Les quelques commentaires que l’on entend en défense de tels scénario sont à pleurer de rire : “Ensemble on sera plus forts face à la Grande Région“, “Il ne faut pas se refermer sur soi“, “C’est le meilleur moyen de préserver une qualité de service sur le territoire“... De qui se moque-t-on ? Qui sera véritablement capable de porter de tels arguments dans un débat public ouvert aux habitants de notre territoire? Personne. C’est bien pour cela qu’on s’est bien gardé de faire une quelconque information publique sur le sujet, pariant sur le fait que la méconnaissance du public des structures intercommunales existantes aiderait bien à faire passer la pilule.
Les “élus du peuple“ vont bien vite pour s’entendre sur le fait que leurs administrés, de toute façon, n’y entendent rien, que la technicité de la question la met de fait hors de portée du commun. Ce qu’ils s’avouent moins facilement, c’est qu’on les met eux-même en position de ne pas croire en eux, qu’on les infantilise à coup de graphes, de tableaux comparatifs, de cartes et de bureaux d’études. On les prend pour des cons et en retour, ils finissent pas prendre ceux qui les ont élus pour des cons. A défaut d’y comprendre vraiment quelque chose certains tentent à tâtons de tirer le meilleur profit pour eux mêmes, parfois leur commune, de changements institutionnels menés à la hussarde et sans aucun débat public. Ne pas “prendre les gens pour des cons“, c’est faire redescendre ces questions des réunions de commissions et des conseils communautaires où elle est captive, vers la population. Mener de vrais débats dans les conseils municipaux et appeler à des assemblées d’habitants pour débattre des options à prendre.
Ce qui se décide aujourd’hui sous couvert de simple réforme institutionnelle, c’est l’échelle à laquelle les questions qui font notre quotidien doivent être prises et par qui. Les communautés de communes, dans les plans des gouvernants, veulent se substituer aux communes et aux départements, elles seront bientôt le seul échelon décisionnel en deçà de la Grande Région. Les transferts de compétences progressifs (périscolaire, assainissement, eau, santé, tourisme, foncier...) vont vider les communes de leur contenu et des quelques marges de manœuvre qui leur restent. Insensiblement, l’État, appliquant strictement la restructuration de la “gouvernance“ en cours à l’échelle européenne, aura eu raison, en quelques réformes, du dernier échelon “démocratique“ qui faisait encore sens, qui suscitait encore la confiance des “administrés“ : la commune. En lieu et place nous aurons, comme c’est déjà le cas ça et là, comme c’est tout à fait le cas dans les “métropoles“, de nouvelles baronnies, de nouveaux fiefs qui feront la part belle aux notables et aux professionnels de la politique.
Face à cela, quelques élus et de nombreux habitants se sont mis en tête de proposer un autre scénario sur la Montagne limousine (Plateau de Millevaches et Monédières). Un scénario qui prend comme point de départ le mot “coopération“. Qui la conçoit comme étant le fait d’entités (communes) sensiblement égales en taille et en besoins, qui la conçoit aussi comme donnant toute leur place aux habitants, qui la conçoit en tout cas comme contraire à cette nouvelle concentration du pouvoir qui ne dit pas son nom. Une communauté de commune rurale, de moyenne montagne, qui sait que la question de sa survie, de la relance de ses activités, son attractivité pour de nouveaux habitants, ne viendra certainement pas de son rattachement à un pôle métropolitain régional, mais bien de son inventivité propre. La ruralité a ses enjeux propres, l’agriculture, l’eau, la forêt, l’activité, les services à la population dans des bourgs et des villages disséminés, la mobilité comme enjeu majeur et l’accès aux services et aux loisirs en général se posent ici de manière tout à fait singulière.
Qui plus est, et on ne peut plus longtemps faire comme si cet aspect était sans importance, ce territoire rural, de moyenne montagne a une histoire propre, des manières de faire propres qui suscitent chez ses habitants un attachement particulier, une forme de fierté aussi. Fierté d’être resté quand tout le monde partait à la ville, fierté d’être revenus, fierté d’être venus s’installer, fierté à l’unisson d’accueillir de nouveaux habitants venus d’autres horizons, fierté enfin de se tenir ensemble dans l’adversité. La création du Parc naturel régional de Millevaches en limousin en avait été une première reconnaissance, insuffisante cependant puisqu’on l’a confiné à des missions essentiellement patrimoniales.
La taille et les contours exacts d’une telle entité territoriale restent à définir, l’État ne nous laisse que peu de temps pour y parvenir et les fatalistes de circonstance tentent déjà d’épuiser les bonnes volontés. Mais la possibilité est toujours ouverte, rien ne nous empêche au fond d’y parvenir sauf les tergiversations et le manque de courage éventuel des élus. La décision reviendra à la fin aux conseils municipaux. Faisons en sorte qu’il aient quelque chose sur quoi décider en conscience et qu’ils ne soient pas que la chambre d’enregistrement de décisions prises dans de petits cénacles de gens autorisés. Dans une période où tout semble confiner les habitants à l’impuissance, où les élus locaux eux-mêmes ne voient plus bien ce qu’on leur laisse décider, où cela se traduit immanquablement par de la défiance, par la montée du ressentiment, (qui finit toujours par faire le lit du fascisme) il est des raisons plus anecdotiques pour se mettre en mouvement. Et si d’aventure nous devions ne pas arriver à obtenir satisfaction, nous aurons en chemin consolidé nos liens et posé les bases d’une vraie coopération entre communes rurales en deçà de cette réforme territoriale où nous n’avons strictement rien à gagner.
Par ordre décroissant les populations des principales communes | |
Treignac | 1400 |
Chamberet | 1350 |
Bugeat | 860 |
Sornac | 840 |
Peyrelevade | 810 |
Le Lonzac | 780 |
Affieux | 370 |
Faux la Montagne | 370 |
Tarnac | 310 |
Saint-Sétiers | 270 |
13 communes entre 100 et 200 9 communes de moins de 100 |