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Lorsque l'auberge de Saint-Martin-Château était reprise... en 1974

Date
samedi 1 mars 2025 14:09
Numéro de journal
90
Auteur(s)
Michel Bernard
Visite(s)
46 visite(s)

Nicole et Michel Bernard, venus de Lorraine, s'installent en 1974 à Saint-Martin-Château pour y reprendre l'auberge de la commune fermée depuis dix ans. Leur installation s'inscrit dans une dynamique locale encouragée par le créateur du village vacances de Pierrefitte, Pierre Belleville. C'est la grande époque de la « deuxième gauche » et du PSU de Michel Rocard, de l'utopie d'un tourisme à destination de toutes les catégories sociales en lien avec le pays. Michel Bernard nous raconte cette reprise pionnière.

 

auberge

 

« Pourquoi n’iriez-vous pas dans le Limousin ? » nous dit un jour Pierre Belleville... Membre actif du PSU (Parti socialiste unifié), Pierre Belleville est plus un intellectuel lié au courant politique de la « deuxième gauche » qu'un homme politique à proprement parler. En 1961, il publie un ouvrage intitulé Vérité sur la viande qui développe une vision anti-centralisatrice de l'agriculture. Mais, c'est surtout Une Nouvelle Classe ouvrière, publié trois ans plus tard dans la collection « Les Temps modernes » dirigée par Jean-Paul Sartre et Francis Jeanson, qui marquera les esprits. En 1968, il publie Laminage continu, consacré à la sidérurgie, notamment en Lorraine. Il participe aux discussions entre le CCO (Centre de culture ouvrière) et le Mouvement de libération ouvrière qui aboutissent en 1972 à la création effective de Culture et Liberté, dont il devient le président national, mandat qu'il exercera jusqu'en 1979. Dans les années 1970, Il fonde une structure de tourisme « Vacances nouvelles » sous le couvert de la structure de tourisme associatif de Lorraine « Lorraine Vacances ». Cette structure lance, avec le financement du Symiva (Syndicat mixte de Vassivière) un ensemble touristique de 600 lits : le village vacances de Pierrefitte. En lien étroit avec les « patrons » du lac de Vassivière, Pierre Ferrand (maire PS de Royère-de-Vassivière) et André Leycure (maire PC de Nedde), Pierre Belleville participe à la mise en place du tourisme social à Vassivière. En même temps, a lieu la construction du village vacances de Masgrangeas géré par le Touring Club de France.

 

Contre un tourisme-verrue

C’est dans ce cadre qu’il nous incite à aller dans le Limousin. Résidant à Nancy et ayant un parcours professionnel post-1968 chaotique (syndicalisme, procès aux prud’hommes, etc.), nous nous posions souvent la question de rester dans le monde urbain et de continuer à en subir les méfaits. Avec ma formation aux Beaux-Arts et le métier d’animatrice socio-culturelle de Nicole, nous avions peu d’atouts pour vivre dans le monde rural. N’ayant aucune formation artisanale ou agricole, nous avons recherché un endroit où nous pourrions monter un lieu d’accueil type bar-restaurant, puisque c’est une des rares professions que l’on peut exercer légalement sans aucune formation. Entre l’hôtel Bouteille à Faux-la-Montagne et l’ancien hôtel-restaurant de Saint Martin-Château, nous avons sillonné le secteur en finissant par nous fixer sur Saint Martin. Avec l’aide financière du Symiva, la commune rénove en partie le bâtiment de l'ancien hôtel-restaurant de neuf chambres fermé depuis 1965. À nous de finir les peintures, revêtements de sol et le reste…
L’idée de Pierre Belleville était qu’une structure de tourisme ne doit pas être une « verrue » dans le paysage, mais un centre d’animation locale en lien avec les activités du territoire. Il souhaitait intégrer le centre de vacances de Pierrefitte qu'il dirigeait dans un réseau local dense. Il imaginait même que les gens en pension complète dans le centre puissent utiliser les services d’un restaurateur partenaire dans le cadre de sa prestation. Pourquoi pas ?

 

auberge 77

(1977) Messieurs Debord,Chenaud,Bertrand, Barlet, Beaugiraud et Bessette,
le traditionnel apéro à l’auberge après la tenue du conseil municipal

 

auberge 1977

(1976) Pascal Thué, Yvon Allys, Lucette Lagoeyte, Nadine Thué, Jacques Aucomte, Martine d’Astier, Henri et Gabrielle Cros, etc.
Soirée débat un peu enfumée.

