Démonstration sur la ligne Limoges-Angoulême. Depuis mars-avril 2018 la ligne ne va plus jusqu’à Angoulême, l’état de la ligne, que la SNCF n’a pas entretenue pendant trop longtemps, interdisant pour des raisons de sécurité la circulation des trains de Saillat-sur-Vienne jusqu’à Angoulême. Seul le tronçon Limoges-Saillat fonctionne encore. Effet immédiat : le nombre de voyageurs a été, en gros, divisé par deux, 200 000 voyageurs-km disparaissant du jour au lendemain ! Pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour établir le lien... Comme dit un élu haut-viennois du coin : “J’aimerais bien, moi, que les vaches puissent regarder passer les trains vers chez moi !“
Si la ligne Limoges-Ussel est en bon état technique et qu’on aura bientôt une gare toute rénovée à Eymoutiers, elle a néanmoins connu cette année des petits problème de signalisation. La SNCF a rassuré les usagers en expliquant qu’il s’agissait d’un problème de cartes électroniques qui était maintenant résolu (les cartes étaient trop sensibles et cramaient quand il y avait des orages). Désormais, de nouvelles cartes ont été commandées et livrées et, selon le responsable de la SNCF “ça marchera jusqu’en 2022-2023“. Mais d’ajouter aussitôt : “Reste à résoudre un problème d’ordinateur à Limoges : pour que le système fonctionne il faut un vieil ordinateur“. Appel aux bonnes volontés : envoyez vos vieux clous informatiques à la SNCF !
C’est un conducteur TER qui a signalé que la convention signée entre la région et la SNCF est loin d’être toujours respectée par la société nationale, en particulier concernant “l’équipement en personnel des trains“. La convention prévoit dans chaque train un conducteur et un agent d’accompagnement (pour la sécurité, le contrôle, le renseignement, la sûreté des voyageurs). Or beaucoup de trains ne circulent qu’avec un conducteur, sans agent d’accompagnement ! Aux chiffres officiels de la SNCF qui dit que le cas ne s’est présenté que deux fois depuis le début de l’année, les agents de la SNCF apportent un sérieux démenti : fin mars, cela concernait 2 à 3 trains chaque jour. Le 18 avril 2019, ce sont 21 circulations sans contrôleur qui étaient prévues en préopérationnel (c’est-à-dire que cette absence était prévue en amont et qu’il ne s’agissait pas d’une décision de dernière minute...).
L’aventure est arrivée le 17 mai 2019 à un jeune voyageur sur le tronçon Eymoutiers-Limoges. Il a l’habitude de prendre cette ligne et prend son billet “Top jeune“ auprès du contrôleur pour 7,50 €. Mais ce jour-là le contrôleur lui explique que désormais, prendre son billet dans le train lui coûtera... 15 € ! La région a été avertie de cette nouvelle politique de la SNCF et a dûment protesté, réclamant que pour les gares sans guichets et sans bornes, cette pénalité ne soit pas appliquée. La SNCF a semble-t-il accepté. On se demande à quelle logique obéit le service ferroviaire (j’allais écrire public, excusez l’anachronisme) pour remplacer un service simple et pratique au client par une pénalité... Pour forcer les gens à acheter leur billet ailleurs que dans le train ? L’explication est peut-être à chercher dans le paragraphe précédent...
Le graphique ci-contre montre l’évolution mensuelle du nombre de voyageurs-km en 2017 et en 2018 sur la ligne du Plateau. “Un bon résultat“ selon les responsables de la région avec une moyenne mensuelle autour de 500 000 voyageurs-km. Creux en mars 2018 avec un peu plus de 300 000 voyageurs-km et pic en août 2017 avec presque 1 million !
La pointe de trafic, sur le même graphique, en juillet et août, que ce soit en 2017 ou 2018, est analysée par les responsables ferroviaires comme étant en lien direct avec l’existence du Passauvert, ce billet à prix compétitif mis en place l’été pour rejoindre Vassivière depuis Limoges (l’aller-retour à 3, 5 ou 7 euros selon l’âge). Si on suit leur raisonnement, plus le prix est attractif, plus il y a de voyageurs !
Suivons donc leur raisonnement jusqu’au bout. Si le transport était gratuit, n’y aurait-il pas beaucoup plus d’utilisateurs ? Et donc moins de voitures sur les routes, moins de carbone dans l’air, moins de bouchons en entrée de Limoges, moins d’accidents automobiles, etc. Certainement. Mais ça coûterait beaucoup trop cher allez-vous dire... Pas sûr ! Le coût des voyages en TER pris en charge par la région est déjà de 80 % (soit exactement 296 millions d’euros par an, soit ce qu’on appelle la “contribution d’exploitation TER“). En augmentant cette contribution de 20 à 25%, on pourrait faire des transports gratuits sur toute la Nouvelle Aquitaine ! (il faudrait en gros passer de 300 millions à 380 millions par an). Pas hors de portée donc. Et pour valider l’idée, pourquoi ne pas l’expérimenter d’abord sur deux ou trois lignes de manière à pouvoir mener une analyse objective de l’effet de la mesure ? Cela ne coûterait pour le coup pas plus de 5 à 6 millions, soit à peine 2% de plus sur le budget TER de la région. William Jacquillard, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine délégué aux gares et à l’intermodalité, ne balaie pas la proposition d’un revers de la main : “La question de la gratuité : le débat n’est pas refusé par la Région, c’est en débat, c’est quelque chose qui doit être étudié mais qui n’est pas impossible à condition de trouver les bonnes conditions pour le faire.“ Il est vrai qu’il ajoute aussitôt : “Mais on n’en est pas là.“
Michel Lulek