En janvier 2005, 14 projets sont retenus pour l'ensemble de la France, dont quatre en Limousin : Ussel (Soffimat), Meymac (EBV), Moissannes (EBV) et Saillat sur Vienne (International Paper). Une première remarque s'impose : la décision de sélectionner quatre projets en Limousin a été prise sans aucune concertation avec les responsables régionaux. La politique de développement du bois énergie mise en place par la Région Limousin avec l'appui de l'ADEME a été complètement ignorée et les services de l'Etat en Limousin n'ont pas eu non plus leur mot à dire !
Sur le fond, les critiques qu'appelle cette décision sont explicitées dans la motion ci-contre (page 11) , adoptée par le Comité Syndical du PNR de Millevaches, ainsi que par le conseil municipal de Felletin et le conseil communautaire de la communauté de communes Aubusson-Felletin. Elles ont été à nouveau développées au cours d'une conférence de presse donnée le 5 octobre dernier à Egletons par Bernadette Bourzai, maire de cette ville, et Michel Pinton, maire de Felletin.
Les villes d'Egletons, Bourganeuf et Felletin possèdent en effet des réseaux de chaleur bois qui consomment annuellement chacun 6000 tonnes de produits connexes de sciage pour les deux premiers et 60 000 tonnes pour Felletin (qui produit aussi de l'électricité : il s'agit dans ce cas de cogénération, c'est à dire la production simultanée de chaleur et d'électricité).
La taille des installations prévues ne peut que bouleverser le marché régional du bois énergie et renchérir considérablement, peut-être même tarir, l'approvisionnement des chaufferies existantes. Par ailleurs, l'absence de réseau de chaleur complétant la production d'électricité aboutit à une efficacité énergique faible. Ce n'est pas parce qu'on utilise une énergie renouvelable qu'il ne faut pas se montrer économe !
Enfin, et cela ne concerne pour le moment que Felletin, le prix d'achat de l'électricité est beaucoup plus élevé que celui pratiqué à Felletin, ce qui aboutit à mettre en péril une installation existante.
En prenant leur décision sans concertation, uniquement à partir de données statistiques non vérifiées sur le terrain - et on sait qu'il y a une grosse différence entre les quantités de bois théoriquement disponibles et celles qui sont réellement utilisables (manque d'accès dû au morcellement , du relief...) et en marquant leur mépris pour les installations de petite taille ("Nous n'avons rien à faire des chaudières de paysan"), les responsables du ministère ont bien mérité les reproches qui leur ont été adressés par les élus, par les experts et les associations qui travaillent sur les problèmes énergétiques.
Depuis ces critiques initiales, de nouveaux éléments sont venus confirmer la pertinence des arguments avancés dès 2005. Il s'agit du dossier d'enquête publique concernant le projet de Meymac et d'un nouvel appel d'offres du ministère de l'industrie sur de nouvelles installations de production d'électricité à partir de biomasse.
Alors que le dossier du projet Soffimat à Ussel a été soumis à enquête publique du 12 mars au 12 juin (nous n'avons pas pu le voir), celui de EBV à Meymac l'a été au mois d'octobre, et nous avons pu le consulter et rencontrer le commissaire enquêteur. L'installation de Meymac, d'une puissance électrique de 12,125 MW (donc juste au dessus de la puissance minimale de 12 MW, à rapprocher de la puissance de 3 MW de l'unité felletinoise) utilisera 138 200 tonnes de bois (plaquettes forestières, plaquettes de scierie, sciure et écorces).
Les fournisseurs identifiés sont :
On constate donc que la concurrence avec Felletin pour l'approvisionnement en bois est pleinement confirmée, ainsi que la propension de certains professionnels du secteur à signer tous les engagements qu'on leur propose et de n'honorer ensuite que les plus rémunérateurs.
La production annuelle d'électricité annoncée à Meymac est de 107 000 Mwh, soit à peu près cinq fois celle de Felletin - qui produit aussi de la chaleur.
A Meymac il est prévu d'utiliser la chaleur en interne pour sécher le combustible qui ne doit pas dépasser 20% d'humidité dans cette installation qui utiliserait le procédé de gazéification (similaire au gazogène utilisé pour les automobiles pendant la seconde guerre mondiale) : après une combustion à 1050°, les gaz récupérés alimentent des moteurs qui produisent l'électricité.
La seule production vendue étant l'électricité, il est abusif de parler de cogénération et d'afficher un rendement de 67%. En fait le rendement est de l'ordre de 30%.
En revanche, des données économiques (prix d'achat du combustible, prix de vente de l'électricité) ne figurent pas dans le dossier. Les investissements sont de 27 253 000 euros (par comparaison, ils ont été de 10 millions à Felletin) dont 30% de fonds propres et 70% de prêts bancaires. La mise en service est prévue pour fin 2007, avec démarrage des travaux à la fin du premier trimestre 2007.
Rien dans ce dossier ne vient infirmer ce qui était avancé dès 2005 par les responsables des réseaux de chaleur existant en Limousin.
La justesse des arguments avancés est confirmée par le nouvel appel d'offres du ministère de l'industrie qui a largement rectifié le tir par rapport au précédent, sur trois points essentiels :
On constate que le ministère a largement tenu compte des critiques qu'avait suscité l'appel d'offres de 2003 pour rédiger celui de 2006. Il serait souhaitable que les nouveaux critères s'appliquent aux projets qui ne sont pas encore réalisés, comme Ussel et Meymac, et qui vont poser les plus gros problèmes.
L'utilisation du bois énergie est une bonne solution énergétique à condition que :
Jean François Pressicaud