 

affiche st martin 76Confrontation avec les politiques

Parallèlement à la réfection du restaurant, il nous fallait bien vivre. Nous avons effectué des petits boulots locaux : Nicole a fait le recensement à Peyrat-le-Château et moi à Saint-Martin-Château, une bonne façon de connaître le pays, mais aussi la coupe des sapins de Noël, les patates chez Henri et Gabrielle Cros à Beaumont-du-Lac, ou encore l’assistance aux géologues pour le relevé du tunnel d’alimentation de Lavaud-Gelade à Vassivière (4,5 km) et le dynamitage pour déterminer la nature du sol. Nous avons également tenu la buvette installée à Pierrefitte durant l’exposition sur Vassivière présentée en 1974 à la fin des travaux de construction du village vacances. Pierre Ferrand et André Leycure y organisaient aussi des débats ouverts au public sur le développement de la station touristique de Vassivière. Ce furent nos premières confrontations avec ces personnages politiques, notamment avec Pierre Ferrand. Nous avions dès le début constaté qu’il y avait un dysfonctionnement flagrant entre le discours prônant le développement du territoire par le Symiva et le délaissement complet de la population sur l’accès aux services publics ou aux déplacements sur le territoire. De magnifiques domaines inhabités tombaient en ruine, comme le château de la Feuillade à Faux-la-Montagne ou celui d’Hivernaud à Beaumont-du-Lac, alors que des sommes colossales étaient investies au bord du lac pour le tourisme.
Notre intervention en débat public n’a évidemment pas plu à Ferrand... Nous nous sommes aperçus par la suite que le refus de nous attribuer la vente de tabac au comptoir venait d’une intervention « amicale » de sa part. En face du restaurant il existait un bar tabac rudimentaire qui fut également autrefois un hôtel-restaurant, chez Mme Bournazel. Sa fermeture coïncidait avec l’ouverture de notre restaurant.

 

Débrouille et solidarité

Nous avons alors fait le choix de ne travailler qu’avec les locaux, nous coupant ainsi de Vassivière. Pour démarrer l’auberge (nous avions retrouvé une plaque de tôle dans le terrain qui allait parfaitement dans la structure d’enseigne de la façade, que nous avons repeinte en baptisant le lieu Auberge de la cascade), il nous fallait du matériel pour la restauration, le bar, les chambres et le tout sans trop de sous !
Les copains prêtres ouvriers de Peyrat-le-Château (Pierre de Messemacker et André Mas-de-Feix) nous ont aider à récupérer des tables, des chaises, des bancs ainsi qu’une ancienne chambre froide provenant de l’abbaye de Solignac. Du mobilier de récupération de-ci de-là, des anciens lits de chez Juillet qui faisait brocante à Royère (devenue aujourd’hui l’Atelier). Un vieux bahut en guise de comptoir, une cuisinière à bois dans la cuisine avec une gazinière, une ancienne pierre tombale pour faire la base du foyer de la cheminée et nous avons commencé notre activité.
Il se posait également le problème de notre statut en tant que gestionnaire de cette auberge communale. Nous avons d’abord pensé fonctionner comme une ferme-auberge et parallèlement à la création d’un jardin et d’un poulailler nous nous sommes lancés dans un élevage de lapins avec 30 mères lapines. Mais l’expérience ne fut pas concluante. Pour équilibrer une gestion de ce type il faut faire peu de cas de nos reproductrices. Nous avons donc adopté le simple statut de commerçant. Second problème, un peu plus compliqué à l’époque, la licence IV était propriété de la commune, ce qui n’existait pas dans les textes... Il fallut toute la sagacité du receveur des impôts de Royère-de-Vassivière pour pouvoir débloquer cette situation et utiliser cette licence.
Étant restés néanmoins en contact avec Pierrefitte, nous communiquions avec son premier directeur, Jean-Pierre Delannoy, originaire du Nord. Ce dernier a fait venir sur le coin un couple, Christian et Chantale De Plasse, que nous avons hébergés à l’auberge. Tout en travaillant avec nous, ils prospectaient le territoire. Nous avons également accueilli Philippe et Thérèse Betton. Ces deux couples se sont ensuite installés dans l’ancienne école du Massoubrot (Saint Martin-Château) et ont monté des exploitations agricoles qu'ils ont fait vivre jusqu'à leurs retraites.

