Avec la lettre Z l'abécédaire du cyclisme en Limousin qui nous a tenus en haleine sur 26 numéros a pris fin. Après les mollets, notre nouvelle rubrique fera travailler nos yeux et nos méninges en proposant un petit tour des bibliothèques publiques ou privées du Plateau. Et à chaque étape on demandera au bibliothécaire de nous sortir des rayons un ouvrage de son fonds. On commence au bord d'un lac.
Entre Peyrelevade et Faux-la-Montagne, une petite route mène à l'ancienne colonie de vacances d'EDF du lac Chamet, abandonnée depuis 15 ans, mais à nouveau habitée depuis 5 ans par une petite colonie de personnes qui ont voulu édifier ici une sorte de laboratoire de recherche informel, un « lieu d'étude » ouvert et hors les murs de l'université (Cf. IPNS n° 66). Qui dit labo de recherche (même informel !) dit aussi livres et bibliothèque. Le projet d'en installer une sur le lieu date de l'origine, mais il a fallu quelques années pour qu'il se réalise. Le temps de rendre habitable une des ruines de la vieille colo, la maison du gardien en l'occurrence, qui prenait l'eau et l'air – deux ennemis du papier !
Aujourd'hui, deux salles entièrement refaites accueillent quelques milliers d'ouvrages et depuis cet été, cette bibliothèque privée s'est ouverte au public, à tous ceux qui voudraient d'abord y flâner pour repérer ce qui s'y trouve puis qui auraient envie de profiter de cette nouvelle ressource. Le lieu est donc ouvert tous les mercredis de 10h à 20h. Yannick, l'une des chevilles ouvrières de l'affaire, ancien bouquiniste sur les quais de Seine à Paris, est venu avec ses cartons remplis de livres auxquels se sont ajoutés des ouvrages donnés ou récupérés auprès d'amis et de relations. Aux quelques 5 à 6000 ouvrages ainsi réunis sont venus s'ajouter récemment 10 000 autres provenant du legs d'une psychanalyste décédée – ces livres ne sont pas encore en rayon car la place manque. Pas pour longtemps, car si la bibliothèque actuelle occupe le rez-de-chaussée de la maison, elle pourra se développer dans les années à venir en conquérant l'étage qui nécessite encore des travaux et surtout une réfection complète de la toiture – un gros budget. D'autres rayons s'y installeront un jour.
Ce qu'on trouve dans cette bibliothèque ? Beaucoup de diversité. Mais ce qui domine ce sont les sciences sociales, un gros rayon philosophie, mais aussi des étagères consacrées à l'histoire, à la sociologie, à la politique, aux beaux-arts... On trouvera aussi un rayon sur la botanique et toute une partie consacrée à la littérature – française et étrangère – avec, entre autres, de la poésie et du théâtre. On pourra tomber sur un recueil de haïkus, sur les œuvres complètes de Lénine (une curiosité !), les livres de base des principales sciences humaines et des livres pour reconnaître les plantes ou jardiner. Un éclectisme apparent, tant l'ensemble respire une certaine unité, le reflet dirions-nous d'une aspiration à comprendre le monde et à y jouer un rôle actif, ne serait-ce que sur quelques arpents délaissés par le loisir social de la fin du XXe siècle.
Sur place, on peut emprunter des livres (en particulier dans le rayon littérature et histoire) mais d'autres ne sont que consultables. Une table et des chaises et un gros poêle sont là pour ça. La bibliothèque n'est donc pas seulement un lieu de passage, c'est aussi un lieu de lecture, d'étude et d'échanges ; des évènements y seront parfois organisés et il y a même un coin lecture pour les enfants. Pour permettre de racheter les livres qui pourraient ne pas être rendus et participer aux frais quotidiens et à l'entretien du lieu, une caution-cotisation de 15 € est demandée qui permet d'adhérer à l'association. Alors, à un de ces mercredis au Chamet ?
Michel Lulek
Un livre sorti des rayons
Manuel de survie de Giorgio Cesarano, édition la Tempête.
Dès les années 1970, Cesarano observe que le développement du capitalisme sur l’intégralité de la planète exige de penser à nouveaux frais. Le monde comme les subjectivités sont désormais devenus fictifs. Les termes du conflit sont redistribués. Non plus « socialisme ou barbarie », mais « communisme ou destruction de l’espèce humaine ». Loin d’invoquer les formes historiques de la révolution, Cesarano propose d’un même mouvement une analyse profonde des développements du capital et une critique radicale des subjectivités contemporaines.