Textes reçus qui disent le plateau ou ses gens. Poèmes de William Chatain, de Peyrat-la-Nonière, qui dit entre ironie et malice ses humeurs. Un petit poème de Hilly Van der Wiel, de Rempnat, inspiré par la Vienne qui coule au fond de son jardin. Témoignage de Christine Rigaud qui habite la région parisienne et dont chaque retour sur le plateau, à Faux-la-Montagne, sonne comme de familières retrouvailles.
et la rivière ? et ben, elle parle
son langage d’hiver
couleur héron cendré
le héron cendré ne se remarque plus
enfin, si, il se remarque
mais se fondant dans le même murmure
constant, sans relâche
il rebâche comme armure
sa couleur cendrée, comme pour la rivière
sa chanson sacrée
de lumières d’été se sont fait des réserves
la rivière en est grosse
le héron en est sage
grave, ailes déployées il s’élève
de la rivière fait son tremplin
la rivière laisse faire, que faire d’autre ?
pour avancer vers l’inconnu, on s’accomode
de bien des élans
de bien des vents
contraires ou s’aimant
le héron et la rivière
s’appartenant.
Loin de ces terres stérilisées,
Endommagées sans préjugés
Par tous les exploités primés,
Il est sans doute privilégié
Pour nous offrir sans compter
Toute sa beauté sous estimée
Par ceux qui ont osés bafouer
Toute son âpre vérité.
Si ses formes deviennent un obstacle
A toutes exploitations d’audace,
Elles sont aussi comme un grand charme,
Le gardien de ce territoire
Qui est traversé non sans grâce
Par troubles chemins qui s’enlacent
Pour que l’on puisse apercevoir
Tous les paysages délicats.
Si les nuances de ses tons
Dépendent d’abord de la saison
C’est que la hauteur de ses monts
Nous offre l’hiver des frissons,
Et si la vertu de ses sons
Provoquent parfois la déraison,
C’est que le printemps de saison
Est aussi frais qu’il est fécond.
C’est entre murettes et tourbière
Que vergnes, genêts et fougères
Sont amoureux de cette terre
Qui n’est pourtant pas prolifère
Pour toutes les générations humaines,
Mais la beauté de ce plateau
Est le jardin jamais trop beau
De la nature élevée bien haut.
Un jour sans prétention, de trouver la raison,
On me fit découvrir un tout autre horizon,
Très loin m’avait-on dit de toutes mes passions
Mais proche de l’ambition de devenir un vrai con.
On me fit déplacer, de ma Creuse littéraire,
A une sorte de prison, gardée comme un sanctuaire
Par des gens qui n’avaient que leurs visages fiers
Pour les différencier entre les races humaines.
Ils semblaient tous vêtus, ou du moins corrompus,
Par la même tenue, cachant je le présume, un secret d’amertume.
D’un air triste, abattu, je suis sorti tout nu
D’un local où je dû troquer ma belle tenue
Contre l’opacité d’un vert délavé
Souillé par le péché d’avoir tué son passé.
C’est lorsque mes cheveux m’ont regardé par terre,
Que j’ai dû me soumettre à leurs rites de guerre,
Ecouter leurs prières, chantées d’un air cruel,
Et répéter sans vers leurs chants éternels.
Quelques jours de ma vie pour devenir sénile,
Et je pus revêtir, pour leur faire plaisir
Le besoin de l’envie, de ne pas devenir un être trop futile.
Ne sembler qu’imbécile, était devenu facile,
Et tromper mon ennemi ne fut qu’un jeu crédible
Qui ne devait durer que quelques mois damnés.
Si le caméléon tu deviens par raison
De ne pas devenir un gradé maigrichon,
C’est que devenir moins con est bien ton ambition,
Et que leurs crânes vidés par les ordres sans idées
N’auront jamais raison de nos vraies sensations.
Ma vie devint ennemie de leur désir débile
Dont mon besoin civil ne devait pas pâlir,
Et toute l’intelligence, qui sortait de ces rangs
Dans un format bâtard, digne d’un art ingrat,
Tenaient dans un drapeau qu’ils élevaient bien haut
Tous les jours au détour d’une danse indigène
Qui me sembla la même tout au long de ma peine.
Si servir le désir, de devoir conquérir, est un devoir civique
Qui à l’encre de chine est écrit dans les livres
Dont ils se sont servis pour forcer nos envies du devoir de mourir,
Je promets l’abstinence, très anarchiquement,
En ne m’éternisant sur leurs pensées démentes.
Je promets l’abstinence, très anarchiquement,
En ne m’éternisant sur leurs pensées sanglantes.
Reprenant la route une fois encore et toujours avec le même sentiment de revenir vers une terre connue, si bien reconnue dès que la voie commence à
s’élever, bordée de sapins et de cette couleur sombre qui, si c’est l’été, rafraîchit mon corps transpirant, et si c’est l’hiver, peine à être arpentée (et voilà ! j’ai encore oublié les chaînes, je retiens ma respiration) et ça passe, je parviens enfin à cette place de village dont l’espace est arrêté par les murs de l’église.
Les instants d’avant, fenêtre ouverte, mes poumons se sont gorgés de cet air si pur, quelque soit la saison, je ne respire pas mieux que là, je le sais.
Mes pupilles se sont déjà délectées des camaïeux de jaunes et de verts, des noirs et des blancs c’est suivant, et dire encore cette immensité bleutée qui a cueilli une fois encore au détour de la Circum Lacustre, mon regard, vaste comme un océan et il y a même un phare, plus loin, je le sais.
Même qu’il se trouve sur une île, entouré d’arbres puissants un jour abattus bruyamment par un vent fougueux, qui repoussent désormais au milieu de formes, installées là au gré des années par des mains de maître qui ont été invités à apporter leur touche au lieu : couleurs, matières qui tranchent et se mêlent aux berges, aux bois et aux monts qui les environnent ou les surplombent : des signes rouges, bleus, se détachent au milieu des jaunes, des verts, des marrons clairs ou sombres.
Dans les rues du village, si c’est tard l’hiver, personne. Mais si c’est l’été, il y a les gens. Suivant l’heure, ils seront là, ou pas. La vieille femme, à la fontaine ronde, le facteur ouvrant sa portière et descendant un paquet à la main, les enfants roulant à bicyclette, en patinettes, en planche à roulettes ou courant, les ados marchant nonchalamment, l’épicière vendant La Montagne, la boulangère, ses bonnes miches, Monsieur le maire, ses pâtés creusois, le pharmacien enclin à soigner les “mots”,
Brin de Zinc, tenant cybercafé orange et gris, bières locales et café blanc, l’auberge de la Feuillade où la belle Hélène officie, le restaurant des Fines Herbes où Josette se démène à préparer ses plats maison, la mairie où Télé Millevaches donne des nouvelles du Plateau, Tom Pousse qui garde au chaud ses petits, l’école qui maintient ses classes, en bas, la scierie Ambiance Bois, et puis tous les Amis, qui ne cessent d’augmenter à chacun de mes passages, d’ici, de là ou d’ailleurs... et puis... et puis...
Mon cœur réchauffé déjà je le sens le seuil à peine franchi du panneau annonçant
Faux la Montagne,
je reviens, je suis revenue.
Christine Rigaud