Pour ne plus dormir à la rue

Dans le département de la Creuse, sous l’autorité du préfet, le SIAO 115 (Service intégré d’accueil et d’orientation) est en charge de plusieurs dispositifs d’urgence, particulièrement le dispositif d’hébergement d’urgence dans les abris de nuit et le dispositif d’hébergement d’insertion, dit ALT (Allocation logement temporaire). L’association LAUSEC (Local accueil urgence sud-est creusois) basée à Felletin participe à ces deux dispositifs depuis une dizaine d’années. Son président, Jean-Luc Caillau nous présente la situation de l'hébergement d'urgence en Creuse et les réponses apportées dans le sud-est creusois.

La forme associative de LAUSEC la différencie des autres hébergements d’urgence situés à Guéret, la Souterraine ou Boussac qui, eux, sont gérés par l’État ou par des CCAS communaux. Les abris de nuit d’Auzance ou Bourganeuf ayant souffert de dégradations, ils ne sont actuellement pas utilisables. Au total, à ce jour, il ne reste plus que 12 abris de nuit (au lieu de 19 il y a 3 ans) pour un total de 2 900 nuitées en 2022. Pendant la période Covid, les accueils ont beaucoup chuté mais, au nom du « quoi qu’il en coûte », pas moins de 230 000 € en frais d’hôtellerie ont été dépensés par l’État.

Des besoins en hausse

Au début des années 2010, une dizaine de bénévoles de Felletin et des environs, s’est investie dans la réhabilitation d’un bien diocésain menaçant ruine. Au terme d’environ quatre ans de recherche de subventions et de travaux, deux studios d’une vingtaine de m² ont été réhabilités et ouverts :

• un studio est consacré à l’« abri de nuit » pour les personnes en détresse, SDF ou en rupture familiale et sociale. Il est gratuit mais n’autorise que quelques nuits d’affilée. Par contre, il est possible d’y postuler à nouveau, après un délai de carence d’un mois.
• un studio ALT, est consacré à l’hébergement temporaire (jusqu’à 6 mois). Point de départ d’un processus d’insertion par le logement, il est attribué aux personnes volontaires pour signer un contrat avec l’association et acceptant de participer à hauteur de 18 % de leurs ressources pour couvrir l’hébergement et les charges. Soit à ce jour, environ
  110 € pour un RSA.

La demande est, là aussi, bien supérieure à l’offre disponible. Elle a décuplé en 3 ans. Cette situation interroge une nouvelle fois sur la disponibilité et la réquisition des biens vacants. Interrogation aussi au niveau des critères drastiques imposés par Creusalis, le bailleur social départemental. Faute de trouver à se loger, les personnes en demande de logement doivent se rabattre sur le locatif privé, souvent moins cher car mal classé du point de vue énergétique. De même, elles tendent à occuper plus longtemps les abris de nuit : 15 jours/an à Guéret, 7 à Felletin en moyenne, soit une durée double de ce que prévoyait le règlement initial de LAUSEC. De plus, depuis 2014, année de démarrage de LAUSEC, la loi ALUR (loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) « nécessite de maintenir les personnes dans les hébergements d’urgence jusqu’à l’obtention d’une solution pérenne » ...

