Venue d’Espagne en 2018, où elle vivait depuis 12 ans avec sa mère, elle avait pour but de faire un stage d’un mois à Télé Millevaches en vue de réaliser un documentaire qui devait finaliser ses études d’anthropologie à l’Université de Barcelone. « En fait, explique la jeune femme, j’ai postulé pour entrer dans une école qui ne m’a pas prise, et je suis restée un deuxième mois, puis un troisième, pour finalement ne pas repartir. Et je suis toujours là… »
Après un service civique à Radio Vassivière, elle supplée l’absence de Léo, accidenté à cette période, et commence à faire des remplacements. « C’est ainsi qu’on a commencé à travailler ensemble, cela fait maintenant quatre ans. » Le GAEC fonctionne avec un élevage de 200 brebis pures limousines « qu’il faudra maintenant augmenter », et 6 vaches reproductrices allaitantes de race Highlands cattle, avec de la vente directe en viande bio. « Quant à moi, explique Montaine, j’ai rajouté un atelier d’élevage équin de race Auvergne, que j’adore, et dont il ne reste qu’un millier de spécimens environ. Ce sont des petits chevaux de territoire, très polyvalents et très rustiques, qui complètent bien avec les brebis et les vaches. Ils sont aussi bons en traction débardage qu’en monte, randonnée ou basse-école. En outre, leur poids, entre 400 et 700/800 kg, leur permet d’être à l’aise dans les tourbières. »Une passion qui remonte à sa tendre enfance et pour laquelle elle s’est formée progressivement, depuis l’équitation de spectacle jusqu’à l’apprentissage de la traction animale en passant par le débourrage. « C’est vraiment venu avec les années… Mon but aujourd’hui, est de faire naître des chevaux ici, et de les céder dressés à des exploitants ou des particuliers. Je ne veux pas élever que des poulains à vendre, je veux qu’ils correspondent à l’acheteur et réciproquement, en fonction de leurs aptitudes physiques et comportementales. Mon effectif restera raisonnable, ce qui me permettra d’être aussi présente pour les brebis et les vaches. »De fait, sur le plan du travail en commun, « les trois associés interviennent ensemble sur les trois ateliers en ce qui concerne les soins aux animaux, les clôtures, le tri, les déplacements. Autrement, chacun est référent dans son domaine. Je suis toutefois la seule à débourrer… pour le moment. »La mise en place d’un système pastoralD’une superficie actuelle d’environ 120 à 130 ha, aux terrains parfois éloignés d’une vingtaine de kilomètres nécessitant beaucoup de déplacements, le GAEC souhaite continuer à s’agrandir. « Partis de zéro, on est devenus les rois de la tourbière, plaisante Montaine. On récupère les friches et les coupes rases dont personne ne veut ! On dispose quand même d’une trentaine d’hectares en prairie, ce qui nous permet de faire nos foins, et on n’a pas besoin d’acheter à l’extérieur. En fait, j’adore notre système, et il est très intéressant d’un point de vue écologique. On va faire du pâturage mixte et tournant. Les moutons en premier, puis les vaches et les chevaux, qui vont finir par gratter le terrain, selon un rythme d’une dizaine de jours pour chaque passage, sauf en hiver, ce qui permet d’utiliser toutes les ressources de chaque parcelle. À la mauvaise saison, les brebis sont en bergerie et les chevaux sur les ligneux où ils se nourrissent d’ajoncs, de genêts et de foin à volonté. Ensuite, les brebis, hormis les plus vieilles, partent avec leurs agnelles durant quatre mois sur des terres mises à la disposition d’un groupement pastoral issu de plusieurs fermes, dans les tourbières du Longeyroux et les sources de la Vienne. Elles y sont gardées par un berger avec deux patous. Et en ce qui concerne les brebis qui restent au Goutailloux, elles sont sous la surveillance d’un patou et… d’un âne. »
« Si c’était à refaire, je referais, carrément le même choix ! Je suis satisfaite d’avoir pu suivre des études supérieures durant lesquelles j’ai été une bonne élève, mais d’emblée, je me suis rendu compte que je ne serais pas Docteur en anthropologie. Je voyais les postulants s’encroûter en fac… J’ai grandi à la campagne, et j’ai vite compris qu’il ne me serait pas possible de vivre en ville. »Un constat qui a poussé Montaine à partir travailler dans plusieurs exploitations agricoles : « Je cherchais du terrain, je voulais des chevaux. Le monde équin m’a toujours parlé, même s’il m’était inaccessible. » Arrivée sur le Plateau, elle subit un choc climatique : un hiver sous la pluie, sans bottes en caoutchouc… « J’ai cru que je ne tiendrais pas, mais le suivant s’est montré plus clément… et je suis restée. »Bénéficiaire d’une aide à l’installation sous la forme d’une dotation jeunes agriculteurs (DJA), Montaine dispose de quatre années pour trouver 50 hectares, part correspondant à chaque associé pour la constitution du GAEC : « Il me manque encore une trentaine d’hectares pour fournir mon quota, explique-t-elle. Ce n’est pas évident de trouver du foncier, mais j’espère pouvoir récupérer des terrains dont des agriculteurs en activité ne veulent plus. Actuellement, j’ai encore un petit troupeau, mais quand il va passer à une quinzaine d’unités, il me faudra plus de surface. » Cet atelier « marche parce qu’il est complémentaire des autres activités de l’exploitation. »Au terme d’un parcours complexe sur le plan administratif et bancaire, mené tambour battant en même temps qu’une maternité, la jeune maman se reconnaît « plus mature. Depuis la naissance d’Olive, je n’ai jamais été aussi carrée de toute ma vie. Gérer l’enfant, l’entreprise… » In fine, un beau challenge à relever, sur fond de volonté et d’énergie à toute épreuve.