C’est en janvier qu’a lieu à Clermond Ferrand la première rencontre.
Ils sont une dizaine à s’être déplacés du Limousin, de l’Aveyron, du Gard, de Paris, d’Alsace ou d’Auvergne. Ils ont une envie de faire en rural, une idée de projet, plus ou moins précise, plus ou moins concrète. Quelques uns savent où faire, d’autres ont des préférences, certains imaginent. Ils ont tous commencé des investigations diverses, regardé des annonces, ouvert internet (puisqu’il est dit qu’on y trouve tout !), poussé des portes de chambres consulaires, d’administrations ou d’associations et ont souvent été confrontés à la difficulté de communiquer sur le projet à ce stade de la réflexion.
Ils sont sept animateurs CIVAM, d’Auvergne, du Limousin, d’Aveyron, à leur proposer de les accompagner dans cette phase au cours de laquelle l’idée devient projet.
Deux temps différents sont prévus. Un temps de formation-regroupement organisé en sessions de trois jours, au cours des mois de février, mars, avril, mai, centrés sur la méthodologie de projet, le développement personnel et le diagnostic de territoire, prenant appui systématiquement sur les idées de chacun, aboutissant à une présentation du projet devant des élus, des financiers ou des agents de développement au mois de septembre. Vient ensuite une session “à la carte” que chacun se choisit en fonction de ses besoins. Dans ce temps d’accompagnement individuel chaque “stagiaire” a un référent pour le suivre tout au long de la construction de son projet, jusqu’au delà des sessions de formation. L’idée, soutenue par la DATAR dont l’objectif est de faire se rencontrer territoires d’accueil et porteurs de projets, est bien d’accompagner dans ce moment délicat où tout est imprécis, “ J’ai une idée, mais je ne sais pas…si…”.
C’est en définitive treize personnes qui se sont engagées. Chacune des sessions a eu lieu sur un territoire différent : La vallée de l’Ance en Haute Loire, le Ségala dans le Lot, la communauté de communes de Tulle, la communauté de commune du Plateau de Gentioux sur le plateau de Millevaches. Changer de territoire a imposé des contraintes fortes de déplacement et d’organisation, mais cela a évité de “prendre des habitudes”, a conduit à multiplier les rencontres, à écouter des discours, chaque fois différents, à “voir des territoires qui se mobilisent”, à prendre l’habitude de parler de son projet et de la formation-accompagnement. Espacer les sessions a “permis de se donner des étapes, du temps pour réfléchir sur son projet”, et aussi du temps pour adapter au mieux les contenus à l’évolution des projets. Les temps collectifs ont toujours été riches en échanges “on travaille sur les projets des autres, et on prend en même temps le recul pour soi”, “tout ce qu’on aborde pour l’un sert à tous”. L’éloignement du cadre quotidien “permet de ne penser qu’à son projet”.
L’accompagnement individuel, s’il n’a pas toujours été facile en raison des distances, a été l’occasion de retours sur les projets par un regard plus extérieur que celui auquel est souvent confronté le porteur d’idées. Pour les animateurs, tout ce temps a été riche en découverte de projets, d’évolution, de rencontre et d’échange avec l’autre, de connaissance des territoires dans leur diversité.
La formation se poursuit encore quelques temps, certains sont prêts pour la réalisation, d’autres construisent encore. Tous sont convaincus de l’importance de ce temps initial de réflexion, où chacun définit son projet et se nourrit de l’expérience des autres et des territoires. Tous sont convaincus qu’il faut aussi réfléchir l’installation dans toutes ses dimensions : “créer son activité, c’est également bouger dans sa vie. On a rencontré beaucoup de monde sur les territoires, et l’accueil quand on arrive est essentiel”.
Les CIVAM (Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural) sont des associations fédérées au niveau national et régional, issues du mouvement d’éducation populaire dans les années cinquante. Le réseau est fortement mobilisé autour de la volonté de promouvoir un réel développement durable, en insistant particulièrement sur la dimension sociale trop souvent occultée. Les projets soutenus sont très variés et liés aux territoires sur lesquels ils naissent, mais ils sont marqués par la volonté de recherche d’autonomie des acteurs dans la prise de décision, et la recherches d’alternatives à un modèle dominant aux effets souvent dévastateurs.
Marie-Laure Petit