Jehan Mayoux est né le 25 novembre 1904 à Cherves-Châtelars en Charente. Dès l'enfance il est plongé dans l'atmosphère des luttes que mènent ses parents, Marie et François Mayoux, fondateurs en Charente du Syndicat des Instituteurs et ardents pacifistes pendant la guerre de 14-18. A l'âge de 12 ans il passe en correctionnelle pour avoir collé des papillons pacifistes. Il est acquitté car les juges estiment qu'il a "agi sans discernement", formule qui l'indigne ! Ses parents sont condamnés à deux ans de prison pour leur brochure Les Instituteurs Syndicalistes et la guerre et révoqués de l'enseignement. Pendant leur incarcération Jehan et sa petite soeur Marianne sont recueillis par des militants syndicalistes. Début 1920 la famille va s'installer à Marseille où le syndicat des instituteurs a proposé à François Mayoux le poste de secrétaire de l'Union Départementale des syndicats des Bouches du Rhône. Il exercera plusieurs métiers jusqu'à leur réintégration en 1924.
Jehan Mayoux subit des brimades du fait de l'activité politique de ses parents. On lui refuse son inscription au concours d'entrée à l'Ecole Normale d'Aix-en- Provence. Des protestations s'élèvent, il est finalement inscrit et reçu au concours en 1921. Peu après il est déplacé à l'E.N. d'Avignon sous un prétexte futile. Il devient instituteur dans les Bouches du Rhône en 1924. L'année suivante il épouse Marie-Louise Florac, elle aussi institutrice, et leur fils Gilles naît en 1926. Tout en enseignant, Jehan et Marie-Louise obtiennent une licence de lettres à la faculté d'Aix. En 1932, il est nommé professeur délégué à l'Ecole Normale de Saint-Lô, puis en 1933, à l'EPS de Dunkerque.
En février 1933, Jehan Mayoux prend contact avec André Breton et Paul Eluard à qui il envoie un texte qu'ils publient dans Le surréalisme au service de la révolution, n°5. Dès lors, il participe aux activités du groupe surréaliste dont il fera partie jusqu'en 1967. Il signe les textes collectifs et collabore aux revues surréalistes. La poésie fait, plus que jamais, partie intégrante de sa vie. Il publie Traînoir en 1935. C'est aussi le début d'une amitié sans faille avec Yves Tanguy, Benjamin Péret et André Breton.
A partir de 1934 Jehan et Marie-Louise accueillent et aident les réfugiés anti-fascistes allemands en transit vers l'Espagne. C'est une période d'intense activité politique. Jehan Mayoux est délégué du Syndicat des Enseignants du Nord, puis en 1936, secrétaireadjoint à la Bourse du Travail et enfin secrétaire du Comité de Front Populaire à Dunkerque. Parallèlement, il prépare le concours de l'inspection et en 1937 il est nommé Inspecteur primaire à Saint Jean-de-Maurienne. Dans sa circonscription il s'efforce de développer le sport scolaire et de promouvoir des expériences pédagogiques visant à élargir la portée des réformes introduites par le ministère de Front Populaire. Il publie Maïs en 1937, Le Fil de la nuit en 1938 et Ma tête à couper, avec un frontispice d'Yves Tanguy, en 1939.
Le 1er septembre 1939, il refuse d'obéir à l'ordre de mobilisation. Il est emprisonné à Lyon où un tribunal militaire le condamne à 5 ans de prison. On le transfère à la prison de Clairvaux, au régime des droits communs, dans cette même centrale où son père avait été prisonnier politique en 1918-1919. C'est là qu'il rencontre le poète Alfred Campozet, lui aussi insoumis. L'amitié indéfectible qui se noue entre eux leur permettra de survivre aux épreuves qui les attendent. En 1940, à la suite du bombardement de la prison, ils sont capturés par les Allemands et emmenés en Allemagne comme prisonniers de guerre.
