Ils ont inauguré les premières cartes d’identité pour les distinguer des Français appelés au service militaire. On les a fait venir au gré des besoins en main d’œuvre, pour remplacer les soldats appelés au front ou pour reconstruire le pays. On les a contrôlés, surveillés, enfermés en camps, pour les expulser quand on n’en a plus eu besoin.
Depuis plus d’un siècle, l’État s’occupe des étrangers. 1973 marque un tournant, avec la fin de l’immigration de travail et la mise en place de textes de plus en plus complexes et bien souvent de plus en plus restrictifs, une loi tous les deux ans en moyenne. Tout ceci aboutit à un entrelacs de textes qui au bout du compte laissent carte blanche aux administrations. Les accès aux droits sont de plus en plus restreints, créant une population aux statuts de plus en plus précaires. L’accès au territoire est de plus en plus difficile : visas bien souvent refusés, regroupement familial restreint, accès à l’asile limité au risque de la vie des demandeurs. Bien sûr, ce sont les plus pauvres qui en pâtissent le plus – il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade – mais il faut contenir les classes dangereuses, à savoir les étrangers et les pauvres.
Voilà ce que nous raconte Karine Parrot* dans ce petit livre dense qui débute en 1804, s’arrête en décembre 2018 et fourmille d’exemples et de notes. Depuis la parution de cet ouvrage, les étrangers ont expérimenté la loi cyniquement nommée « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » et d’autres mesures qui ne cessent de s’abattre.