Goulots d'étranglement

Pour les deux types d’hébergement, l’attribution se fait exclusivement par l’intermédiaire du réseau départemental 115 : soit par demande par téléphone auprès des permanents du 115 de Guéret pour les abris de nuit, soit après approbation du dossier de demande ALT par la commission SIAO. Cette commission comprend également certains CCAS, des représentants des services sociaux et d'associations comme LAUSEC ou L’Escale (caution financière). Depuis septembre 2022, Creusalis est également représenté en tant que bailleur social avec un parc locatif d’environ 5 000 logements, volume important rapporté à la population du département.
On pourrait dire que, en théorie, le schéma « Abri de nuit » / logement temporaire « ALT » et parc locatif public pourrait fonctionner. Dans la pratique, c’est moins évident car il y a des goulots d’étranglement à commencer par la réduction continue du nombre d’abris de nuit et de logements ALT. De plus, les exigences du bailleur social ne sont pas forcément à la portée économique du public recourant à l’hébergement d’urgence. Récemment, un nouveau bénévole de LAUSEC, passé par nos abris de nuit et ALT, s’est vu refusé un logement Creusalis, faute de pouvoir présenter un avis de non-imposition. Pour son malheur, il avait travaillé au Maroc, sans déclaration ni bulletin de salaire… Un autre hébergé, passé lui aussi par ces dispositifs, a eu plus de réussite en emménageant aux HLM Creusalis à Bourganeuf. Mais il lui a fallu beaucoup de patience et de contacts pour arriver à cette fin.
D’autres initiatives de caractère associatif comme la réhabilitation « Detzenou» de Felletin devraient améliorer l’offre disponible sur ce secteur du Plateau en proposant 5 nouveaux logements disponibles fin 2023/début 2024. Recourant à l’auto-financement, cette association souhaite pouvoir orienter son offre vers des personnes en difficultés avec les démarches administratives.

Indispensables bénévoles

Nous sommes actuellement une petite quinzaine de bénévoles à LAUSEC, ce qui nous permet d’agir en binômes avec un planning d’accueil s’étalant sur 5 semaines. À tour de rôle, chaque binôme assure le lien téléphonique avec les travailleurs sociaux du 115 de Guéret puis accueille les personnes à leur arrivée au local et leur donne les règles de fonctionnement du lieu. Si besoin, une aide alimentaire peut être allouée sous forme de conserves, plats préparés et bon d’achat pour du pain. Au départ des personnes, le binôme s’assure que le local n’a pas été endommagé et qu’il est rendu propre pour faciliter le ménage et l'accueil qui va suivre.
Comme de nombreuses associations, LAUSEC a compté moins de bénévoles après la période Covid. Son assemblée générale de mars dernier a entériné un renouvellement et rajeunissement de l’équipe, en maintenant l’équilibre entre bénévoles salariés et retraités, ces derniers étant plus disponibles pour l’accueil en cours de journée. L’amélioration de la desserte de Felletin par car ou train facilite les déplacements des personnes, grâce aussi au tarif des billets de car à 40 centimes pour les ayants droits.

Perspectives

Pour mieux se faire connaître et améliorer son recrutement, LAUSEC a chargé une de ses bénévoles d’une mission de communication. Elle devrait produire un dépliant nous identifiant auprès des habitants et des élus en montrant nos activités. Le budget de l’association est principalement alimenté par les revenus du logement ALT et, pour environ 65 %, par des subventions publiques, dont il faut justifier l’utilisation et demander le renouvellement chaque année. Le gros des dépenses de fonctionnement concerne les achats alimentaires et les charges (électricité notamment). Pour ce poste, une première évaluation montre, à surfaces égales, des consommations au moins doubles de la normale. Il y a 10 – 12 ans, les normes d’isolation étaient moins strictes qu’aujourd’hui. Ainsi l’installation de fenêtres double vitrage a méconnu l’absence d’isolation du vide sanitaire. Selon le cabinet d’études thermiques consulté, une économie supérieure à 1000 €/an serait accessible. De plus, le réglage des radiateurs électriques laissé au bon-vouloir des occupants est peut-être à l’origine de surconsommations. Un contrôle à distance des thermostats pourrait-il les réduire ?
Avec une demande d’aide alimentaire en forte augmentation qu’il faut acquérir auprès du commerce local et les effets inattendus d’une très forte inflation en 2022-23, ces dépenses pèsent aussi dans le budget. Pour l’alléger et favoriser l’accès aux personnes démunies de cette partie du Plateau, LAUSEC s’est rapprochée de la Banque alimentaire de la Creuse. Celle-ci a démarré ce printemps des tournées de distribution d’aide alimentaire avec son camion réfrigéré ALISOL, qui devrait passer et stationner à Felletin deux fois par mois. Avec le soutien de la Banque alimentaire, des services sociaux du territoire et du CCAS de Felletin, LAUSEC va déposer un dossier d’habilitation pour distribution d’aide alimentaire auprès des personnes démunies.