Le site antique de Chatain, découvert fortuitement en 1994 lors de travaux agricoles, a, dans un premier temps, été remis en avant dans le cadre d’un travail de master réalisé entre 2013 et 2015 sous la direction de Blaise Pichon (Université Clermont Auvergne). Il a ensuite bénéficié d’une campagne de sondages en 2016. Les résultats obtenus ont conduit à la mise en place d’une fouille programmée annuelle de 2017 à 2020.
Lors de sa découverte en 1994, les vestiges observés laissaient présager une bonne conservation des constructions. Des fragments de murs, de sols, ainsi que des éléments de décors avaient en effet pu être observés. Cette découverte, signalée au Service Régional de l’Archéologie de Limoges, avait ainsi été enregistrée et localisée dans la base de données nationales des sites archéologiques français. La tranchée ayant été réalisée lors de la visite des agents du SRA et les vestiges n’étant pas menacés par des constructions, l’ensemble avait été ré-enfoui afin d’assurer une protection maximale des vestiges.
La réalisation d’un master entre 2013 et 2015 sur les dynamiques de peuplement du plateau de Millevaches entre la protohistoire et le début du haut Moyen Âge a permis de remettre en avant les vestiges découverts à Chatain (voir IPNS n°52 : « Le plateau de Millevaches sous l’oeil de l’archéologue »).
Cet intérêt nouveau a conduit à la mise en place d’une première campagne de sondages sur le site en 2016. Deux sondages de 48 et 52 m² ont ainsi pu être réalisés sur une partie du tracé de la tranchée réalisée en 1994. Ces sondages ont livré plusieurs vestiges : sols en béton de tuileau, espaces chauffés, seuil dallé. Une prospection géophysique à l’aide d’un radar a également été menée. Cette méthode d’investigation consiste à arpenter la parcelle avec un radar qui envoie des ondes dans le sol ce qui permet, lorsque les ondes rencontrent des matériaux différents (tels des vestiges archéologiques) de revenir vers la surface légèrement modifiée. La cartographie de ces anomalies conduit à l’obtention d’un « plan » des vestiges détectés. Cette prospection réalisée à Chatain a mis en évidence la présence d’un ensemble bâti complexe s’étendant sur plusieurs dizaines de mètres carrés. L’ensemble de ces données, depuis la découverte de 1994 jusqu’à la réalisation des premiers sondages en 2016, a confirmé la présence d’une importante villa romaine.
À la suite de ces résultats prometteurs, une campagne de fouilles programmées a été mise en place à partir de 2017. Ainsi, chaque été durant un mois, une équipe, composée d’étudiants provenant de différentes universités de France et d’Europe, a petit à petit mis au jour les vestiges de l’espace thermal de la villa romaine de Chatain. Cette fouille s’est achevée à la fin de l’été 2020. Ces cinq années de fouilles ont dévoilé progressivement (100 m² d’ouverts en 2016, 356 m² en 2020) un établissement thermal accolé à un grand bâtiment rectangulaire dont la majeure partie correspond à une cour enclose et certainement partiellement couverte. Le mobilier recueilli, et plus particulièrement la céramique, a permis de dater l’occupation de ces vestiges entre le tout début du Ier siècle après J.-C. et la fin du IIIème siècle. Les fouilles ont également montré qu’au cours de l’occupation du site, les vestiges avaient subi des transformations. Les constructions ont en effet évolué entre le Ier et le IIIème siècle pour arriver à l’état dans lequel la fouille les a révélées.
La villa de Chatain semble organisée en plusieurs espaces et les fouilles menées entre 2016 et 2020 se sont concentrées sur l’espace thermal et le bâtiment-cour accolé. La zone d’habitation à proprement parler se situe probablement à l’est et au nord de l’espace fouillé.
Le complexe balnéaire de Chatain se compose actuellement de huit pièces. Ce dernier reprend les caractéristiques classiques des thermes romains. On retrouve notamment des vestiaires (apodyterium) (pièce 7) permettant d’accéder aux différents espaces du complexe et notamment à la salle tiède (tepidarium) (pièce 6). De cette dernière, on accède à une étuve (laconicum) (pièce 4) puis à la salle chaude (caldarium) avec son bain chaud semi-circulaire (solium) (pièce 3). Ce dernier disposait très certainement d’une voûte arborant des décors en stuc et des enduits peints ainsi que d’une ouverture vitrée comme l’indiquent les nombreux fragments de verre à vitre retrouvés. Il arborait aussi un dallage, soit en terre cuite, soit en pierre, comme l’attestent les négatifs encore visibles dans le mortier de tuileau. Le vestiaire permet également d’accéder à la salle froide avec sa piscine (frigidarium et piscina) (pièce 5). Cette petite pièce rectangulaire dispose d’un petit espace dallé pour circuler et d’un bassin carré (1,80 m de côté pour 1 m de profondeur) accessible par trois marches. Les trois pièces chaudes (le tepidarium, le laconicum et le caldarium) sont chauffés par des hypocaustes. Un hypocauste est une construction sur « pilettes » espacées les unes des autres permettant de surélever le sol des pièces et d’assurer ainsi la circulation de l’air chaud en dessous pour chauffer celles-ci. Chaque pièce dispose de son propre praefurnium (salle de chauffe où l’on entretient le foyer) (Pièces 1 et 2 et ST 1.19). Le bâtiment thermal est accolé à l’est à un second grand bâtiment présentant un plan rectangulaire. Celui-ci correspond à un espace de cour sans doute partiellement couverte par une toiture en tuiles, celle-ci disposait d’une entrée monumentalisée présentant un important dallage en blocs de granite. La relation entre l’espace thermal et la cour reste floue car, dans ce secteur de la fouille, les vestiges étaient particulièrement arasés.
Ces cinq années de fouilles ont donc permis de mettre au jour un beau complexe thermal et une grande cour pouvant correspondre à l’entrée de la villa. Ces vestiges ne sont cependant qu’une partie du domaine. En effet, les bâtiments d’habitation, de vie, semblent, d’après la prospection géophysique de 2016, être plus au nord. Il n’était pas rare que les thermes, au sein des villa, se retrouvent isolés des autres bâtiment afin de limiter les risques de propagation en cas d’incendie. Par ailleurs, l’emplacement des bâtiments dédiés à la production agricole, source de revenu du propriétaire, reste indéterminé tout comme les productions en elles-mêmes.
À la fin de la campagne 2020, les vestiges ont été protégés puis ré-enfouis afin de garantir leur conservation. Une nouvelle prospection géophysique sera réalisée pour affiner nos connaissances sur l’organisation spatiale de la villa et son environnement.
Gentiane Davigo