Depuis 2007 l’association soutient et accompagne des projets artistiques et des actions culturelles sur le Limousin et notamment sur le territoire du Parc Naturel Régional de Millevaches. Parmi ces projets : les trois volets des Marches Sonores de Pierre Redon sur l’eau autour de Felletin, Faux-la-Montagne et le dernier en cours de réalisation entre les sources de la Vienne et l’Estuaire de la Loire. Avec le collectif du Mur de la Mort MDLM, Quartier Rouge porte des événements et des créations. L’été dernier le festival Au pied du Mur, organisé en partenariat avec de nombreuses associations a accueilli sur le site du Pont de Senoueix près de 800 personnes et de nombreux artistes.
En octobre 2014, l’Hypothèse du 4x4, micro architecture mobile de l’artiste Johanna Fournier a été inaugurée. Réalisée avec des étudiants et professeurs du LMB, cette structure de 2 x 4 mètres montée sur une remorque a pour vocation d’être mise à disposition des associations et collectivités. Démontable et modulable sous la forme d’une scène couverte, de tables et d’assises, elle peut accueillir : concerts, spectacles, ateliers, projections, expositions... Autour de cette structure, Quartier Rouge développe actuellement la PAM (Petite Agence Mobile) : un espace itinérant d’enquête et d’intervention artistique dans l’espace public. Une fois par mois l’équipe de la PAM ira à la rencontre d’une commune du PNR et proposera à ses habitants d’engager un dialogue à partir des récits qui les lient au territoire. De ces récits, l’équipe de la PAM et des artistes invités proposeront des oeuvres, des lectures, des films qui serviront de support à l’émergence d’une production collective.
Si au départ le travail de Quartier Rouge concerne essentiellement l’accompagnement et la production de projet artistique : montage de dossier, recherche de financement, de partenariat, suivi administratif et logistique, ses ambitions se sont toujours situées au-delà de ces compétences techniques. Ce sont les dynamiques de production qui sont au cœur de son projet ; à savoir comment on produit, dans quel contexte et avec qui?
Les stratégies de développement territorial sont les endroits où se concrétisent les choix d’investissements publics pour les années à venir. Les chartes de pays, de parc, les programmes européens font l’objet de concertation et de proposition de la part de la société civile. Il est important de ne pas se laisser dessaisir de ces espaces démocratiques, et d’y construire des propositions alternatives s’appuyant sur les actions et les expériences existantes. Sans quoi les acteurs risquent de devenir les prestataires et non plus les partenaires d’un tissu culturel riche et diversifié, indispensable à la vie du territoire. C’est ce tissu que devraient accompagner les politiques locales. Cet écosystème territorial, par sa diversité et sa complémentarité permet à chacun des acteurs de contribuer à l’existence et à la dynamique d’un ensemble.
Les crispations politiques et les séparations culturelles actuelles révèlent assez bien les difficultés que nous avons de saisir et de prendre en compte la diversité des représentations en jeu dans notre société.
Bien souvent deux tendances antagonistes émergent de ces résistances. La première issue d’un certain conservatisme avec une cristallisation autour des patrimoines ou d’une identité qui se reconnaît dans ses liens aux schémas traditionnels. La seconde d’influence progressiste, souvent accaparée par le capitalisme, qui soutient les industries créatives, le marché de l’art, le numérique et une forme de standardisation. Or on sent bien la nécessité de penser au-delà de cette binarité et de considérer la simultanéité d’existence d’une diversité bien plus grande de ses représentations. L’enjeu est bien de contribuer au renouvellement du regard que nous portons sur notre environnement et d’affirmer un pouvoir d’agir dans notre quotidien en lien avec la société.
C’est dans la relation au public que le déplacement est le plus significatif et délicat à envisager, car ce n’est pas à la question “pour qui ?“ qui met à l’œuvre une logique de diffusion, mais bien à la question “avec qui“ qu’il s’agit de répondre. C’est là où le travail est compliqué surtout lorsqu’il s’agit d’intervention dans l’espace public.
Le projet de réhabilitation de la gare de Felletin en est un bon exemple. En 2011, Quartier Rouge et la Draisine express ont signé un protocole d’accord avec la Communauté de communes Creuse Grand Sud et la commune Felletin. Au programme : un projet de pôle intermodal d’échange porté par la commune, la réhabilitation des bâtiments portée par la Communauté de communes devenue propriétaire, un pôle culturel et économique porté par les associations, futures locataires des bâtiments.
Quartier Rouge a souhaité dans ce cadre travailler en amont pour une réappropriation des habitants autour du site. Elle a organisé des ateliers participatifs avec pour objectif de sonder collectivement l’environnement historique, paysager, symbolique de la gare. Des étudiants de Master de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand ont été associés. Il s’agissait de mettre en avant la spécificité du site, de ses usages et de ses représentations mais aussi de permettre aux habitants de s’investir.
Ce projet aurait évidemment nécessité l’accompagnement ou au moins la présence de la collectivité qui n’a cependant pas souhaité reconnaître sa place dans ce processus, encourageant l’association à ne pas faire trop de bruit autour de sa démarche. Pendant ce temps, elle a acquis les bâtiments, voté un budget pour leur réhabilitation et même choisi des architectes sans que soient consultés les porteurs de projet. L’investissement de l’association avait pour but de construire un sens commun autour de cette réhabilitation. Il n’a pas trouvé d’écho auprès des représentants de la “puissance“ publique que les mécanismes traditionnels du pouvoir ont éloignés de l’expérience sensible.
Quelle considération les politiques locales ont-elles des acteurs du territoire ? Quels sont les espaces de rencontre possibles ? Que représentent ces politiques si elles ne reconnaissent pas les actions menées sur leur territoire, ou si elles ne les considèrent que d’un point de vue utilitaire, sans prendre en compte le cœur de leur proposition ? Les choix politiques correspondent-ils à une réalité vécue et par qui ? : à des besoins issus des territoires et comment sont-ils alors diagnostiqués ?, ou à des représentations issues des seuls représentants politiques qui influencent les choix selon leur pouvoir ? Sans toujours y apporter de réponse, Quartier Rouge considère qu’il est plus que jamais urgent de faire de la culture un espace de dialogue, un moteur de développement pour les personnes et le territoire et de la pratique artistique un levier d’intervention citoyenne et concertée dans l’espace public.