Suzanne, vit et travaille en France depuis 15 ans. Elle n’est jamais allée à l’école, parle bien le français mais ne l’écrit pas. Elle gère avec l’aide de sa fille de 15 ans et l’assistante sociale. Les enfants sont scolarisés et bons élèves. Elle demande le renouvellement de sa carte de résident (valable 10 ans). Impossible, car depuis la nouvelle loi, pour obtenir une carte de résident il faut être titulaire d’un diplôme de français du niveau de troisième. Elle n’aura droit qu’à une carte d’un an qui ne sera renouvelée que trois fois. Que se passera-t-il au terme de ces quatre ans ? Même si elle trouve des cours, ce qui n’est pas gagné car les structures manquent, on considère qu’il faut 3000 heures pour qu’un adulte non scolarisé puisse atteindre ce niveau. Comment faire avec le travail, les enfants ?
Célestine travaille depuis trois ans avec la carte de séjour de sa cousine pour une association d’aide à la personne. Elle connaît les difficultés du secteur à recruter. Ayant entendu parler de régularisation dans les métiers en tension, elle va à la préfecture demander sa régularisation. Mais l’aide à la personne ne figure pas sur la liste. Elle reçoit une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) et sa patronne essuie une forte amende.
Simon, mineur isolé, a été pris en charge par l’ASE à partir de 16 ans. Il a débuté un CAP et son patron est très satisfait. À ses 18 ans, il fait une demande de titre de séjour qui est refusée. Il reçoit une OQTF. L’ASE ne peut pas lui faire un contrat jeune majeur (18-21 ans) et son patron ne peut le garder. Ses parents sont morts ; il ne reste qu’un oncle au pays, qui le maltraitait…
Rachid et Samira viennent d’obtenir un titre de séjour. Pour accéder à une carte pluriannuelle ils ont suivi le contrat d’intégration républicaine. Mais le préfet leur reproche de parler arabe à la maison et le foulard bariolé de Samira pose problème : donnent-ils à leurs enfants (bilingues) une éducation respectueuse des valeurs et des principes de la République ?
Michel est arrivé en France à 5 ans. Il vient d’avoir 18 ans et est en terminale. Un copain lui demande d’aller acheter 30g de haschich à se partager entre copains. Manque de pot, il se fait contrôler et sera condamné à du travail d’intérêt général. Entré en France avant ses 13 ans, il bénéficie d’un titre de séjour de plein droit. Mais celui-ci sera refusé car il a commis un délit l’exposant à 3 ans de prison. Il reçoit une OQTF et restera expulsable pendant 3 ans. S'il reste en France il ne pourra pas demander de titre de séjour. S’il part dans le pays dont il a la nationalité, où il ne connaît personne et dont il ne parle même pas la langue, il ne pourra pas en revenir avant 5 ans.
Quant à Simon, suite à l’« emprunt » d’une voiture avec un copain, à la sortie de ses trois mois de prison, il est envoyé en Centre de rétention puis expulsé, en dépit du fait que toute sa famille vive ici, que ce soit son seul délit et qu’il travaille.
Rachida s’est fait nasser dans une manifestation écologiste. Elle a passé quelques heures au poste et on ne lui reproche rien. La préfecture lui refuse le renouvellement de son titre de séjour car elle présente une menace pour l’ordre public. C’est ainsi qu’avec la loi Darmanin, dite d’intégration, de nombreuses personnes vont basculer dans l’illégalité et/ou la précarité.
Pour ce qui est de l’asile tout semble organisé pour traiter les demandes au plus vite, garder les personnes sous contrôle (en les assignant à résidence) et les expulser sans délai. Cela nécessite un peu plus de temps pour se mettre en place. À la Cour nationale du droit d'asile le représentant de l’office international des migrations disparaît.
Face à cette avalanche d’OQTF, de mise en rétention, comme nous sommes dans un état de droit (sic !) il existe des possibilités de recours mais les délais sont raccourcis sauf… pour saisir le juge des libertés en centre de rétention ce qui permet d’expulser dans cet intervalle !
Le droit du sol est actuellement en danger à Mayotte et cette restriction pourrait bien s’étendre en métropole.
Cette loi inique, la plus répressive des 118 lois votées depuis 50 ans, adoptée dans une frénésie législative faite de racisme crasse et de xénophobie, a été partiellement retoquée par le Conseil d’État qui s’est contenté de supprimer les articles hors sujet, articles que nous risquons fort de retrouver dans d’autres textes.
Dominique Weber-Alasseur