« Le monde s’est arrêté. Tu marches dans les rues de Paris, mais tu es seul. Tous sont vivants mais figés à l’heure où le temps s’est arrêté. » Pendant ce temps, Oeil de Fennec, la micro-revue poétique de René Bourdet d’où sont tirées toutes les citations de cette notule, poursuit son long chemin. On en est, en juillet, au 386e numéro (39e année !). Le joyeux drille s’offre même, un n°386 bis. Facétieux : « Le prochain don du sang effectué sur la commune de Clochemerle-les-Bains, aura lieu exceptionnellement au sein de la boucherie-charcuterie Viandard. Prière de s’inscrire auprès du garçon-boucher, Monsieur Paul Sanguin. Après cette opération le prix du boudin devrait subir une légère baisse. » Ou encore : « Le piano est certes le plus niais des instruments, au départ il ressemblait à un cercueil sur pattes, alors pour ne pas effrayer la masse du public on lui mit une queue. » Politique : « Quarante degrés / Au gré des journées / Sauf du CAC quarante / Le monde est malade / Nous n’avons pour force / Plus que la police / Tirant à vue d’oeil / Sur des gilets jaunes / Toujours à prétendre / Que plus rien ne gaze / À tel point que France / Rime avec souffrance. »
De son côté, Julien Dupoux, depuis ses Combrailles creusoises, a publié un recueil de 60 poésies intitulé Vous en aurez besoin, dont nous donnons ici quelques lignes.
Trouer l’armure
Je voudrais m’échapper de la ville
Que mes seins dessanglés enfin foncent
Le corps furieux, l’esprit tranquille
Je prendrai pour emblème la ronce
Je veux respirer jusqu’aux reins
Si je dois vivre de rien
Le ciel me sera ouvert
Et les nuits silencieuses
Je n’aurais plus peur de perdre la foule
Ni de l’extrême solitude
Ni, promis, des soirs de doute
Ni que ne me tourne autour
Quelque goguenard bonhomme à la mine louche
Je veux filer avec le vent
Je veux l’emporter mon amant
Sur les terreaux trempés de fleurs
Je vais le piocher dans les champs
Et me semer de ses onguents
Je voudrais écraser les murs
D’un coup de botte et d’un grand pas
Comme une ogresse
Un ouragan que les immeubles n’arrêtent pas
Je soulèverai les toits
J’emmènerai mon monde
Loin des restes de la cité
Et, venez, maintenant
Venez cueillir mes fruits leur chanterai-je
Mon emblème la ronce
Est sortie de la neige.
Extrait de Julien Dupoux, Vous en aurez besoin, poésies ; éditions Bronca, 8,50 €.