Si Robert Savy est avant tout un juriste il fait plus ici preuve du talent de l'historien : son écriture est précise, les phrases sont courtes, le style presque “clinique“, le livre frôle par moment l'ouvrage universitaire à destination d'élèves de sciences politiques, preuves à l'appui. Ainsi, tous les noms mentionnés sont repris à la fin du livre. Si vous souhaitez savoir ce qu'il dit de Stéphane Cambou, de François Mitterrand, de Harlem Désir ou de Marie-Françoise Pérol-Dumont, vous n'aurez qu'à consulter cet index puis retourner au corps du texte. Et quasi systématiquement, une note de bas de page précise dates et sources des citations. Tout est donc vérifiable, et certainement inattaquable.
Que nous raconte Robert Savy ? L'histoire de son parti où il se place comme un acteur et un témoin sur une période allant de la fin des années 1960 jusqu'à aujourd'hui. Si il zoome principalement sur la fédération PS de la Haute Vienne, il y a pour autant une forme d’enchâssement de son histoire personnelle de militant (rassurez-vous, Robert Savy, homme très pudique, parle peu de sa vie privée ou intime ; nous saurons juste que ses parents étaient de modestes agriculteurs, que son épouse était sur la table d'opération le jour où il devait prendre ses fonctions de député à Paris et grosso modo rien de plus...), à l'intérieur de la fédération, à l'intérieur de la région Limousin, à l'intérieur de la France, à l'intérieur de l'Europe... Ce regard est très critique, ce qui fait le sel de cet ouvrage. Des phrases assassines, des propos grinçants, une analyse fine d'une période de notre histoire et du fonctionnement d'un parti. C'est aussi une parole moderne qui pose des questions sur l'avenir et les défis en jeu.
Libre depuis un bon moment de tout engagement d'élu, cet homme, assurément droit, aux convictions affirmées, et qui n'a pas à rougir du travail accompli, répète l'importance que le mot démocratie revêt pour lui. Il nous dépeint un PS haut-viennois qui s'enlise, s'encroûte, se meurt doucement et depuis longtemps. Dans les raisons de l'échec que connaît son parti le terme de “médiocrité“ est central. Médiocrité des personnes qui se professionnalisent en politique, médiocrité des ego qui se battent pour durer, médiocrité de la cour des serviteurs serviles et flatteurs, médiocrité des “élites“ et des grands corps de l'État qui travaillent parfois plus pour eux mêmes que pour le bien public, médiocrité des choix politiques de petite envergure ou des visions à court terme. Système du clientélisme, du poids des appareils, des petites combines peu glorieuses, des alliances douteuses... Personne n'est épargné, pas plus Alain Rodet, Marie-Françoise Pérol-Dumont que François Hollande.
D'autres, néanmoins, pour qui il garde de l'estime, voire du respect, comme Alain Savary, cet ancien ministre de de Gaulle qui fut aussi ministre de l'éducation nationale de François Mitterrand et avec qui il travaillera pendant deux ans comme conseiller. Respect pour cet homme de convictions qui démissionna de son portefeuille pendant la guerre d'Algérie parce qu'en désaccord avec ce qui se passait à propos de l'affaire Ben Bella.