Les pages 22 et 23 du magazine sont consacrées à une interview de Thierry Letellier, vice-président de la communauté de communes, sur la démocratie participative. “Il me semble essentiel de mettre en place à la fois de nouveaux outils et de nouvelles façons d’investir le champ du politique“ explique l’élu, qui ajoute : “Il n’est pas concevable de faire semblant de développer la démocratie participative ou de ne pas tenir compte de ses propositions quand elle commence à être efficiente.“
Pour illustrer ces deux pages, la communauté de communes a dû vite se rendre compte qu’elle n’avait pas grand chose à montrer hormis les plates et très conventionnelles tablées d’élus penchés sur des papiers comme on peut en voir sur les deux pages précédentes de son journal. Pas très folichon pour suggérer le débat, la participation, la parole ouverte aux habitants. Diantre, la photothèque de Creuse Grand Sud aura bien quelque chose à proposer... Ce sont donc deux photos où l’on voit du peuple qui sont proposées en illustration. Des gens nombreux (il y en a même debout, tellement ils sont nombreux), des regards attentionnés, et même le débat en direct, une photo montrant un élu, micro en main, se tournant vers le public sous l’oeil de deux caméras ! Bref des images qui suggèrent l’échange, la discussion, l’écoute, le dialogue... à peu près tout de ce qui n’eut pas lieu le soir où ces deux photos ont été prises et dans les jours suivants. En effet ces clichés ont été pris le 30 septembre 2015 lorsqu’environ 150 habitants de la communauté de communes, venus en grande partie du Plateau, ont investi le conseil communautaire pour protester contre les hausses d’impôts et le fonctionnement actuel de la communauté de communes ! (Voir IPNS n°49). Bref, c’est un peu comme si le patronat affichait la photo d’une manifestation pour illustrer la foule des travailleurs associés aux décisions de son entreprise ! Cela s’appelle un détournement d’image.
En cadrant bien ses photos, en n’expliquant pas où et quand elles ont été prises, en sélectionnant les visuels et en leur accolant un texte sans rapport direct, on arrive ainsi à transformer un coup de colère et une manifestation véhémente contre une institution en un processus de participation positif et volontaire à cette même institution, qui plus est, si l’on s’en réfère au contexte et au texte, à son invitation ! Bel exemple de publicité mensongère... Heureusement pour les naïfs, il suffit de lire l’interview du boss page précédente (pages 20 et 21), pour que les choses soient vite recadrées. C’est le président de Creuse Grand Sud, Michel Moine, qui parle cette fois. Question : les séances sont-elles publiques ? Réponse : “Oui. Durant toute la séance, le public présent doit se tenir assis, aux places qui lui sont réservées et garder le silence : toutes marques d’approbation ou de désapprobation sont interdites. À la demande de trois membres ou du Président, le conseil communautaire peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu’il se réunit à huis clos.“ Question : Qui détient la police de l’assemblée ? Réponse : “C’est le Président (ou celui qui le remplace) qui a seul la police de l’assemblée. Il fait observer le règlement intérieur. Il peut expulser de l’auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l’ordre.“ Les choses au moins sont claires. On s’était pris à rêver... Au moins aura-t-on quelques explications supplémentaires lorsqu’il faudra commenter aux prochaines élections les taux d’abstention grandissants.
Michel Lulek