Rencontre avec Thierry Ribault autour de son livre
Contre
la résilience à Fukushima et ailleurs (Éditions de l’Echappée)
Funeste
chimère promue au rang de technique thérapeutique face aux désastres en cours
et à venir, la résilience érige leurs victimes en cogestionnaires de la
dévastation. Ses prescripteurs en appellent même à une catastrophe dont les
dégâts nourrissent notre aptitude à les dépasser. C’est pourquoi, désormais,
dernier obstacle à l’accommodation intégrale, l’élément humain encombre. Tout
concourt à le transformer en une matière malléable, capable de rebondir à
chaque embûche, de faire de sa destruction une source de reconstruction et de
son malheur l’origine de son bonheur, l’assujettissant ainsi à sa condition de
survivant.
À la fois
idéologie de l’adaptation et technologie du consentement à la réalité
existante, aussi désastreuse soit-elle, la résilience constitue l’une des
nombreuses impostures solutionnistes de notre époque. Cet essai, fruit d’un
travail théorique et d’une enquête approfondie menés durant les dix années qui
ont suivi l’accident nucléaire de Fukushima, entend prendre part à sa critique.
La
résilience est despotique car elle contribue à la falsification du monde en se
nourrissant d’une ignorance organisée. Elle prétend faire de la perte une voie
vers de nouvelles formes de vie insufflées par la raison catastrophique. Elle
relève d’un mode de gouvernement par la peur de la peur, exhortant à faire du
malheur un mérite. Autant d’impasses et de dangers appelant à être, partout et
toujours, intraitablement contre elle.
Thierry Ribault est chercheur en sciences sociales au CNRS.
Il est coauteur, avec Nadine Ribault, des Sanctuaires de l'abîme. Chronique du désastre de Fukushima (Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, 2012).