Si vous avez lu attentivement en pages centrales de ce numéro d'IPNS la carte que Bureau d'Etudes a consacré aux "micro rébellions" en Limousin, vous avez peut-être remarqué qu'il y ait fait référence à la bande à Burgou. Sous le titre "Subvertir la justice de classe", les vols commis aux limites du Limousin et du Périgord au début du XIXème siècle par la bande à Burgou y sont présentés comme "une des formes de la dissidence de la population envers les normes de l'Etat moderne".
Il se trouve justement que l'historien Philippe Grandcoing vient de publier un fort joli volume sur cette histoire. Histoire ou légende ? Le sous titre de l'ouvrage laisse entendre que les deux coexistent dans cet épisode de l'histoire du brigandage en Limousin, même si le titre opte pour la version plutôt positive de l'aventure, en faisant référence à Robin des Bois.
Pourtant Philippe Grandcoing relativise beaucoup l'image en partie reconstruite (et alimentée par Burgou lui-même) du "bandit social". La réalité historique lui paraît bien plus triviale. Cependant il explique que "l'image d'un Burgou correspondant au schéma du "bandit social", volant les riches pour donner aux pauvres et ridiculisant les représentants de l'Etat, est au cœur du processus d'appropriation par les habitants de la région de la figure du bandit local. Il faut ici abandonner la simple chronique judiciaire, oublier les discours dépréciatifs des contemporains, dépasser le constat de la délinquance révélée par les différentes instructions pour tenter de donner sens à l'histoire de Burgou". Ce que l'historien s'emploie à faire dans un chapitre intitulé : "Comprendre la bande à Burgou : une impossible quête de sens ?".
Ce qui est passionnant dans cette histoire vieille de près de 200 ans c'est la façon dont elle s'est inscrite dans la mémoire et le patrimoine local. "Que reste-t-il donc de la bande à Burgou une fois passée au crible de la critique historique ? Peu de choses, pourrait-on croire, si l'on ne retient que la sécheresse de la prose des greffiers de justice. Pourtant, l'essentiel n'est pas dans ces liasses d'archives. Il est dans l'appropriation collective de la figure du bandit ; il est dans la construction d'une identité locale autour d'un Robin des Bois limousin". Ainsi, dans les années 1970, le journaliste Georges Chatain animant une réunion politique entend les participants lui témoigner de leur fierté d'un séculaire enracinement à gauche dont l'épisode du "bandit d'honneur" Burgou était revendiqué comme un maillon.
Un petit livre passionnant, magnifiquement illustré, qui complète l'excellente collection "Patrimoine en poche" des éditions Culture et Patrimoine en Limousin.