De 1922, date de sa première édition, à 2007, avec une interruption de 1968 à 1980, le Tour de la Corrèze a toujours constitué un événement majeur du cyclisme en limousin, mais aussi sur le plan national, et même international puisque plusieurs vainqueurs étaient étrangers.
L’épreuve, organisée par le V.C. Tulliste, avait pour départ et arrivée le chef-lieu de la Corrèze et empruntait les difficiles routes du département : vallée de la Dordogne, coteaux de Donzenac, Voutezac ou Yssandon, et se terminait généralement par la côte des Jordes, avant la plongée sur Laguenne et Tulle. Disputé jusqu’en 1960 sur une seule journée, mais avec des distances avoisinant les 300 km (253 en 1946, 280 en 1949, 235 en 1957…), le Tour de la Corrèze s’est couru à partir de 1961 sur deux jours, avec deux étapes en ligne et une demi-étape contre la montre. À partir de 1962, la course ne fut plus ouverte aux professionnels, mais accueillit les meilleurs amateurs internationaux, souvent des espoirs qui devinrent par la suite de grands noms du cyclisme professionnel.
En parcourant le palmarès, et en sachant que tous les lauréats (et leurs suivants) étaient d’excellent niveau, on peut relever des noms célèbres :
en 1929, Pierre Magne l’emporta devant son frère Antonin, ce dernier gagna Paris-Limoges cette même année et allait connaître la gloire avec ses Tours de France victorieux, en 1931 et 1934. Après la fin de sa carrière cycliste, il devint directeur sportif de l’équipe Mercier dans les années 50 et 60, et dirigea à ce titre Raymond Poulidor à partir de 1961.
En 1932, le belge Félicien Vervaecke s’imposa et fit montre des qualités qui en firent un des meilleurs coureurs du Tour de France dans les années 30 : 4éme en 1934, 3éme en 35 et 36, il finit 2éme derrière Bartali en 1938.
Benoît Faure en 1934, Robert Oubron en 1939 et Raphaël Géminiani en 1949 ont aussi triomphé à Tulle. Ce dernier, champion très populaire dans les années 50 (2éme du Tour de France 1951, 3éme en 1958) eut aussi, auprès de Jacques Anquetil, une brillante carrière de directeur sportif (années 60).
Louis Bergaud, le grimpeur du Cantal, et Valentin Huot, le périgourdin vainqueur de Paris Limoges en 1954 et champion de France en 1957 et 1958, l’emportèrent en 1954 et 1955.
En 1962, pour la première édition sans les professionnels, le jeune limougeaud Henri Rabaute, vainqueur de la finale nationale du 1er Pas Dunlop deux ans auparavant, s’imposa face aux meilleurs amateurs et indépendants du moment. Il confirma son talent en faisant une honnête carrière professionnelle notamment au Tour de France 1967.
En 1986, c’est au tour de Luc Leblanc de s’imposer, professionnel dès l’année suivante, le Limousin réussira une très brillante carrière ; champion de France en 1992, il devient champion du monde en 1994 sur le très difficile circuit d’Agrigente en Sicile, devant l’italien Chiapucci. Au Tour de France, il collectionne les places d’honneur : 5éme en 1991, 4éme 1994 et 6éme en 1996.
En 1996, le vainqueur est l’écossais David Millar, qui deviendra un excellent coureur du Tour de France (4 victoires d’étape) et un spécialiste des épreuves contre la montre.
En 2004, Simon Gerrans, l’australien l’emporte en Corrèze, avant d’entamer une carrière professionnelle de haut niveau, avec comme principales victoires Milan San Remo en 2012 et Liège Bastogne Liège en 2014.
La 67éme édition du Tour de la Corrèze en 2007 fut la dernière. Comme beaucoup d’autres épreuves de renom, le Tour de la Corrèze disparaissait. Les difficultés d’organisation (contraintes de sécurité de plus en plus draconiennes, budgets de plus en plus difficiles à réunir), la lassitude des dirigeants bénévoles, la perte de popularité du cyclisme (hormis le Tour de France et Paris Roubaix), sa transformation de pratique sportive relevant de l’épopée (avec ses héros et ses drames) en une discipline de plus en plus technique, tout a concouru à faire perdre au cyclisme la place privilégiée qu’il occupait parmi les sports les plus populaires. Le cyclisme s’est mondialisé, il se développe en Asie, en Amérique ou en Afrique, mais il a perdu, dans les pays européens, sa vitalité régionale, la disparition du Tour de la Corrèze en témoigne.
Jean-François Pressicaud