Après plusieurs tentatives d'évasion ils sont envoyés au camp disciplinaire de Rawa-Ruska. Pendant ce temps, Marie-Louise Mayoux a été déplacée à Mostaganem par le gouvernement de Vichy (femme d'insoumis, elle a mis un portrait de Pétain à la poubelle de son école). Elle y meurt accidentellement en 1942. Jehan Mayoux rentre de captivité en mai 1945. Il a été révoqué en 39 et sa révocation a été prononcée une seconde fois par le gouvernement de Vichy. Il travaille un an chez un camarade, entrepreneur de travaux publics à Montpellier. Puis, sur le témoignage de ses camarades de captivité et après décision favorable de la Commission nationale "Honneur prisonnier" il est amnistié et réintégré dans l'enseignement. Il est nommé Inspecteur primaire à Ussel en 1946.
Dans son nouveau poste, il se consacre à la pédagogie, s'efforce de faire connaître les méthodes d'Education Nouvelle et le mouvement Freinet. Il participe comme instructeur aux stages des Centres d'Entraînement aux Méthodes d'Education Actives, dirige des colonies de vacances, met en scène des pièces de théâtre pour les fêtes des Amis de l'Ecole. En 1947, il épouse Yvonne Coulaud, institutrice. Ils ont une fille, Alice, en 1949. En octobre 48 paraît Au crible de la nuit, avec un portrait de l'auteur par Hans Bellmer. A une exception près, les poèmes de ce recueil ont été écrits en captivité et souvent un poignant sentiment d'angoisse surgit au détour des images.
Les contacts reprennent avec les surréalistes dont le groupe s'est reformé après la guerre. Jehan Mayoux se rend le plus souvent possible à Paris aux réunions du groupe, invite ses amis à Ussel, comme le peintre Hans Bellmer qui profite de son séjour pour utiliser les compétences de l'imprimerie Eyboulet, ou Benjamin Péret. Yves Tanguy s'est fixé aux Etats Unis mais il le rencontre à Paris quand il y vient à l'occasion d'une exposition.
Amoureux des livres, Jehan Mayoux se fait éditeur pour publier ses amis. C'est d'abord en 1958, Histoire Naturelle de Benjamin Péret, illustré par Toyen et couplé avec A perte de vue de Mayoux, puis en 1961, Le libérateur du Massacan d'Alfred Campozet et Mon sommeil est un verger d'embruns de Pierre Dhainaut avec un frontispice de Toyen, enfin en 1968 Les dits du sire de Barradel de Hervé Delabarre illustré par Jorge Camacho. Pour ces deux derniers ouvrages il a adopté le nom d'Editions Peralta en hommage à Benjamin Péret décédé en 1959. Peralta était le nom de Péret pendant la guerre d'Espagne où il a combattu d'abord dans les rangs du POUM puis aux côtés des anarchistes.
En août 1960, Jehan Mayoux signe, avec d'autres membres du groupe surréaliste, la Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, dite Manifeste des 121. Il est suspendu de ses fonctions en octobre. Cette suspension dure cinq ans, au cours desquels il refuse tout autre poste que le sien, toute offre d'avancement. En 1961, il fait une série de conférences dans le Nord, pour le compte de la Libre Pensée, dans lesquelles il prend la défense de la laïcité. Pendant quelques mois il enseigne la philosophie au lycée d'Ussel, comme professeur contractuel. Finalement, grâce au soutien de ses chefs hiérarchiques, des maîtres de sa circonscription et du département, grâce aussi à son obstination, il obtient sa réintégration à Ussel à la rentrée 1965. Il prend sa retraite d'enseignant en 1967.
En 1968 il participe aux manifestations étudiantes à Montpellier et à Paris. Quoique n'ayant jamais adhéré à aucun parti politique, il continue à s'intéresser à toutes les luttes pour la paix et la liberté, contre tous les autoritarismes, à faire preuve d'une insatiable curiosité intellectuelle, à accueillir et encourager de jeunes poètes, à écrire, jusqu'à sa mort, à Ussel, le 14 juillet 1975.
De 1976 à 1979, Yvonne Mayoux publie ses œuvres, dont une très grande partie est alors inédite, aux Editions Peralta.
Alice Mayoux