Jean Chatelut, vous avez peut-être déjà croisé ce nom. Professeur à la faculté de pharmacie de Limoges, il a été de 1977 à 2001 maire de Saint-Benoît-du-Sault (Indre). Vous avez peut-être lu dans les colonnes d'IPNS l'article qu'il nous avait confié sur les maçons creusois et la Commune de Paris auxquels il avait consacré tout un livre en 2016 (Cf. IPNS n°61).
Amoureux du Plateau il y venait régulièrement (il évoque rapidement « les larges espaces du plateau de Millevaches » où il aimait à se promener). À plus de 80 ans bien sonnés, pressé par des amis, il est revenu sur sa trajectoire faite de combats et d'engagements qui donnent le titre de son livre. Adhérant au parti communiste en 1953, il en sera exclu en 1978 avec quelques charrettes de « rénovateurs » mais l'essentiel de ce qu'il a construit il le fait sans sa commune où il a fédéré autour de lui paysans et ouvriers, artistes et visiteurs étrangers, misant sur la culture comme vecteur de rencontres, d'ouverture et d'épanouissement : « Nous avons espéré faire de ce pays un lieu attractif et créatif. Nous nous sommes emparés de toutes les circonstances pour susciter des évènements éclairants, dérangeants parfois, pour encourager les habitants à aller de l'avant. » Des démarches pas toujours comprises (et qui lui vaudront de perdre son poste de maire) mais dont il maintiendra le cap au-delà de ses mandatures : « Créer, loin des villes, des lieux, si possible coordonnés, pour répondre aux questions de notre époque. » Il fonde une maison d'édition, organise exposition sur exposition avec des artistes de renom sans cesser de partager sa table avec les voisins et les amis dans une sorte de communauté villageoise combative (il raconte ainsi les luttes des éleveurs ovins en 1986 où sa femme est en première ligne arrêtant ou déroutant des camions de viandes néo-zélandaises).
Un témoignage d'où transparaissent une cohérence et une volonté partagées avec de nombreuses personnes. Un livre qui est aussi extrêmement émouvant en particulier lorsqu'il évoque les dernières années de Jacqueline, atteinte de la maladie d'Alzheimer. « Quelquefois, quand nous rentrons après un déplacement, elle ne reconnaît plus la maison, ou bien elle me demande qui je suis (…) Tout cela, lorsqu'on m'en faisait le récit me semblait effrayant. Quand on le vit soi-même, on songe seulement à trouver le moyen de réparer, en éprouvant en même temps de brutales et infinies tendresses. » C'est là tout Jean Chatelut, je crois.
Michel Lulek