Depuis 4 ans que nous partageons heurs et malheurs avec les demandeurs d’asile et surtout les déboutés, nous en sommes à la deuxième réforme du CESEDA (code de l’entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d’asile) : la première en juillet 2015 a pris effet en 2016 et 2017, la seconde est en cours avec les remous que l’on sait car cette fois c’est carrément au droit d’asile que l’on s’attaque en restreignant l’accès à la procédure à différents niveaux.
En dépit de quelques améliorations marginales, chaque réforme grignote un peu plus les droits des personnes exilées, y compris celles en situation régulière qui se voient refuser le renouvellement de leur titre de séjour : du fait des modifications de la loi on exige d'elles des documents qu'elles sont parfois dans l'impossibilité de se procurer.
Le supposé migrant économique est l'ennemi, niant l’intrication des motifs d’exil.
La ligne adoptée depuis quelques années est d’expulser par tous moyens, ligne que la nouvelle loi durcit encore, visant les sans-papiers (bien malgré eux), les déboutés, les personnes en procédure Dublin, multipliant les contrôles, les pièces à fournir, doublant la durée de rétention. Le ministre demande des résultats chiffrés aux préfectures.
Les déboutés reçoivent systématiquement une OQTF (obligation de quitter le territoire) assortie d’une IRTF (interdiction de retour sur le territoire) à moins qu’ils aient déposé une demande de titre de séjour et que la préfecture accepte de traiter le dossier. Il faut du temps pour recueillir les documents nécessaires et parfois l’OQTF arrive avant qu’on ait pu récupérer tous les documents. Il est de plus en plus difficile d’obtenir une régularisation et l’OQTF ne sera que différée. Vu la durée des procédures de recours judiciaires, et en cas de réponse négative, nous verrons des personnes expulsées après plusieurs années à nos côtés. Pour les déboutés,la nouvelle loi durcit les conditions de dépôt de demande de titre de séjour.
La situation des personnes en procédure Dublin est kafkaïenne : après plusieurs mois en France sans pouvoir déposer une demande d’asile, ils sont renvoyés en Italie (cas le plus fréquent) où les conditions d’accueil sont très dégradées. Ils reviennent donc en France où s’ils se représentent en préfecture, ils sont remis en procédure Dublin. Qu’importe qu’ils soient ou non éligibles à l’asile, le but est de s’en débarrasser.
Plutôt des enfants sans père que des personnes étrangères sur nos terres !* L’étranger est suspect à priori.
La situation des parents d’enfants français, éligibles à un titre de séjour de plein droit est à ce titre emblématique : actuellement la loi exige que le parent étranger fournisse la preuve qu’il participe activement à l’entretien de l’enfant, sans qu’il soit fait mention du parent français. La nouvelle loi légalisera les pratiques actuellement illégales des préfectures, qui dans le cas de mères isolées demandent des preuves de la relation avec le père français. En effet ces mères sont systématiquement suspectées d’avoir fraudé pour obtenir une reconnaissance en paternité, moyennement finances ou autres “services“. Rien dans la loi française n’interdit à un homme de reconnaître un enfant qui n’est pas le sien et pas mal de pères ne s’impliquent pas dans leur éducation et leur prise en charge. Une mère étrangère d’enfant français, même si son enfant dispose d'une carte d'identité française, fait actuellement l'objet dune enquête policière (illégale selon la loi actuelle) mais il y a de nombreuses jurisprudences en leur faveur en cas de refus de titre de séjour par la préfecture.
Avec la nouvelle loi, faute de pouvoir prouver l'implication du père français, elles risquent de ne pas obtenir de titre de séjour, ou ne pas le voir renouveler, et de devoir faire face à une procédure judiciaire. Rien dans les textes ne définit ce que doit être cette implication, ce qui sera source de décisions arbitraires surtout si les pères disposent de peu de ressources. L’enfant peut se voir retirer sa nationalité et mère et enfant expulsés. Nul ne se soucie de l’intérêt de l’enfant privé de filiation paternelle, ni d’ailleurs des “services“ que la mère a pu être contrainte de rendre. Dans le cas d'une relation amoureuse qui a tourné court, elle est fraudeuse à priori. Cette différence de traitement scandaleuse entre Françaises et étrangères et leurs enfants, signalée par le défenseur des droits** est passée quasi inaperçue.
* titre article dans “Revue des droits de l'homme avril 2018“
** Défenseur des droits : Avis n°18-09 du 15 mars 2018 relatif au projet pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, Le sort des parents d’enfants français page 51
Cimade Eymoutiers :