Un témoignage d'un acteur local dans un PNR créé fin 1995.
J'ai rêvé d'un parc qui soit une structure souple et dynamique, véritable boite à outils du territoire, d'une dizaine de salariés plus animateurs de la vie locale, médiateurs entre intérêts divergents, facilitateurs de projets que techniciens au service des collectivités locales. Cette agence de développement local humain et solidaire démultiplie son action par des partenariats étroits avec les acteurs (associations, entreprises, collectivités locales) qui veulent mettre leur compétence au service des territoires. Ces partenariats sont contractualisés sous forme de missionnement définis de façon paritaire ou par des conventions pluriannuelles. Les financements que le PNR mobilise grâce à son label jouent souvent un rôle déclencheur dans de nombreux montages financiers. Les compétences en ingénierie de projet de l'équipe de permanents permet de diversifier les sources de financement. La sécurité de savoir son budget assuré permet aux permanents de tenir une fonction de veille territoriale et d'anticipation.
Des fonds européens sont mobilisés sur certains projets et rejaillissent sur la vie locale tout en permettant aux actions transnationales de favoriser les échanges avec d'autres pays. Ces nombreux contacts favorisent l'innovation dans tous les domaines. L'activité économique se diversifie grâce à cette dynamique et s'ouvre à des activités nouvelles.
Le Parc suscite chaque fois qu'il le peut le regroupement des acteurs dans tous les domaines de la vie sociale, culturelle et économique locale. Il met en place des formations-actions regroupant des acteurs autour d'un projet. Rapidement des structures-outils sont créées pour prendre le relais de l'action initiale du Parc.
Une agence de voyages est créée et s'appuie sur les prestataires touristiques du territoire et coordonne le travail des offices du tourisme pour la commercialisation de séjours. Une société locale financière recueille l'épargne de proximité en collaboration avec l'agence bancaire locale (qui ne peut jouer ce rôle étant tenue par les directives venues d'en haut). Ces fonds sont mobilisés pour des projets de développement local.
Un groupement d'employeurs permet d'adapter au mieux les besoins des entreprises et l'intérêt des salariés. Une coopérative d'emploi et d'activités facilite le parcours des porteurs de projet.
Enfin une innovation réside dans le choix de la structure porteuse du Parc : une société coopérative d'intérêt collectif. Différents collèges sont organisés : les usagers (habitants), les entreprises et associations (avec représentation collective), les salariés, les élus.
Le collège des élus garde une minorité de blocage et un droit de veto sur les décisions mais ils ne peuvent prendre des décisions seuls. Ils ont besoin de l'appui des autres collèges. Dans la pratique, les décisions sont longuement élaborées pour recueillir un appui large. On s'est en effet aperçu que plus une décision recueillait d'avis favorables, plus elle avait de chances de se mettre réellement en place et d'être efficace. Ce travail d'élaboration en collège permettait souvent de faire le tour de la question et de ne pas produire des décisions qui finissent par être contradictoires en essayant de satisfaire des intérêts particuliers ou corporatistes.
Dans son discours d'orientation, le président en activité (chaque président exerce un mandat de deux ans tournant avec les autres membres du bureau) insiste sur la non-durabilité du parc en tant qu'institution sur le territoire. Selon lui, l'efficacité de son action se mesure au nombre d'années où il sera devenu inutile et remplacé par des initiatives locales multiples et coordonnées.
Le budget est élaboré selon un processus associant les habitants, les usagers et les organisations locales. C'est une construction participative totalement transparente élaborée sur la base des 20 années d'expérience de la ville de Porto Alegre au Brésil. Une part de 5 % du budget est affectée chaque année à des actions de solidarité internationale car il est difficile de parler de développement durable sans s'intéresser aux populations du sud.
Les propositions touristiques ne cherchent pas à valoriser une vitrine tournée vers le passé et le mythe trompeur d'une vie rurale idyllique. Le tourisme est une occasion d'échange authentique et de compréhension des réalités locales actuelles.
L'aménagement du territoire est envisagé comme un axe structurant d'une véritable politique de développement durable. Dans ce cadre, les collectivités locales investissent pour créer des réserves foncières ou des programmes immobiliers permettant l'accès au plus grand nombre à un logement décent. Les solutions collectives (habitat groupé, lotissement autogéré) sont mises en avant. Chaque fois que c'est possible, ces constructions prévoient dans leur environnement proche des espaces d'activités pour permettre l'implantation d'entreprises. La concentration en zone d'activités est évitée.
En terme de méthode, la recherche-action est privilégiée chaque fois qu'une problématique se pose. Les acteurs concernés et volontaires sont associés et rémunérés pour leur participation si besoin. Ce groupe dispose d'un budget qu'il peut affecter en toute autonomie pour agir sur le thème étudié. Le recours à des cabinets extérieurs composés d'experts donnant leur avis sur les pratiques des autres est l'exception.
Et pour clore ce rêve, demandons-nous ce qui empêche les parcs naturels régionaux de jouer ce rôle d'agent de développement local ancré dans l'innovation sociale ? En tout cas certainement pas sa structure juridique et administrative, ni ses finalités.
Alors c'est à chacun de se poser la question...
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Jean-Luc Chautagnat