Dans un récent rapport, le Centre Primo Levi, principal centre de soins en France consacré aux personnes réfugiées ayant été victimes de la torture et de la violence politique, annonce que plus de 50 % des patients suivis en 2015 ont été déboutés du droit d’asile. Ce constat est partagé avec les associations similaires. Ils sont quelques centaines à être repérés par ces associations, mais combien sont-ils parmi les quelques 40 000 personnes qui sont chaque année déboutées du droit d’asile en France à passer à travers les mailles du filet de protection de la procédure d’asile pour tomber dans les statistiques des “déboutés“ ? Avec 67% de rejets en 2015 (contre 47% en moyenne dans l'UE) la France occupe la 25ème position dans l'UE en termes de taux d’accord, juste devant la Hongrie et la Pologne !
Les extraits de notifications de refus de demandes d’asile des patients du centre de soins Primo Levi, font tristement écho à celles, tout aussi stéréotypées, que nous avons eu l'occasion de lire depuis que nous recevons des déboutés : “Le récit s’est révélé impersonnel et particulièrement désincarné“ ; “Ses allégations furent invariablement nébuleuses“ ; “Les témoignages apparaissent rédigés pour les besoins de la demande“... De façon générale, on note un esprit de suspicion qui consiste à “débusquer le mensonge“ dans une procédure où tout ne peut pourtant pas être prouvé (les tortionnaires ne laissent pas de certificat...).
La décision d'accord repose essentiellement sur l'entretien réalisé à l'OFPRA où l’exigence de “crédibilité“ est centrale. Or celle-ci est souvent incompatible avec la réalité psychique de la plupart des victimes de torture. En effet les conséquences des traumatismes subis génèrent des troubles divers (troubles de la mémoire, anesthésie émotionnelle, anxiété parfois paralysante, etc.) qui ne sont pas pris en compte et peuvent fausser le jugement des officiers de protection. Le rapport note par ailleurs que les certificats médicaux faisant état de syndromes post traumatiques sont souvent ignorés, contrairement à ceux faisant état de blessures physiques. Même si l'officier est bienveillant, l'entretien, qui est relativement court, s’apparente à un interrogatoire de police. Or il faut du temps et de la confiance pour pouvoir dire les violences, dévoiler son intimité. C'est la procédure elle-même qui est inadaptée.
Pour la personne déboutée, les conséquences de la décision de rejet sont dramatiques. Sur le plan psychique, c’est nier son vécu, et donner raison à ses tortionnaires, raviver le traumatisme. Sur le plan social c’est la condamner à l’insécurité, à la misère, la précarité. Alors, crise migratoire ou crise de l’asile ?
MAS et Cimade de Peyrelevade et Eymoutiers