Dans notre pays, les loups ont disparu durant des décennies, exterminés par des hommes à qui l'on offrait des sommes conséquentes pour les éliminer. Dans le même temps, ours et lynx subissaient le même sort. Peu à peu, nos forêts se vidaient des grands animaux qui les peuplaient autrefois. L'histoire de nos forêts françaises mérite un grand détour, à l'heure où dans notre région notamment, des entreprises sans scrupules sont prêtes à détruire nos forêts pour faire tourner la machine économique capitaliste écocidaire que nous sommes nombreux à refuser. Tandis que des lobbys puissants manifestent bruyamment leur droit à tuer au nom de traditions moyenâgeuses.Un des seuls grands moments naturalistes que les forêts françaises nous offrent encore aujourd'hui est sans nul doute le brâme du cerf en automne. Venues du fond des âges, les voix graves de ces grands animaux résonnent alors, déchirant le silence des nuits embrumées. C’est le temps de la reproduction qui revient, immuable. D'autres espèces de mammifères, de plus petites tailles, fréquentent aussi ces forêts, le plus souvent au crépuscule et à la nuit tombée, à l'écart des hommes qu'ils ont appris à éviter : renards, blaireaux, écureuils, martres, chats forestiers, chevreuils... Et aussi des oiseaux comme les geais, les pics ou certaines chouettes...
Lorsque l'on a la chance de voyager et de se rendre dans d'autres forêts en Europe, mais aussi en Afrique ou en Amérique, on ressent puissamment le vide qui hante nos forêts en France ; elles sont vides de grands animaux et le constat est sans appel. Il y a quelques années, dans une forêt équatoriale au Cameroun peuplée par des éléphants, des gorilles, d'innombrables oiseaux et des insectes à foison, une troupe de chimpanzés s'est mise à hurler non loin de nous, et, sans même les apercevoir, la forêt est devenue soudain grandiose, les singes en étaient les rois. En Amérique du Sud et Centrale, jaguars et pumas peuplent des forêts habitées par une faune incroyablement riche et surtout diversifiée (on y trouve par exemple des anacondas, des serpents qui peuvent atteindre une dizaine de mètres). C'est en marchant sur un layon au milieu des arbres qu'un jour, un puma est arrivé face à nous, à une dizaine de mètres. Haut sur pattes, regard pénétrant, l'animal a stoppé son pas, nous aussi, et nonchalamment, celui-ci a fait demi-tour avec une élégance propre à tous les félins. En quelques secondes, il disparaissait...Dans ces forêts, les arbres sont parfois gigantesques, en hauteur et en diamètre, la végétation est luxuriante, et la vie est partout, dans les cieux, sur les feuilles, sur l'écorce des arbres, sur la terre, sous la terre, de nuit comme de jour. C'est alors qu'en tant qu'être humain, l'on se sent soudain tout petit et si vulnérable.Pour revenir en Europe, nous avons parcouru des sentiers forestiers en Finlande et en Espagne où les ours et les loups étaient omniprésents... Nous étions parmi eux sans jamais les apercevoir. Dans les Abruzzes, en Italie, nous avons randonné dans des hêtraies impressionnantes, au milieu d'arbres centenaires. Quand la chaleur du mois de juillet se faisait intense, la forêt devenait le refuge idéal où la fraîcheur y était des plus précieuses.
Nos forêts françaises aussi ont été riches en faune durant les siècles passés ; sans revenir trop loin dans des temps immémoriaux, le pays a connu de belles populations d'aurochs, de bisons, d'élans, et aussi des ours, des loups, des lynx, des chevreuils, des cerfs et des sangliers qui peuplaient densément ces habitats. Tous ces animaux ont été éliminés par les humains durant des décennies, parfois avec acharnement. Quelles en sont les causes ? Elles sont multiples, mais le déboisement massif pour faire la place aux animaux domestiques exploités pour notre subsistance en est l'une des principales. Déjà, on sacrifiait les forêts et tout le cortège de leurs habitants sauvages pour le seul « bien-être » de notre espèce...Dans les années 1970, dans notre pays, on a soudain voulu reconstituer les populations d'ongulés... pour pouvoir mieux les chasser. Les chasseurs ont lâché cerfs, sangliers et quelques chevreuils pour repeupler les forêts après les avoir vidées et déboisées... La voilà la part des chasseurs dans leur rôle de protecteurs de la biodiversité ! Sangliers et chevreuils sont aujourd'hui largement répandus sur tout le territoire, aidés pour les uns par du nourrissage, et les cerfs sont revenus dans une bonne moitié de nos forêts.
Mais qu'en est-il des grands prédateurs, eux qui avaient totalement disparus ?Aujourd'hui, une poignée d'ours issus de lâchers vivent dans les Pyrénées. Quelques lynx subsistent dans le Jura où ils sont arrivés à la suite de lâchers dans le pays voisin, la Suisse. Quant aux loups, ils sont revenus naturellement par les Alpes italiennes quand le milieu leur a été favorable. Quelques décennies après les lâchers d'herbivores et la reforestation, c'était au tour des loups de reconquérir leur territoire d'antan. C'est chose faite aujourd'hui dans les Alpes françaises.Mais nos grands prédateurs sont bien mis à mal dans notre pays. La population d'ours dans les Pyrénées augmente chaque année mais le problème de la consanguinité se pose. Les lynx sont confrontés au braconnage et aux collisions routières, et si la population évolue, elle le fait très lentement. Et les loups se dispersent, comme depuis la nuit des temps. La population augmente, petit à petit, et ce, malgré toutes les tentatives, notamment politiques, d'empêcher leur expansion. S'il y a une bonne nouvelle à mentionner, citons le retour discret dans notre pays d'un autre canidé, le Chacal doré.Nos forêts comme nos zones humides sont des milieux précieux en ce qu'ils sont les plus riches en biodiversité, tout comme nos océans. Il nous semble plus qu'urgent de tout faire pour les préserver. C'est pourquoi nous espérons que le prochain loup qui choisira de s'installer dans notre région sera face à des éleveurs qui auront accepté l'idée de cohabiter et qui protègeront leurs troupeaux. Les solutions existent, les aides aussi, c'est un vœu qui nous est cher.Et il faut donc nous battre de toutes nos forces contre les projets Farges à Egletons et Biosyl à Guéret qui veulent s'en prendre à nos forêts limousines pour des raisons uniquement économiques.Le projet Biosyl a lui tout seul est une aberration écologique. L'usine est prévue sur un site qui se révèle être une zone humide : des espèces remarquables et protégées y ont été découvertes, ainsi qu'une végétation très riche. Et le projet est de couper à 130 kms à la ronde de Guéret tous les arbres issus de nos bois et forêts, résineux comme feuillus, pour fabriquer des granulés ! Biosyl détruirait une zone humide pour son installation et nos forêts de feuillus pour son fonctionnement, pour proposer des granulés de feuillus bien moins efficaces !
Rendez-vous le 30 juin prochain à Guéret pour une grande marche pour des forêts vivantes.Soyons le plus nombreux possible !
Les forêts limousines peuvent aussi redevenir le royaume des loups, c'est pourquoi nous devons tout faire pour les sauvegarder.