Ceci n’est pas le titre d’une fable ignorée de notre bon La Fontaine. C’est, en résumé, la découverte que firent les fossoyeurs de Saint-Léonard (pas encore de Noblat, Haute-Vienne) un beau matin de février 1888. L’histoire est connue par les archives d’un hebdomadaire local, Le Marchois, dont je reparlerai plus loin. Dont l’entrefilet ne précise pas ce qui conduisit à la découverte – une exhumation ? Mais dans quel but ? L’article précise seulement : “Les fossoyeurs... en creusant une tombe“.
Le cercueil était celui d’une petite fille enterrée depuis 5 ans. Le journal n’en dévoile ni le nom ni l’âge. Toujours est-il que le cercueil exhumé était absolument intact, “en parfait état de conservation“. Une première curiosité. Une fois ouvert, lit-on dans le canard, (leur) “étonnement se transforma en épouvante“. On dut se rendre à l’évidence : il n’y avait là aucun autre reste humain qu’un peu de la belle chevelure blonde de l’enfant. Par contre, d’où découle l’épouvante, la bière contenait deux énormes serpents. Ils furent pesés : 11 livres chacun ! Qu’imaginer d’autre que ceci : les deux reptiles avaient dévoré le cadavre de l’enfant. La nouvelle faisant rapidement le tour de la ville, le cimetière ne désemplit pas de curieux, il était devenu “the place to be“. Le journaliste avait son avis sur l’engouement provoqué par le spectacle : “les bonnes gens veulent voir du surnaturel en tout“. On s’y croirait presque :
- Mais cette petite, elle était bien de la famille de X ?
- Ah, oui, les sorciers ?
En effet, cette famille avait depuis des générations, une mauvaise réputation. Pas celle de Brassens, mais presque : les X avaient des secrets cabalistiques, régulièrement transmis par le père mourant au fils aîné. C’est pourquoi l’opinion publique eut cette conclusion : “Le hideux repas fait par les reptiles (devait) être considéré comme une punition divine“.
Allant plus loin que le chroniqueur du Marchois, l’historien constatera que l’histoire suivait de près une décision du nouveau conseil municipal, ardemment républicain et anti-clérical : les édiles avaient décrété l’interdiction des Ostensions, cette fête septennale où l’on promenait en ville les reliques du saint local. La pauvre petite défunte aurait donc payé pour tout çà ? Les lumières contre l’obscurantisme, ou l’inverse ? Je dis çà, je ne dis rien… L’histoire ne révèle toutefois pas ce que devinrent les serpents monstrueux.
On peut lire l’article du Marchois sur le site des Archives Départementales de la Creuse (cote BIB 222), en date du 8 février 1888. L’hebdomadaire était en effet publié à Bourganeuf, à 20 km de Saint-Léonard, mais en Creuse !