Et c’est reparti pour un tour : le 16 mai 2023, l’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi sur « l’accélération des procédures liées à a construction de nouvelles installations nucléaires ». La majorité présidentielle a pu compter sur le soutien des députés Républicains, du RN et du Parti communiste pour faire valider ce texte par 399 voix contre 100. Ce projet de loi vise à réduire les délais de procédure liées aux autorisations et aux modifications des documents d'urbanisme, afin, selon les souhaits de Sa Majesté Emmanuel Ier, de construire pas moins de six nouveaux réacteurs de dernière génération EPR à l’horizon 2035 et de lancer des études pour huit autres. Tout ça alors que le chantier de l’EPR de Flamanville s’avère être un véritable fiasco (sa mise en service est continuellement repoussée depuis 12 ans et son budget prévisionnel est passé de 3,3 milliards à 13,2 milliards d’euros !) et que la polémique autour du projet d’enfouissement des déchets CIGEO à Bure enfle année après année.
Criminaliser les militants⋅e⋅s
Deux autres mesures inscrites dans le texte de loi nous font tiquer : l’objectif de réduire à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique français d’ici à 2035 est abandonné, tandis que le Sénat a fait rajouter un durcissement des sanctions à l’encontre des militant·e⋅s antinucléaires en cas d’intrusion dans une centrale. La peine encourue est portée à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. La justice aura également la possibilité de priver les associations d’aides publiques si ses membres se rendaient coupables d’une telle infraction.
Veni, vidi, Jancovici
Si le nucléaire effectue un retour en force dans l’actualité, ce n’est hélas pas seulement dû aux nombreux problèmes de sécurité causés par le vieillissement des réacteurs : le travail de fond des nucléocrates y est aussi pour beaucoup. Le plus médiatique d’entre eux, Jean-Marc Jancovici, fondateur de The Shift Project et scénariste de la BD « Un monde sans fin », le livre le plus vendu en France en 2022, déverse inlassablement sur tous les tons (et tous les plateaux télé) son discours nucléariste, tel un pèlerin du XXIe siècle. Et même si tout le monde n’est pas encore tombé dans le panneau (photovoltaïque), une majorité de la population est désormais convaincue que le nucléaire est LA solution d’avenir pour fournir une énergie « décarbonée » et qu’il suffira bientôt de troquer sa Dacia Diesel contre une Dacia Electrique pour sauver la planète…
Le climat est antinucléaire
Mais peut-être, cher⋅e lecteur⋅ice, fais-tu toi aussi partie des nouveaux nucléaristes convaincus. Alors permets-moi, si tu le veux bien, cette petite piqûre de rappel :
- quoiqu’on en pense, l’énergie atomique est de loin la technologie la plus destructrice et dangereuse jamais créée par l’homme : Hiroshima, Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima, ça te dit quelque chose ?
- l’extraction du combustible utilisé par les centrales françaises est extrêmement polluante et se déroule à l’étranger dans des conditions de travail déplorables pour les populations locales (au Niger, entre autres).
- malgré plusieurs décennies de propagande, on ne sait toujours pas recycler les dizaines de milliers de tonnes de déchets radioactifs, entassés dans des « piscines » en attendant qu’un miracle se produise… Ou que les générations futures s’en chargent (allez les jeunes de l’an 50000, on compte sur vous !).
- l’industrie atomique est totalement vulnérable aux phénomènes climatiques extrêmes (sécheresses, inondations, ouragans, raz-de-marées) qui nous attendent dans un futur proche… Manifestement, le climat a choisi son camp : il est antinucléaire 1.
Alors, tu crois toujours que le nucléaire-repeint-en-vert va contrer le réchauffement climatique ? Je peux le comprendre, car on nous rabâche les oreilles à longueur de journée avec ce mantra et des milliers d’autres cerveaux l’ont également bien assimilé. D’ailleurs aujourd’hui, « relancer notre filière nucléaire, c’est être écologiste», comme l’a fait remarquer la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. George Orwell n’aurait pas fait mieux.
Ygor
(1) Phrase extraite du livre de la Parisienne libérée :
« Le nucléaire, c’est fini » (La Fabrique, 2019).