"Le caractère de Vassivière apparaît sous trois aspects. Le premier est lié à la perception visuelle du site ; il concerne le paysage dans son registre plastique et émotionnel. Le second est lié á l'environnement; il concerne le sentiment de qualité immédiatement perceptible du site et sa mise en péril éventuelle. Le troisième, issu de la combinaison, des deux, se présente dans un ensemble dispersé, désigné par les Jardins de Vassivière"
IPNS : L'image illustrant cette méthode a été communiquée sous la forme de "boucles", terme à revoir car trop proche des circuits de randonnée existants, aujourd'hui remplacé par "jardin" ce qui indique un espace et non nécessairement un parcours, même si l'accès au jardin justifie un chemin. Compte tenu du nombre de "jardins" périphériques au lac de Vassivière, l'image se présente comme un éventail déployé autour du plan d'eau de façon irrégulière, s'enfonçant plus ou moins profondément dans l'arrière-pays, avec, parfois, des secteurs complètement séparés des rives (Tourbières de Faux, Roches du Diable, Cascade des Jarrauds.) Enfin, le dispositif des jardins répertoriés (espaces attenants au lac et espaces séparés du lac) rencontre les circuits de randonnée avec lesquels il s'organise. Exemple : Le jardin de la Goutte d'eau, lande de la presqu'île de Chassagnas, couplé avec le jardin des Apothécies (D.34 au droit de Masgrangeas) s'organise avec le circuit de randonnée dit "des Tourbières" Masgrangeas, Orladeix, Auzoux.
"La charte paysagère du pays de Vassivière se définit par rapport a une intention de paysage et non comme un seul cahier des charges esthétiques. L'intention de paysage se fonde sur la permanence qualitative des éléments donnant au paysage limousin son équilibre et sa dynamique biologique :
Atouts essentiels, rares et recherchés, devenus aujourd'hui arguments économiques. L'intention, c'est à dire le projet de charte, consiste à maintenir ou améliorer les composants de l'équilibre biologique, seuls capables de régler de façon harmonieuse et économique les composants esthétiques. Dans cette approche "paysage" et "environnement" sont intimement liés.
Tout aménagement susceptible d'altérer qualitativement l'un des composants biologiques sera écarté du projet et rangé au titre des préconisations comme attitude à proscrire."
"Cela donne immédiatement les indications nécessaires :
"La région de Vassivière ne possède pas les atouts ordinaires des stations touristiques : mer, soleil, neige, monuments historiques… La nature, ici, s'exprime discrètement quoique de façon remarquable : balance des lumières, douceur et force du relief, diversité des perspectives, des milieux et des êtres. Le lac, source d'attraction, doit permettre d'initier les touristes à cette multiple nature. Transformer le plan d'eau en marina serait condamner le site à sa propre destruction.
Révéler l'état de nature propre au site de Vassivière, le donner à comprendre, le valoriser en préservant son mécanisme, instituer un tourisme - ou un mode de résidence - compatible avec cette approche, inviter la population active à participer à cette entreprise : projet sans équivalent réel sur le territoire français."
"… Avec quelques autres secteurs heureux du Massif Central, le Limousin partage le privilège d'être regardé par l'étranger, notamment par les anglais, comme un jardin. Parfois aussi comme un Parc. La configuration traditionnelle des aménagements touristiques se solde 10 mois de l'année par un paysage en pleine déréliction, maisons fermées, équipements condamnés soumis aux intempéries, "espaces publics" déserts, sentiment général de désolation."
"Un bourg constitué ne souffre pas de ces maux. Le lac de Vassivière, artifice récent, ne compte aucun véritable bourg sur ses rives (par "bourg", entendre une structure formée de repères et de permanences : église, boulanger, bistrot, hôtel, etc.). Ces bourgs existent, en position écartée des rives, dans une situation optimale par rapport à cet élément fondamental de la charte paysagère qu'est la disposition de l'habitat. Il suffit d'envisager avec les instances concernées l'accroissement légitime (sans doute progressif et prudent) du tissu urbain engagé depuis des siècles sur le territoire et non d'ajouter, de façon brutale et dommageable, des structures vouées à l'abandon et l'obsolescence."
"Sur les rives du Rhin, à Strasbourg, sur la rivière de Batubulan à Bali, gisent des aqua-centers moribonds auxquels plus personne ne s'intéresse. Equipements disgracieux oblitérant le paysage de façon pérenne alors que leur usage n'aura pas traversé cinq saisons. Le coût global de ces opérations (faire, défaire), rarement pris en compte dans les études d'impact, dépasse de loin l'apport des touristes assujettis à la consommation.
A Strasbourg, à Bali, le potentiel touristique existe pourtant, la population est nombreuse ; à Vassivière, toute spéculation établie sur ce genre de base est non seulement vouée à l'échec, mais en plus elle est porteuse d'une destruction assurée du paysage."
"Sur les bords du lac, il faut regarder le renforcement possible des deux pôles départementaux (Auphelle, Broussas) comme une réponse - encore une fois progressive et prudente - à la demande d'accès au lac avec résidence, sur la base d'une charte paysagère et architecturale. Les propositions visant à établir des lotissements d'un bloc pour atteindre le nombre de lits estimés nécessaires à l'économie touristique de loisirs traditionnels s'orientent automatiquement contre le projet touristique durable, le seul à notre avis défendable en Europe aujourd'hui."
"La maîtrise d'ouvrage constituée autour de la charte paysagère devra établir ucalendrier de réunions annuelles pour rassembler les acteurs de terrain responsables du maintien, de l'évolution et de la transformation du paysage. Les principaux acteurs - gestionnaires agricoles et forestiers - doivent pouvoir participer à cette évolution en faisant apparaître tous les problèmes que les concepteurs du projet ou les maîtres d'ouvrage n'ont pas toujours la possibilité de mesurer". Il faut espérer que ce travail, qui "colle" à notre réalité soit enfin utilisé par nos élus.
Restera-t-elle soigneusement rangée entre l'étude de Détente et l'étude sur la pêche sur une étagère du SYMIVA ? Ou aurons- nous un savant mélange de multiples études ?
IPNS : Après lecture de cette charte, on ne peut que s’étonner une fois de plus de la démarche paradoxale du SYMIVA : d’un côté expliquer à travers de multiples débats publics que la seule chance du pays est de saisir à bras le corps l’étude du cabinet Détente et d’un autre côté charger Gilles Clément d’une étude opérationnelle du paysage et de l’environnement pour le lac de Vassivière. Or, à un moment les deux approches ne sont plus compatibles !
Résumé réalisé par Michel Bernard