y a conduit ou si ce sont les opportunités budgétaires ou les appels d’offres qui décident avant tout. Si l’ONF n’avait pas eu son dossier “retrouvance” clef en main, le PNR aurait-il donné la priorité à un projet de ce genre ?
Par ailleurs, s’est-on, pour rester sur cet exemple, posé la question du type de tourisme que nous souhaitons développer sur le Plateau ? A-t-on réellement choisi de viser le riche Danois ou le cadre supérieur anglais... ou s’est-on laissé conduire par l’air du temps qui indique si bien où est l’argent ? On pourrait se poser la même question pour la plupart des programmes en se demandant où se trouve la spécificité parc, ce qui ferait de ces programmes autre chose que les procédures administratives qu’on retrouve un peu partout en France, dans des parcs comme dans des territoires qui n’en sont pas. Où est donc la patte du parc ?
Ces questions ne sont pas les seules et l’on pourrait citer d’autres sujets qui laissent dubitatifs. La communication du PNR par exemple, confuse et mal organisée, aussi froide dans la présentation de ses programmes que son papier est glacé. Après des “lettres” épisodiques sur grand format et papier journal, un “journal” du parc débarque parmi d’autres publications labelisées PNR (le n°1 d’un Lien énergie paru il y a un an et pour l’instant sans suite ou le n°1 d’une Lettre du patrimoine parue vers la même époque et toute aussi orpheline...).
Ces questionnements méritent mieux que les réponses dilatoires que le parc, frileusement réfugié dans sa bonne conscience outragée, persiste à donner. Ce n’est pas aider dans son travail la vingtaine de techniciens du parc (une équipe “à votre service” dit le journal du PNR d’août 2006) de plus en plus souvent confrontés à l’incompréhension ou à la réprobation. La réponse de Christian Audouin à notre demande de réaction, ou celle qu’il a finalement accordée à Télé Millevaches après s’y être dans un premier temps refusé, montre bien que le débat n’est pas franchement engagé.
Nous souhaitons cependant ne pas en rester là et c’est pourquoi nous avons demandé à Jacques Longchambon, responsable associatif à Crocq, et à Philippe Breuil, conseiller général de La Courtine, de nous faire part de leurs analyses et jugements.