On notait pour les années 1986 à 2010 un nombre de créations d’associations très régulier de 50 associations par an sur la Montagne1, soit une pour 700 habitants alors qu’il se crée en moyenne une association par an pour 950 habitants au niveau national. Cette création a encore augmenté pour les années 2011 à 2016 avec 60 nouvelles associations par an, soit une pour 600 habitants.
En ce qui concerne les secteurs d’activité des associations, on remarquait une grande similitude avec le niveau national pour les grands domaines du sport, des loisirs, de la culture et de la défense des droits et des intérêts. Cette similitude s’accentue. Deux exceptions étaient toutefois remarquables, et celles-ci s’accentuent aussi :
Ni la taille de la commune, ni l’évolution démographique avant 1985, n’ont de corrélation avec le dynamisme associatif. Par exemple, les catégories de communes selon la taille ont toutes le même taux moyen de créations d’associations. De même, dans les communes qui ont connu la plus forte chute de population avant 1985, il y a les mêmes proportions de communes à très fort dynamisme associatif et de communes à très faible dynamisme.
En revanche, à l’intérieur de chaque situation démographique, les créations d’associations peuvent être dans certaines communes le double, voire le triple, de la moyenne, tandis que dans d’autres il peut n’être que de la moitié, soit un écart de 1 à 4 ou 5 entre les moins et les plus créatives.
La définition même de “néo-rural“, opposé à “natif“, pose des problèmes méthodologiques et techniques difficiles à surmonter et nous nous en tiendrons au terme de néo-résidents défini dans le recensement par l’absence en Limousin au recensement précédent (ce qui fait par exemple des “natifs“, de retour à la retraite après une carrière à l’extérieur, des néo-résidents).
La présence des néo-résidents apparaît nettement corrélée positivement à la création d’associations. Cela confirmerait l’hypothèse courante selon laquelle la créativité associative plus forte en milieu rural serait due à un besoin de pallier l’absence ou la faiblesse de l’offre marchande ou publique dans des domaines comme le sport, la culture, les loisirs, etc., ceci étant accentué chez les “néo-résidents“ plus demandeurs que les “anté-résidents“ de ce type de services.
Il faut probablement ajouter l’hypothèse selon laquelle il n’y a pas de dynamisme propre au milieu rural mais l’importation dans ce milieu d’une culture urbaine très favorable à la créativité associative (en 40 ans le nombre d’associations a doublé dans une France de plus en plus urbaine) par des “néo-résidents“ par ailleurs plus ou moins critiques du mode de vie urbain.
Malheureusement, nous ne disposons d’aucunes données complémentaires sur les néo-résidents en termes d’âge, de sexe, de catégories socioprofessionnelles, de niveau de diplômes et de revenus, qui permettraient d’affiner l’analyse.
En 2010 la cartographie mettait en évidence des zones très différenciées. La carte de la créativité associative en 2016 confirme, voire amplifie, celle de 2010.
Il apparaît nettement une zone de fort dynamisme associatif à l’ouest et une zone de faible dynamisme à l’est. Le bloc le plus sombre de 17 communes très dynamiques est bordé d’une première ceinture de moindre dynamisme, et au delà d’une deuxième ceinture de faible ou très faible dynamisme. La créativité associative apparaît donc bien comme propre, interne, à la population de ces communes.
Quelques grandes différences apparaissaient pour 1986-2010 qui sont confirmées et amplifiées par les années 2011-2016 :
L’éclairage cartographique permet de reprendre la question des néo-résidents. Cette zone de très forte créativité associative a fait, plus ou moins complètement, l’objet d’études depuis les années 1980 (“Les néo-ruraux dans le nord de la Montagne limousine : un facteur de revitalisation d’un pays dominé ?“ de Jean-François Pressicaud en 1980, À la recherche du développement : la Creuse… de Paul Busuttil en 1992, “Environnements, migrations et recompositions sociales des campagnes limousines – L’exemple du PNR de Millevaches“ de Frédéric Richard et Julien Dellier en 2011). Ces études mettent en évidence l’arrivée constante depuis les années 1970, de néo-résidents particulièrement actifs et porteurs de projet, et similaires par leurs origines sociales, leurs niveaux de diplômes, leurs caractéristiques culturelles, revendicatives, leurs pratiques, etc. La relation qu’ils ont entretenue avec la population locale et surtout avec les élus locaux en ont fait le fer de lance du dynamisme local, particulièrement en matière d’associations.
Les nouvelles méthodes de recensement depuis 2006 ne permettent pas d’actualiser l’efficacité du dynamisme associatif sur l’évolution démographique. Cette efficacité apparaissait nulle précédemment. En tout état de cause, le dynamisme associatif s’explique toujours et avant tout par l’initiative de groupes de personnes plus que par la nature du territoire, celui-ci n’expliquant que les domaines dans lesquels interviennent les associations créées.
Christian Vaillant