Z, c’est le nom d’une revue annuelle qui explore de manière itinérante les grands sujets de société. Pour parler de la forêt, l’équipe de la revue est venue passer un mois sur la Montagne limousine, elle y a enquêté, rencontré de nombreux acteurs et actrices de la forêt et en a rapporté une collecte de visages, paroles et témoignages qu’elle a accommodés à sa sauce, avec quelques épices exotiques chipées au Zimbabwe ou en Inde, manière de dire que si la thématique explorée s’ancre dans une réalité locale, il n’est pas question de s’y enfermer.
Résultat : un regard distancé et pluriel qui, même pour nous qui vivons sur la Montagne, offrira quelques surprises et découvertes comme le prouvent ces quelques chiffres glanés au fil des pages : « Chaque année, 3,4 milliards de mètres cubes de bois sont coupés dans le monde, soit la surface de 18 terrains de foot à la minute » ; « 5% des scieries concentrent plus de 50% du volume de sciage du pays » ; « La Coopérative Forestière Bourgogne Limousin (CFBL) traite 90% de ses plants avec des insecticides. » Autant de regards qui s’inscrivent dans une lecture critique de la gestion sylvicole actuellement dominante : « Derrière le mirage vert d’une filière qui se prétend écolo et renouvelable, les suicides se multiplient parmi les salarié·es de l’Office National des Forêts, et de gigantesques coopératives forestières accaparent la « ressource bois ».
Les entreprises les plus fortunées rachètent et plantent des arbres à marche forcée sur des terres paysannes, prétendant ainsi compenser leurs émissions de CO2. Tout cela avec le soutien du ministère de l’Agriculture et plus largement de l’État, dont la police n’hésite pas à s’acharner sur les habitant·es qui tentent de faire exister un autre discours sur la « gestion » de la forêt. »
Au moment où sortait ce numéro de Z, comme un complément activiste à cette publication, une banderole s’est affichée sur les nouveaux locaux de la CFBL à Aubusson inaugurés quelques semaines plus tôt.
« CFBL dépasse les bornes » proclamait la banderole, référence aux propos critiquables de la coopérative qui claironne sur son site que les coupes rases ne constituent pas un danger pour nos forêts. Référence aussi aux pratiques courantes des coopératives de grignoter sur les parcelles voisines qu’elle exploite pour arrondir en piochant chez les voisins quelques m3 de bois supplémentaires. Le « groupe forêt » du Syndicat de la Montagne, auteur de cette opération, souhaite également réagir face à une campagne de désinformation de la CFBL et de l’Union de la coopération forestière française. Des communications récurrentes tentent de faire croire que « certaines associations » exerceraient des violences à l’encontre des coopératives, des travailleurs de la forêt ainsi que des propriétaires de bois. Le groupe forêt tient à affirmer son attachement au dialogue avec les professionnels de la forêt et à la non-agression des travailleurs forestiers : « L’action vise bien à dénoncer des pratiques violentes pour le vivant. N’inversons pas les responsabilités ! » Enfin le groupe forêt dénonce le greenwashing des coopératives forestières comme la CFBL, autre forme de désinformation. Sur son site internet, la coopérative forestière prétend améliorer les forêts, « pour ses adhérents, pour la société et pour les générations futures » et contribuer « à la lutte contre le réchauffement climatique ». La CFBL est aussi signataire de la Charte forestière de territoire du Parc naturel régional de Millevaches qui prévoit « l’amélioration de la résilience des écosystèmes forestiers et de la filière bois ». Sur le papier, ces engagements sont tout à fait honorables. Mais sur le terrain, les pratiques diffèrent et parfois l’écart s’apparente à un précipice. Sur le site de la CFBL on peut même lire que la pratique de la coupe rase recrée une diversité, renouvelle les forêts et permet même, à terme, de les préserver. Difficile de croire de telles affirmations quand on s’intéresse de plus près à cette pratique. En même temps, on peut toujours croire au père Noël… Cela n’a rien d’étonnant venant de marchands de sapins.
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