Julien Dupoux

  • “Requiem pour un pays sauvage“ - Julien Dupoux

    Voici un ouvrage que tous les décideurs parisiens, et leurs représentants en Creuse, feraient bien de lire, même si – et surtout si – ça leur donne des boutons, … Les 110 pages de Julien sont une démonstration virulente de tous les malheurs que le “progrès“ a fait abattre sur la Creuse depuis des décennies. Pour résumer : la destruction et le pillage de ses campagnes. La Montagne titrait il y a peu, à propos de l'ouvrage de Julien Dupoux : “Choisir entre la Beauce et le Cantal“. Julien est bien connu en tant que créateur du “Trou des Combrailles“, un cousin germain d'IPNS (où il écrit parfois).

    Requiem pour un pays sauvageSes multiples casquettes peuvent donner le vertige : comme il n'en porte pas … de casquette, retenons le qualificatif militant de “lanceur d'alerte“, pour ce trentenaire géographe écolo. Revenons à son plaidoyer. Dans la famille saccageur, tout y passe : les décideurs ci-dessus, les élus, les aménageurs, les agriculteurs productivistes, les amateurs de quad sur les chemins … Julien définit son département comme une “campagne un peu reculée, qui n’a pas envie de devenir l’arrière-cour des villes“. Qui verrait une destruction programmée, - et rejetée - à coup de grands projets industriels, de béton, d’éoliennes et d’agriculture productiviste.

    On sait bien que les oiseaux, les abeilles, la faune sauvage en général en sont les premières victimes, et les habitants indirectement. Julien y ajoute ce constat : on veut partout de nouvelles habitations, des lotissements pour attirer les péri-urbains, alors qu’il y a tant de maisons vides. L’auteur souligne enfin que “si on enlève la qualité de l’environnement, il n’y a plus de raisons de vivre ici“. Tout ceci est une sorte de contre-plan pour la Creuse, rédigé avant même que ce dernier ne sorte des bureaux des technocrates de l’Elysée ou de Matignon. On peut ne pas aimer ce style de pamphlet, sur le fond, comme sur la forme, il est pourtant salutaire. Bien sûr, ce type d’ouvrage attirera d’abord des convaincus, peut-être seulement des convaincus. Ce serait dommage.

    Nous vous le conseillons. Julien Dupoux est publié grâce à un éditeur indépendant : Bernard Bondieu, dont une peinture illustre la couverture de l’ouvrage. Outre la version papier, Julien présente désormais sa démonstration sous la forme d’une conférence gesticulée. Et il sera un des animateurs des prochains Bistrots d’Hiver (programme détaillé à venir).

    Editions Association Ateliers et vie aux Coudercs
    8 Lascoux, 23220 Jouillat - 05.55.51.22.39 
    www.bernard-des-coudercs.book.fr 
  • Le coin des poètes

    « Le monde s’est arrêté. Tu marches dans les rues de Paris, mais tu es seul. Tous sont vivants mais figés à l’heure où le temps s’est arrêté. » Pendant ce temps, Oeil de Fennec, la micro-revue poétique de René Bourdet d’où sont tirées toutes les citations de cette notule, poursuit son long chemin. On en est, en juillet, au 386e numéro (39e année !). Le joyeux drille s’offre même, un n°386 bis. Facétieux : « Le prochain don du sang effectué sur la commune de Clochemerle-les-Bains, aura lieu exceptionnellement au sein de la boucherie-charcuterie Viandard. Prière de s’inscrire auprès du garçon-boucher, Monsieur Paul Sanguin. Après cette opération le prix du boudin devrait subir une légère baisse. » Ou encore : « Le piano est certes le plus niais des instruments, au départ il ressemblait à un cercueil sur pattes, alors pour ne pas effrayer la masse du public on lui mit une queue. » Politique : « Quarante degrés / Au gré des journées / Sauf du CAC quarante / Le monde est malade / Nous n’avons pour force / Plus que la police / Tirant à vue d’oeil / Sur des gilets jaunes / Toujours à prétendre / Que plus rien ne gaze / À tel point que France / Rime avec souffrance. » 

    De son côté, Julien Dupoux, depuis ses Combrailles creusoises, a publié un recueil de 60 poésies intitulé Vous en aurez besoin, dont nous donnons ici quelques lignes.

     

    ronceTrouer l’armure

    Je voudrais m’échapper de la ville
    Que mes seins dessanglés enfin foncent
    Le corps furieux, l’esprit tranquille
    Je prendrai pour emblème la ronce
    Je veux respirer jusqu’aux reins
    Si je dois vivre de rien
    Le ciel me sera ouvert
    Et les nuits silencieuses
    Je n’aurais plus peur de perdre la foule
    Ni de l’extrême solitude
    Ni, promis, des soirs de doute
    Ni que ne me tourne autour
    Quelque goguenard bonhomme à la mine louche
    Je veux filer avec le vent
    Je veux l’emporter mon amant
    Sur les terreaux trempés de fleurs
    Je vais le piocher dans les champs
    Et me semer de ses onguents
    Je voudrais écraser les murs
    D’un coup de botte et d’un grand pas
    Comme une ogresse
    Un ouragan que les immeubles n’arrêtent pas
    Je soulèverai les toits
    J’emmènerai mon monde
    Loin des restes de la cité
    Et, venez, maintenant
    Venez cueillir mes fruits leur chanterai-je
    Mon emblème la ronce
    Est sortie de la neige.

     

    Extrait de Julien Dupoux, Vous en aurez besoin, poésies ; éditions Bronca, 8,50 €.