Les premier.es d’entre nous ont débarqué un peu par hasard à Royère-de-Vassivière, le dernier jour de neige de février 2020. D’autres ami.es, rencontré.es dans de précédentes aventures collectives, sont arrivé.es au fil des mois. Fatigué.es des tournures que prenaient nos vies, en ville ou dans des campagnes-dortoirs, nous avons été attiré.es par les échos nous parvenant de ce coin du Limousin. Leur voyage jusqu’à nos oreilles ne les avait pas déformées, et nous avons donc cherché un endroit où nous installer ensemble.
Pourtant située à trois jets de pierre de l’église de Royère-de-Vassivière, l’impasse de la rue du Lavoir n’est guère animée, sauf quand des voitures viennent y effectuer leur demi-tour. Lorsqu’on s’y promène, on remarque de loin une grande bâtisse un peu défraîchie : elle arbore encore son passé de bar sur le linteau de l’entrée. Comme d’autres bâtiments du centre-bourg aujourd’hui vacants, cette inscription gravée dans la pierre nous ramène à une époque où nous n’aurions pas eu assez de nos deux mains pour compter les bars du village. Au gré des rencontres et discussions avec les gens du bourg, l’histoire contrastée de ce bâtiment abandonné dans la rue du Lavoir se dévoile : salle de bal, hôtel, restaurant, bar, et finalement accueil d’enfants placés. Le départ précipité de la famille d’accueil ouvre une période de vacance d’une dizaine d’années, jusqu’à ce que nous entrions en juin dernier par la porte du garage, restée par chance entre-ouverte.
Nous avons en effet décidé de nous y installer sans demander d’autorisation préalable à la propriétaire actuelle. Cette appropriation du lieu – qui, tant qu’elle n’était pas faite, ne permettait pas de se présenter avant aux habitant.es – a dû sembler brutale et inappropriée à certain.es, comme nous avons pu le comprendre lors de plusieurs échanges. Nous espérons que nos recettes de gâteaux, et le temps qui passe, ont pu adoucir les plus réticent.es. Cette méthode d’installation est pour notre part un choix réfléchi, qui nous paraissait pertinent pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il est compliqué de trouver de grandes maisons à louer sur le plateau de Millevaches, et les propriétaires de maisons inhabitées n’ont souvent ni l’envie ni le besoin de faire les démarches pour mettre leur bien en location. Cela peut se comprendre vu le faible loyer qu’ils toucheraient, mais c’est au risque du vide et de la détérioration progressive des centres-bourgs ou des villages, comme le montre la brochure sur les biens vacants du syndicat de la Montagne limousine, ou comme nous pouvons le constater nous-mêmes. Il y a plusieurs dizaines d’années s’élevaient juste derrière chez nous deux belles maisons en pierre. Aujourd’hui les bouleaux poussent au travers, et quand il vente un peu fort, des pierres en tombent dans un bruit sourd...
Ensuite, nous avions déjà eu quelques expériences de ce type en ville, et nous avons eu envie d’essayer dans le centre-bourg d’un village pour côtoyer et parler avec des personnes qui ne sont pas forcément habituées à ces pratiques, pour essayer de changer l’idée que l’on s’en fait.
Durant ces premiers mois, nous avons principalement été occupé.es à vider, nettoyer et aménager les différents étages du bâtiment, afin de pouvoir passer l’hiver sereinement. Nous en profitons pour remercier ici les nombreuses personnes qui sont venues spontanément nous déposer du matériel, et celles qui nous rendent service au quotidien. En dehors de nos activités à l’hôtel du Lavoir, nous avons essayé de donner des coups de main le plus largement possible pour rencontrer les gens qui habitent autour de nous. Nous sommes très loin de connaître tout le monde, alors n’hésitez pas à nous contacter ou à passer nous dire bonjour !
Au fil de ces quelques mois, nous nous sommes attaché.es au bâtiment, aux villages alentours et à celles et ceux qui les peuplent. Notre collectif s’est formé en investissant l’ancien hôtel de la rue du Lavoir et son occupation nous a permis d’imaginer quels en pourraient être les futurs usages. Nous aimerions y rester pour construire un espace de logements et d’activités collectives sur le long terme, comme cela peut se voir ailleurs sur le plateau de Millevaches ou au-delà. Le bâtiment et ses différents espaces offrent en effet de belles possibilités. Les étages seraient des habitations. Nous aimerions venir en aide à des gens qui, comme nous, se confronteraient au manque de logement sur le territoire et auraient besoin d’un endroit où atterrir, sur le court ou moyen terme. L’architecture intérieure de cet ancien hôtel nous permettrait de garder des chambres au deuxième étage, ainsi que plusieurs dortoirs et des espaces de vie commune pour les résident.es au premier étage.
Le rez-de-chaussée serait ouvert au public. La plus grande salle servirait aux personnes ou associations souhaitant y organiser des activités récurrentes ou des événements (réunions publiques, projections de films, cantines, vide-greniers...). Les autres espaces pourraient accueillir différents services, le premier étant l’installation d’une laverie. Nous voudrions aussi proposer un point d’accès internet avec des ordinateurs en libre accès ainsi que des temps d’initiation et d’aide à l’usage des outils informatiques. Il reste de la place pour d’autres envies et besoins, à définir avec celles et ceux qui souhaitent s’y investir. Pour pouvoir construire cela, nous ambitionnons de pérenniser notre installation par un rachat du bâtiment via des structures déjà existantes, comme par exemple l’Arban. Cette possibilité est bien sûr soumise au bon vouloir de l’actuelle propriétaire du bâtiment. S’ouvrirait alors une période relativement conséquente de travaux avant d’aboutir à ce que nous venons de décrire, mais nous sommes prêt.es à nous retrousser les manches pendant plusieurs années !
Les habitant.es du lavoir