Cette nouvelle citoyenneté semble bien s’enraciner dans une nouvelle forme de conscience qui relie plusieurs notions : le constat des limites de notre planète, l’interdépendance de la Nature et de l’Homme, et des êtres humains entre eux, leur responsabilité, l’importance des choix personnels, et leur pouvoir de levier dans une mise en perspective commune.
Peut-être peut-on lire aussi à travers l’évolution du rapport de l’individu à la politique et en particulier lors de la douloureuse expérience de la dernière élection présidentielle en France, une aspiration d’un nombre croissant de personnes à être associé d’une façon nouvelle à la marche de la société.
Certaines expériences de démocratie participative tentent d’incarner une part de ces aspirations. Il n’est pas sans importance de noter que les initiatives les plus audacieuses ont vu le jour dans certains pays du Sud (ex : Porto Alegre)… invitant peut-être les vieilles démocraties du Nord et de l’Ouest à redonner du contenu aux idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité.
Le développement de formes de démocratie participative porte de multiples enjeux. C’est d’abord un moyen particulièrement efficace pour soutenir une dynamique de projet adaptée à un territoire et lui offrir des voies de pérennisation. C’est aussi le moyen de permettre à chacun de s’approprier des objectifs communs et, ce faisant, de se mobiliser en acteur responsable, devenir relais, contribuer à l’animation locale, en un mot incarner une vraie proximité.
Du point de vue législatif, une ouverture importante dans ce sens s’est produite en France, quoique passée inaperçue dans l’opinion, avec la loi d’orientation et d’aménagement durable du territoire, dite “loi Voynet”. Il s’agit de la loi organisant la mise en place des “Pays” et des communautés d’agglomération. En effet cette loi prévoit la création d’un “Conseil de développement” composé de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs. Ce Conseil s’organise librement. Il est associé à l’élaboration de la charte de pays qui définit un projet de développement local sur dix ans. Il est également partie prenante du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre de la charte.
A notre échelle, c’est sur le territoire de Monts et Barrages, en Haute Vienne, que cette démarche est la plus avancée puisque le Conseil de développement du futur Pays vient d’être officiellement reconnu. En outre, les initiateurs et porteurs de cette démarche ont compris toute l’importance d’inscrire la construction de ce Pays en relation étroite avec la société civile puisque la candidature de Monts et Barrages a été retenue dans le cadre de l’expérimentation nationale : “Pour des Conseils de développement participatifs”.
De quoi s’agit-il ? L’idée de démocratie participative étant nouvelle dans le cadre de nos institutions, il n’existe en France ni références, ni habitudes de ce mode de fonctionnement. Il s’agit en fait d’une nouvelle culture politique à promouvoir. Pour les pionniers de la démarche, il faut donc “inventer le chemin en marchant”.
Cependant, l’organisation territoriale ne repose et ne reposera pas seulement sur les Pays. Quelle place l’engagement participatif peut-il trouver ou inventer dans d’autres dispositifs ? Dans le cadre d’une autre réalité territoriale qui nous touche de près, la naissance du Parc Naturel Régional de Millevaches n’est-elle pas aussi une formidable occasion d’innover pour une autre qualité du développement local ? L’invitation à se rencontrer et à dialoguer du président Audouin à l’égard du monde associatif du Plateau peut-il être compris en ce sens ?
N’y-a-t-il pas aussi, à l’échelon de la commune, beaucoup à mettre en œuvre pour simplement dynamiser la vie locale ? Les pistes ne manquent pas : référendum communal (prévu par la loi relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992, mais rarement utilisé), débat public, Assemblées communales, boîte à idées, instances de suivi et d’évaluation, etc...
Quel que soit le niveau : “pour réussir le développement local participatif, il faut réussir l’articulation entre élus locaux et société civile”.
Réussir cette articulation ne va pas toujours de soi. Il faut d’abord reconnaître les différents niveaux possibles de cette participation entre information, consultation, concertation et coopération. Il convient ensuite de clarifier, si possible avec les élus, le niveau où la société civile peut intervenir et favoriser les conditions de son implication.
Une complémentarité peut ainsi s’installer pour réfléchir et débattre, proposer et agir. Décider reste bien entendu de la responsabilité exclusive des élus. En ayant précisé le “qui fait quoi”, en amenant chacun sa pierre à la construction commune, de nouvelles relations de confiance se tissent et permettent de dépasser les blocages, les idées reçues et les vieux réflexes stériles : la crainte de la perte de pouvoir pour les uns ou la paranoïa de l’instrumentalisation pour les autres.
La rencontre harmonieuse et féconde entre élus et société civile dépend donc des efforts de chacun. En se saisissant avec responsabilité et partage des outils participatifs que nous saurons mettre en place, nous pourrons inventer tous ensemble un nouvel espace de vie, innovant et ouvert.
Jean-Luc Seignez