Paysan Dès Demain : le test d’activité pour l’agriculture limousine

Le test d’activité est une pratique pédagogique pensée dans les réseaux de l’éducation populaire. Elle vise à donner à des personnes souhaitant créer leur activité la possibilité d’expérimenter leur projet dans un cadre sécurisé. Partant de l’idée que l’on n’apprend jamais mieux que par soi-même, le test d’activité permet aux personnes de se confronter par la pratique à la réalité humaine, technique, sociale, économique, et ainsi de conforter et/ou ajuster leur projet de création d’activité. Concrètement, en agriculture, le test d’activité consiste à mettre en œuvre de manière (plus ou moins) autonome et pour une durée déterminée son projet d’installation, avec des moyens de production (foncier, matériel) mis à disposition par des “lieux-test“.

Cette proposition de formation-action s’inscrit comme une étape complémentaire dans les parcours à l’installation, entre formation (théorique) et installation (économique). Le test d’activité permet de renforcer ses compétences techniques et sa capacité d’organisation en autonomie, mais également d’affiner ses choix techniques et économiques. A titre d’exemples, il peut s’agir de réfléchir en connaissance de cause les investissements à réaliser, ou de construire sur des bases objectives son système de production et de commercialisation. Précisons ici que l’objet est bien de permettre aux personnes de SE tester, et non pas d’ETRE testées !

 

Le test d’activité tente de répondre aux enjeux actuels de l’installation agricole. Le renouvellement des générations agricoles, il y a quelques années encore, reposait essentiellement sur la reprise par les enfants des fermes familiales. Sans entrer dans une thèse sociologique sur le monde paysan, on constate que ces reprises familiales deviennent moins fréquentes, et que c’est un public non issu du monde agricole – communément catégorisé “Hors Cadre Familial“ qui porte une partie des nouvelles installations agricoles. Et naturellement, n’étant pas enfants d’agriculteurs, la proximité psychologique et pratique avec le monde agricole ne coule pas de source. L’agriculture et la vie rurale, souvent idéalisées, n’en demeurent pas moins rudes. D’où l’importance de pouvoir vérifier qu’on est bien en accord avec la réalité avant de se lancer dans un projet engageant sur plusieurs années.

 

La pratique du test d’activité n’est finalement pas récente : elle existe depuis de nombreuses années, ne se nommait pas en tant que telle, et surtout se réalisait dans un cadre informel – ce qui n’est pas un problème... tant qu’il n’y a pas de problème ! Partant du constat qu’il fallait d’une part sécuriser cette pratique (accidents du travail, travail dissimulé...), et d’autre part construire une démarche pédagogique pour valoriser autant que possible cette expérience, des structures du Plateau (VASI Jeunes, Les Plateaux Limousins, le GAEC Champs Libres, le GAEC de la FEVE) ont démarré avec Pivoine en 2010 une réflexion plus formalisée sur la question, avec le soutien financier de la Région Limousin. En 2012, De Fil En Réseaux prend le relais, de manière concomitante avec un élargissement de ce collectif sur l’ensemble de la région limousine. En parallèle se constituait le Réseau National des Espaces-Test Agricoles (RENETA), regroupant les initiatives se construisant dans les différentes régions, afin de mutualiser les pratiques. Fin 2013, le réseau limousin se structure sous la forme de l’association Paysan Dès Demain.

 

L’espace-test agricole est un réseau de structures, associant des “lieux-test“ accueillant des personnes en test, et des structures de formation et d’accompagnement à l’installation (voir carte). Il faut préciser que le fonctionnement n’est cependant pas aussi tranché, puisque, refusant collectivement de mettre les compétences de chacun dans des cases exclusives, des paysans accueillant des personnes en test accompagnent par ailleurs d’autres personnes en test sur d’autres lieux. Toutes les structures du réseau partagent la volonté de soutenir des projets d’agricultures respectueuses de l’humain et de l’environnement, et s’ancrant dans leur territoire – le refus du hors-sol ne s’appliquant pas qu’aux plants de tomates ou aux poulets, mais aussi à la dimension sociale des activités.

 

Et à la question : mais pourquoi les paysans font-ils cela ? La réponse est tout simplement une démarche militante et une volonté partagée de maintenir des agricultures et des campagnes vivantes, en soutenant les personnes dans leurs projets d’installation agricole.