L'histoire de la diamanterie de Felletin, c'est d'abord celle d'un homme qui prend le pari de revenir au pays valoriser un savoir faire rare : la taille du diamant. A l'origine de cette aventure, un parisien du nom de Blaise Vennat décide à la fin du XIXème siècle d'ouvrir un atelier de taille du diamant. Idée saugrenue ? Pas tant que ça si l'on considère que toutes les conditions étaient présentes : une main d'œuvre qualifiée dans un pays de tapissiers et de l'énergie toute trouvée grâce à la présence de la Creuse.
C'est dans ce contexte, en 1906, qu'une dizaine d'ouvriers décide d'opter pour le statut coopératif comme mode de fonctionnement de l'atelier. Cette création semble alors être la première de ce genre dans le département. En 1912, les coopérateurs décident de la construction d'un nouveau moulin, sur les rives de la Creuse pour abriter leur activité. Il s'agit du bâtiment qui subsiste toujours aujourd'hui. L'activité prospère rapidement puisqu'une soixantaine d'ouvriers diamantaires taillent du diamant à Felletin avant la guerre de 1914. Les pierres viennent d'Afrique du Sud ou du Congo et sont à destination de joailliers londoniens ou hollandais.
La seconde guerre mondiale va engendrer l'arrêt du travail pour de nombreux diamantaires dont la plupart seront obligés de se reconvertir. Ceux qui sont restés ont du chercher de nouveaux débouchés à leur activité. La Felletinoise se met alors à tailler du diamant de moindre qualité mais qui trouve cependant de nombreuses applications dans l'industrie.
En 1982, la coopérative diamantaire a cessé définitivement de fonctionner alors qu'il ne restait qu'un seul ouvrier en activité. En 2002, seulement deux diamantaires felletinois vivent encore : Pierre Barbier, héros du film d'Annie Miller, et Monsieur Nardonnet.
Aujourd'hui, le bâtiment encore en place nous rappelle l'activité florissante passée. La génératrice, les meules, le matériel de taille, les archives… tout est resté intact depuis deux décennies. Témoin d'un savoir faire original et reflet des mouvements coopératifs, La Felletinoise est en phase de réhabilitation. Un projet d'envergure est en cours de réflexion. Il devrait associer un volet touristique par la mise en place d'une partie muséographique portant sur l'histoire d'un savoir faire singulier et sur l'histoire des mouvements coopératifs. La seconde partie du projet reste quant à elle à définir. Lieu ressource, il aura en tout cas une véritable mission d'accueil à remplir : accueil de nouveaux actifs ou porteurs de projets, espace dédié à la présentation du territoire du Millevaches (patrimoine, artisanat…), les idées ne manquent pas pour faire revivre ce lieu chargé d'histoire.
Sandrine Allègre, office de tourisme de Felletin.
Le 8 novembre 2001, le public felletinois était nombreux pour assister à la projection du film d'Annie Miller, le métier de Pierre, en présence de la réalisatrice. Cette dernière aime et connaît bien la région, puisqu'elle y possède une maison où elle séjourne fréquemment.
Par ce documentaire de création sur le dernier diamantaire de la Felletinoise (cf. encadré), Annie Miller a magnifiquement mis en valeur et donné à découvrir un homme, Pierre Barbier, dont la vie est un itinéraire unique et original, mais aussi représentatif d'une époque et d'un milieu : la classe ouvrière du XXème siècle.
Annie Miller a voulu, au delà du personnage de Pierre Barbier, très attachant, pétri de qualités humaines et forçant le respect, rendre hommage à l'ensemble des ouvriers anonymes qui, comme Pierre, ont exercé avec un mélange d'humilité et de fierté, un métier industriel au milieu du siècle dernier.
Pierre Barbier a l'humilité de celui qui n'a pas fait fortune, n'a pas recherché la réussite financière et n'est pas, selon sa propre expression, un capitaliste. Mais la fierté transparaît lorsqu'il exprime qu'il a travaillé toute sa vie dans une coopérative ouvrière, associé à d'autres prolétaires.
De son père et son grand père diamantaire, il a reçu en héritage l'amour du travail bien fait, et à leur suite il a peaufiné un savoir faire dont il est légitimement fier. En effet, le travail du diamant nécessite un long apprentissage, l'ouvrier doit composer avec la dureté à nulle autre pareille et la résistance de la pierre. Pour accomplir sa tâche il doit faire preuve d'humilité face à la matière, la respecter et en approfondir patiemment, au fil des années, sa connaissance intime.
En écoutant Pierre Barbier, on se persuade que la noblesse du diamant, due à sa rareté et à ses qualités exceptionnelles, rejaillit sur ceux qui l'approchent.
Les Felletinois présents ont ressenti la charge d'humanité et d'émotion de ce film, qui magnifie la sage et profonde philosophie de la vie de Pierre Barbier par ses qualités esthétiques remarquables. Le film est un continuel va et vient entre les propos de Pierre, le bruit lancinant de l'eau qui coule (la Creuse, le Thaurion à la Rigole du diable…), l'omniprésence du granit (menhir des Bordes, dolmen, bâtiments remarquables, rochers de Clamouzat…) et le travail du diamant filmé à Amsterdam (en tous points similaire à celui qui était pratiqué à Felletin). La succession, à un rythme rapide et semblable tout au long de l'œuvre, de ces divers lieux unis par leur permanence, contribue à une perception plus sensible des propos de Pierre Barbier.
Ce film doit être présenté prochainement sur France 2. Surveillez vos programmes télé afin de ne pas le rater. Chacun espère à Felletin pouvoir le revoir dans le cadre des visites de la diamanterie organisées par l'office de tourisme.
Jean-François Pressicaud