LES 3 ORADOUR
Trois communes de Haute-Vienne portent ce nom, chacune a apporté sa contribution à l’histoire du cyclisme limousin.
La plus connue est bien sûr Oradour-sur-Glane, commune martyre, malheureusement dans toutes les mémoires. Après la guerre, les ruines du bourg furent conservées en l’état pour témoigner et un nouveau village fut édifié à proximité. Le président de la République Vincent Auriol en a posé la première pierre en 1947 et la vie est progressivement revenue à Oradour. Pour marquer ce renouveau, les autorités locales décidèrent d’organiser un grand prix cycliste, dénommé « Prix de la Renaissance ».
Première édition en 1953, sur 140 km d’un grand circuit, vainqueur Brun, un crack de la Dordogne. Mais la formule passait trop peu dans le bourg, ce qui n’attirait pas les foules. Aussi, à partir de 1958, on revint à un critérium de 100 km en 70 tours, les spectateurs avaient ainsi tout loisir d’admirer les champions les plus connus de l’époque. De 1958 à 1979, 22 éditions ont connu des vainqueurs prestigieux : Stablinski, Anquetil, Poulidor, victorieux 4 fois. Janssen, Godefroot, Karstens et Zootemelk figurent aussi au palmarès. Après 1979, la grande époque des critériums étant passée, la course ne fut plus organisée, à l’exception de 1988, sans lendemain. Pendant deux décennies, l’épreuve a attiré à Oradour des milliers de spectateurs, venus de toute la région. Le spectacle proposé leur permettait de côtoyer de grands champions qui s’illustraient dans le Tour de France et les grandes courses classiques. La mondialisation du cyclisme, entamée dans les années 1980, se poursuit aujourd’hui, elle a rendu caduques de telles manifestations. Eymoutiers, Peyrat-le-Château, Felletin, Ussel, et beaucoup d’autres ont aussi disparu. Seule Dun-le-Palestel a su perdurer en Limousin.
La réputation d’Oradour-sur-Vayres ne dépasse guère les limites régionales, Charente et Dordogne comprises. Beaucoup voient dans les fêtes de la Saint-Christophe, dernier week-end de juillet, la plus grande fête foraine du Limousin, dont le Grand Prix cycliste constitue un des sommets. De 1932 à 2020, à l’exception de la guerre, ont eu lieu 88 éditions. Même en 2020, année perturbée par le covid, la course eut lieu mais à une date inhabituelle, le 15 août. Jamet, de Bourg-en-Bresse, en sortit vainqueur. On relève de grands noms au palmarès de ce Grand Prix, surtout des Néo-aquitains. Ainsi, en 1934 et 1939, le confolentais André Dumont s’imposa. Il avait entretemps gagné le Paris-Limoges. Au fil des années, on remarque la double victoire de Marcel Guitard (IPNS n°64), celle de Vivier en 1953 (qui connut deux victoires d’étapes sur le Tour de France, dont 1952 à Limoges). On note aussi le succès d’Eugène Fourgeaud, le champion local, en 1954. Claude Mazeaud (IPNS n°71) a réussi le doublé en 1962-1963, comme Barjolin (71-74) et De Carvalho (76-84). De nombreux futurs ou ex-pros, ont inscrit leur nom au palmarès, tels Pinault, Brun, Michel Larpe (85-86). Plus récemment, citons, Mespoulède Vimpère et Mickaël Larpe, quadruple vainqueur (2012 à 2016).
Souhaitons que les contraintes sanitaires disparaissent en 2021, ce qui permettrait à Oradour-sur-Vayres de retrouver sa fête foraine et sa course cycliste, deux manifestations emblématiques de ce gros bourg de 1 500 habitants, ancien chef-lieu de canton.
Oradour-Saint-Genest a aussi eu son critérium jusqu’en 1973, qui était l’archétype d’un cyclisme rural particulièrement développé dans l’après-guerre. La course cycliste organisée à l’occasion de la fête patronale, un de ses fleurons, rassemblait de nombreux spectateurs. Ce cyclisme rural a presque complètement disparu : de 400 courses organisées en Limousin dans les années 1970, on est passé à moins de 50 en 2020.
Cette quasi disparition a de multiples causes, dont la plus déterminante semble la fin de la société rurale traditionnelle, dans laquelle la fête patronale occupait une place centrale. Fête foraine et course cycliste ont disparu, au profit d’autres divertissements. Les difficultés d’organisation, avec problèmes de sécurité, coût des assurances, manque de bénévoles ont aussi contribué à la désaffection.
Et enfin, à la fois cause et conséquence, la perte de notoriété du cyclisme est spectaculaire. Des années 1950 à 1990, le cyclisme était un des sports les plus populaires bénéficiant d’une très large place dans la presse, il n’a plus droit aujourd’hui qu’à des entrefilets.
Et c’est ainsi qu’un seul de nos 3 Oradour organise encore aujourd’hui sa course cycliste annuelle.
Jean François Pressicaud