Si Marcel et Jean-Pierre Guitard sont bien frères, comme ceux dont nous avons parlé dans notre chronique du n° 63, ils n'ont – contrairement à ces derniers – jamais participé ensemble à une quelconque compétition.
C'est leur différence d'âge qui explique cette situation ; en effet, Marcel né en 1929, coureur dès 1947, a terminé sa carrière en 1960. Jean-Pierre, lui, né en 1948, a débuté la sienne, en catégorie cadets, en 1964. Ils ont cependant pour point commun d'avoir tous les deux été professionnels et si Marcel a participé à deux tours de France (1954 et 56), Jean-Pierre a bouclé deux Vueltas, (Tour d'Espagne, 1973 et 74). Marcel a été, tout au long des années 50, une énorme vedette du sport limousin. Durant cette période, le cyclisme était, avec le football, et – à un degré moindre – le rugby et la boxe, un des sports les plus populaires en Limousin. Entre les trois journaux limougeauds (Le Popu, L'Echo et Centre Presse), c'était à qui donnerait le plus d'informations sur Marcel : ses résultats bien sûr, mais aussi ses changements d'équipe (de Royal-Fabric à Terrot en 1953, de Gitane à Royal-Fabric en 1957), sans oublier ses commentaires sur les épreuves auxquelles il participait.
Bien soutenu par son club l'U.V. Limousine, vivant tout près de la capitale régionale, à Panazol, ce beau garçon brun, éclatant de vitalité ne pouvait guère être ignoré du public limousin. Comme Eugène Fourgeaud, dont nous avons parlé dans la précédente rubrique, Marcel Guitard a écumé les courses régionales, soit avec le statut d'indépendant, soit de professionnel. Et même si, contrairement à Fourgeaud, il a participé à de nombreuses épreuves nationales, c'est bien en Limousin qu'il a gagné sa vie, brillant dans les multiples épreuves du calendrier. Ce qui le conduisit à conseiller à Raymond Poulidor, après son titre de champion du Limousin (1969), de rester dans la catégorie des indépendants. Il craignait que Raymond, passant professionnel, soit réduit à un rôle de “domestique“ au service des leaders. Indépendant, il gagnerait plus d'argent. Heureusment, Raymond, ayant pris conscience des ses possibilités avec les pros, ne suivit pas ce conseil.
Marcel Guitard, débutant en 1947, avait obtenu ses meilleurs résultats en 1951 (champion du Limousin sur route et cyclo-cross), jusqu'en 1957 (vainqueur à Oradour-sur-Glane et Panazol). Ses trois dernières saisons marquèrent un certain déclin, malgré une belle victoire au Prix Charles Clément (Limoges, 1959).
La Route de France 1952, épreuve internationale pour les moins de 23 ans, comportant 14 étapes, de Caen à Aurillac, en passant par les cols pyrénéens, constitue le premier sommet de sa carrière. Au sein d'une “équipe du Centre“ dominatrice (avec uniquement des limousins), il s'illustre en portant le maillot jaune après la 3 è étape, terminant finalement 6 è. Triomphe limousin : son coéquipier André Bernard (UVL) remporte l'épreuve, Georges Aymard (CRCL) est classé meilleur grimpeur, et l'équipe du Centre l'emporte au général par équipes. Dans les cinq années qui ont suivi cette mémorable épreuve, Marcel alterne avec bonheur la participation à de grandes courses nationales, et des victoires dans les plus importantes épreuves régionales.
Au niveau national, il brille dans Paris-Nice, le Circuit des 6 provinces, le Circuit du Provençal, le Tour de l'Oise, et termine deux tours de France : 1954 (53è), 1956 (79è), au sein de l'équipe du Sud-Ouest, dirigée par l'ancien Champion de France Paul Maye.
Parmi ses multiples victoires dans les courses régionales, on citera : Prix Conchon-Quinette (Limoges, 1953), Panazol et Prix Meillor (Nantiat, 1954), Saint-Yrieix-la-Perche et Peyrat-la-Nonière (1955), Prix Martini (Brive, 1956), Oradour-sur-Vayres (1957).
Jean-Pierre, pour sa part, débute la compétition en 1964, au sein de l'U.V.Limousine, en cadets. Il devient tout de suite champion régional, terminant 3è du championnat de France. Il confirme ses aptitudes et son excellent niveau dans les années suivantes, s'adjugeant le titre de champion du Limousin juniors (1967 et 68), puis en terminant 4 è du Tour du Limousin 1968 (meilleur régional).
Aussi n'est-il pas surprenant de le retrouver l'année suivante au club de Puteaux, un des meilleurs clubs parisiens, antichambre de l'équipe professionnelle Peugeot. Avec ce maillot, il remporte Paris-Verneuil en 1969, le Tour du Loir-et-Cher et Paris-Montargis (1971), la Route de France et Paris-Evreux (1972). Il signe ensuite une licence professionnelle chez Peugeot (1973), cette année-là, il gagne une étape du Tour du Luxembourg, prenant la 3 è place finale. Le Tour d'Espagne le voit terminer à la 60 è (1973) et 43 è place (1974).
Pendant ses années pro, il est à nouveau licencié à l'UVL, qu'il quittera en 1977, adhérant à l'A.C.Limoges-Bussière Poitevine, pour son retour chez les amateurs. Sous ces couleurs, il remportera de belles courses régionales : Boucles de la Haute-Vienne, LimogesSaint-Léonard et retour en 1980.
Si l'on compare les deux carrières, Marcel bénéficia d'une énorme popularité dans les années 50, alors que la décennie 70, la meilleure de Jean-Pierre, donna moins d'écho à ses exploits. Le cyclisme restait populaire, mais devait partager les pages sportives des quotidiens avec bien d'autres sports ou loisirs.
Jean-François Pressicaud