L'avocat Raphaël Kempf, pour sa part, fait un retour historique sur les « lois scélérates » de 1893 et 1894, lois d'exception visant les anarchistes. Mais son ouvrage n'a pas qu'une visée historique. À travers cet épisode de l'histoire politique et judiciaire française, il met en évidence ce qui caractérise à ses yeux une loi scélérate : adoptée dans l'urgence et l'émotion d'un événement, réactivant souvent des projets antérieurs qui n'avaient pas passer le cap de l'adoption législative, usant de l'oxymore (la loi est dite pour défendre l'état de droit et les libertés alors qu'en réalité elle leur porte directement atteinte), faite autant, voire plus, pour la police que pour les juges, elle vise la dangerosité potentielle des individus et non des actes advenus.
Mais, “et c'est probablement l'indice le plus flagrant de la scélératesse d'une loi“ précise notre auteur : “Elle est faite contre certains, puis appliquée à tous. Celles de 1893-1894 visaient les anarchistes mais ont rapidement touché les communistes, puis les prévenus de droit commun, puis les Algériens, etc. Les récentes lois dites antiterroristes, adoptées à marche forcée depuis 1986, ne visaient que lesdits terroristes, avant d'être appliquées à des militants politiques, ou présumés tels, de la mouvance dite anarcho-autonome.“
De cette leçon d'histoire, Raphaël Kempf dit qu'on peut “presque en faire un théorème : toute loi prise dans l'urgence en vue de traiter une situation spécifique finit toujours par s'appliquer bien au-delà des personnes qu'elle vise, et par menacer l'ensemble des citoyens.“
Editions La Fabrique, 13 €.