Cet été la Haute-Vienne pouvait s’enorgueillir d’un nouveau site touristique : Urêka, le musée de l’uranium à Bessines-sur-Gartempe. Un espace tout entier dédié à la glorification de l’énergie nucléaire sous les auspices d’Aréva, qui n’a pas manqué de susciter les réactions de quelques anti-nucléaires du plateau et de Limoges.
Cet été toujours, la caravane d’enfants de Fukushima, parrainée par l’association japonaise Ganbalo s’est arrêtée à Eymoutiers les 3 et 4 août. Une exposition sur les enfants de Fukushima et une projection du documentaire “Fukushima, terre interdite“ a eu lieu, malgré le peu de participants.
Nos déchets puent, Vos déchets tuent !
Le 4 juillet dernier, une dizaine de personnes ont jeté une vingtaine de sac-poubelles pleins d’ordures par-dessus le grillage des bureaux d’Areva, mitoyens d’Urêka, le musée destiné à diffuser la propagande pro-nucléaire dans le Limousin, notamment auprès des jeunes générations. Une banderole a été accrochée aux grilles: ”Nos déchets puent, Vos déchets tuent” et un tract a été distribué aux automobilistes. Un homme se présentant comme le directeur d’Urêka est venu parler aux manifestants. Ses arguments, typiques du genre de ”dialogue” que le lobby pro-nucléaire veut promouvoir, se résumaient en deux points. 1° Les manifestants étaient des ignorants 2° Le musée n’était pas sur l’uranium mais sur les mineurs.
Le premier argument, bien représentatif de la morgue des nucléocrates, ne mérite pas qu’on s’y attarde : ceux qui veulent, peuvent découvrir le sérieux de la contre-expertise développée par les antinucléaires. Le deuxième argument, en revanche, illustre, tout comme les grotesques affiches qui ont envahi en ce moment Limoges, la stratégie de communication d’Areva. Ses communicants ont donc décidé de porter l’accent sur l’”humain”, le ”vécu” des mineurs: discours particulièrement scandaleux de la part d’une entreprise qui n’a assuré leur suivi médical que durant le temps où ils ont travaillé. Ce qui interdit aujourd’hui d’avoir des statistiques sanitaires sur les cas de cancer en Limousin, aux alentours des mines et chez les mineurs.
Outre sa fonction de propagande, le musée sert aussi à dissimuler le fait que Bessines est aussi redevenu un site d’enfouissement sur lequel les habitants n’ont aucun contrôle. Dans cette folle course en avant, malgré Fukushima hier et Tchernobyl avant hier, on compte sur le chantage à l’emploi et à l’énergie bon marché pour que les populations restent tranquilles.
Un musée de la mine à Bessines ! J’ai pas tout compris ?
Lettre de Jérémie, 13 ans, à son grand –père, ancien mineur à Bessines, après une visite à Urêka, le musée nucléaire.
Mon cher papy,
Quand j’étais petit, tu me prenais souvent la tête avec tes années à la mine, tu m’avais raconté comment la Cogema a ravagé les collines de ton Limousin chéri, comment mes arrière-grands-parents paysans ont été expropriés de leur terre pour trois sous, et que tu t’es retrouvé à extraire l’uranium pour la bombe atomique d’abord et pour les centrales ensuite.
Parce que si j’ai bien compris le cours de l’histoire, après les 400 000 morts d’Hiroshima et Nagasaki, on a mis dans la tête des gens l’idée que l’énergie nucléaire, c’était le progrès, le président Eisenhower a lancé le programme “l’atome pour la paix“, on a expliqué aux gens que l’énergie nucléaire c’était le progrès, et en France l’État a tout pris en charge, avec l’appui de la CGT et du PC. Dès le début, comme tu m’as expliqué, la course à l’armement nucléaire et la technologie des centrales ont été placées ensemble sous le “secret défense“. Des dirigeants et des scientifiques qui savaient mieux que le peuple ce qui était bon pour le peuple, s’occupaient de tout, le peuple n’avait pas besoin d’en savoir plus. C’est pour ça qu’on a du mal à comprendre ce qui se passe aujourd’hui, après Tchernobyl et Fukushima et donc, j’étais très intéressé quand les profs nous ont annoncé que notre classe allait visiter le musée Urêka à Bessines.
Bon, ça a mal commencé, quand j’ai tapé ce nom, Urêka, sur Google, je suis tombé sur un site débile avec un robot débile qui ne ferait même par rire les petits : dans son cerveau, le robot en question a des cailloux qui brillent, c’est censé représenter l’uranium, et voilà c’est tout ce qu’il y a comme explication. Mais comme tu m’as toujours dit, il ne faut pas avoir de préjugés, et donc, j’y suis allé, j’avais plein de questions à poser, en commençant par le pourquoi de l’absence de suivi médical des mineurs limousins congédiés dans les années 1980, et aussi sur les mineurs du Niger qui meurent eux aussi du cancer, et sur les enfants de Fukushima qui ont commencé à en développer, et sur Areva, la société qui produit l’énergie nucléaire française et qui fait sa pub avec Urêka et qui se fait plein de pognon en exportant le savoir-faire français. Parce que si j’ai bien compris – mais apparemment j’ai pas tout compris - on a arrêté d’exploiter les mines et les gens d’ici parce qu’on a pu aller en exploiter ailleurs, pour moins cher, au Niger en particulier. Et donc ce serait ça aussi, la raison de l’envoi de soldats dans le désert…
Je voulais aussi m’informer sur le Mox, ce minerai ultraradioactif importé par Areva à Fukushima juste avant l’explosion, et sur la durée de vie des déchets, des centaines de milliers d’années paraît-il, qu’on ne sait pas vraiment comment stocker mais qu’on va stocker quand même à Bure (Meuse) ; j’aurais voulu qu’on m’explique ce que ça veut dire le risque minimum, quand le minimum, c’est quand même des trucs comme Tchernobyl et Fukushima.
On nous a montré une
carothèque, et des animations 3D, et une reconstitution de la mine et j’ai pensé très fort à toi. C’était super beau mais j’ai pas tout compris, et surtout quand j’ai voulu poser mes questions, le chargé de communication qui faisait la visite m’a dit qu’il n’était pas là pour répondre à de la propagande, mais pour faire de la pédagogie. J’ai voulu demander quelle était la différence entre ma propagande et sa pédagogie, mais le prof m’a dit qu’on verrait ça plus tard, qu’il fallait que j’arrête de faire le malin.
Alors voilà, c’est tout ce que j’ai à te raconter, papy, sur cette visite, et je trouve ça triste de pas pouvoir discuter avec toi de toutes ces questions que je me pose et de tout ce que j’ai pas compris, puisque malheureusement tu es mort du cancer pas longtemps après avoir pris ta retraite.
Ah oui, j’oubliais : comme j’insistais encore, le type d’Areva m’a dit que remettre en cause le nucléaire, c’était remettre en cause l’électricité pas chère et donc, toute la société. “Vous voulez peut-être changer la société ?“ il m’a demandé avec un petit sourire et moi j’avais envie de lui en coller une mais je me suis retenu. Disons que pour le moment, je me retiens.