 

michelnicole

 

L'ère du papier-crayon et de la faux

Il y a 50 ans, l’ordinateur n’existait pas ; pas de mail, de Google, de GPS, ni de smartphone collé à l’oreille... C’était encore l’ère du papier-crayon ! Et pourtant les réseaux communiquaient bien (il est vrai aussi que nous nous déplacions beaucoup). Entre La Lézioux à Gentioux, chez Jacques Faure, correspondant Lemaire-Boucher (pain et farine bio), les Peyrissaguet à Mercier-Ferrier, à Faux-la-Montagne, les fêtes chez les uns et les autres, les rencontres étaient toujours l’occasion de faire quelque chose de nouveau.
Avec quelques-uns nous avons organisé une rencontre nationale Nature et Progrès à l'auberge. Le temps passait entre les soirées (un peu enfumées) de discussions où nous refaisions le monde, les chanteurs qui venaient faire leur tour de chant en faisant passer le chapeau, les séances de cinéma épiques qui nécessitaient de trouver un projecteur qui fonctionne, de récupérer les films et de les projeter sur un drap tendu dans la salle du bistro, sans manquer les inévitables coupures de bobines qu'il fallait arrêter, recoller avant de relancer la projection…
C'était l’époque de l’apartheid en Afrique du Sud (nous affichions et faisions campagne pour le boycott de l’orange Outspan) et des premières manifestations contre l’enrésinement (maintenant, c’est les coupes rases) comme celle des Bordes en 1977. Avec les « nouveaux » installés à Saint Martin, nous avons relancé la fête du village cette même année. Jean-Claude Forest, dessinateur de BD, père de Barbarella, qui avait une maison sur la place, nous a fait l’affiche.

 

reunion salle

Réunion dans la salle communale

 

affiche st martin 76Dans ces années-là, l’épareuse n’existait pas, cet outil « moderne » qui massacre les bords de route. Le cantonnier de l’époque, Pierre Prévost, coupait les bords de route à la faux : 54 km de bordures ! Quand il avait fini, il pouvait recommencer. Difficile aussi pour lui, comme pour les autres, d’admettre le jour de fermeture hebdomadaire de l'auberge : « Pas moyen de prendre son canon de rouge ! » Dans les bistros ou restaurants du pays, il y avait en général deux générations, parents et grands-parents qui cohabitaient, donc pratiquement jamais de fermeture.
Nous ne faisions pas l’unanimité au sein du conseil municipal, cela va sans dire !
Ces « jeunes de la ville » qui ne parlent même pas comme nous ! En effet, l’usage de l’occitan était fréquent et lorsque les conseillers venaient « arroser » l’après-conseil à l’auberge, il fallait que je leur demande gentiment de traduire pour que je puisse comprendre leurs propos. Nous n’étions pas non plus une réussite sociale au sens où les habitants locaux l’entendaient : pas de file de voitures devant l’auberge attendant une place pour déjeuner.
Je passais pas mal de temps à rafistoler nos vieilles voitures, 2 CV, Simca Aronde, etc. Et c’était quand j’avais les mains dans le cambouis qu’un client venait boire un canon ! Habitant toujours dans les chambres de l’hôtel, de guerre lasse face au mutisme du conseil, nous nous sommes décidés à squatter une partie annexe du bâtiment. Évidemment, ça n’a pas manqué, le maire est passé, il n’a pas pu rentrer dans les locaux... puis gendarmerie, constat d’huissier, procès (notre avocate, Josette Réjou, rencontrée au PSU de Limoges, a pris en charge notre dossier et nous n’avons jamais plus entendu parler de l’auberge…).

 

Face à cette attitude nous avons pensé que nous n’avions plus rien à construire ici. Fin 1979, avec l’appui de Jean-Pierre Delannoy qui avait aussi quitté Pierrefitte et était devenu permanent de Loisirs Vacances Tourisme à Metz, en Moselle, nous sommes partis dans les Vosges pour prendre la direction d’une maison familiale de vacances. Ce fut le départ d’une nouvelle aventure. Mais à l'heure de la retraite nos pas nous ont ramenés à Saint-Martin-Château !

 

Michel Bernard
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IPNS - 23340 Faux-la-Montagne - ISSN 2110-5758 - contact@journal-ipns.org
Journal d'information et de débat du plateau de Millevaches - Publication papier trimestrielle.

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