Plus que quelques jours et la région Limousin, du moins son incarnation institutionnelle, aura vécue. Regroupée avec l’Aquitaine et le Poitou-Charentes, elle va se chercher une nouvelle identité, une nouvelle manière de fonctionner et... un nouveau nom ! Les historiens du Limousin réunis en conclave cet été n’ont pas hésiter : il faudra l’appeler Aquitaine ! Nous publions leur argumentaire.
Quel nom donner à la grande région qui va rassembler Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes ? Ce nom est tout trouvé : c’est l’Aquitaine. Évident pour les historiens, ce point de vue peut surprendre nos contemporains. Afin d’éclairer le débat, faisons brièvement le point sur cette question.
Un anneau au doigt de Richard Cœur de Lion
Au fil des siècles, le territoire désigné sous le nom d’Aquitaine a bien sûr fortement varié. Quelle région ne peut en dire autant ? La Gaule est divisée en trois parties, disait Jules César : la Belgique, l’Aquitaine et la Celtique. Au IVe siècle, les deux provinces d’Aquitaine première et seconde formaient un immense territoire s’étendant de la Loire à la Garonne et de l’Océan à l’est du Massif central. Au VIIIe siècle, les premiers ducs d’Aquitaine contrôlaient sensiblement ce même espace, hormis la région de Bordeaux aux mains des Gascons ; le Quercy, l’Agenais et le Rouergue, de plus en plus tournés vers Toulouse leur échappaient aussi. Le royaume d’Aquitaine créé par Charlemagne en 781 était en revanche beaucoup plus vaste, allant de la Loire aux Pyrénées et de l’Atlantique à l’Auvergne, même si le pouvoir réel résidait dans les grands comtés du nord : Poitou, Berry, Auvergne et Limousin (ancien territoire des Lémovices : Corrèze, Creuse, Haute-Vienne, Confolentais, Nontronais). C’est précisément à Limoges que le fils de Charles le Chauve, Charles l’Enfant, fut couronné roi d’Aquitaine en 855. Au cours des Xe et XIe siècles, les comtes de Poitiers, cumulant aussi le titre de comte de Limoges, se parèrent du titre de duc d’Aquitaine puis devinrent également ducs de Gascogne. Limoges, “fleuron du duché“, conserva dans cet ensemble un rôle essentiel jusqu’au XIIe siècle au moins, comme lieu de couronnement des ducs : c’est en cette ville que Richard Coeur de Lion fut investi en tant que duc d’Aquitaine vers 1170, en passant à son doigt l’anneau de sainte Valérie. L’abbaye Saint-Martial, dont les fouilles archéologiques révèlent actuellement les vestiges carolingiens et romans, tenait de toute évidence un rôle majeur dans ce rituel hautement symbolique.
Revendiquer le beau nom d’Aquitaine
Aujourd’hui, le nom “Aquitaine“ évoque surtout l’époque des Plantagenêts, avec les flamboyantes figures d’Aliénor et de Richard Cœur de Lion, sur fond de troubadours et d’amour courtois à la cour ducale de Poitiers. Ainsi les deux duchés d’Aquitaine et de Gascogne réunis, avec leur trois villes principales (Limoges, Poitiers, Bordeaux) préfiguraient alors de manière étonnante ce que va être la grande région. Mais sous Philippe Auguste et Louis VIII, le territoire contrôlé par les Plantagenêts fut bientôt réduit à la Guyenne (évolution phonétique d’Aquitania) où Bordeaux s’imposa comme ville centre aux XIIIe - XVe siècles. Sous l’Ancien Régime, l’intendance de Guyenne ou de Bordeaux s’étendait de la Gironde et de la Dordogne aux Pyrénées-Atlantiques. La région de programme créée en 1955 reprit en gros ces contours, qui restent ceux de la région actuelle. Mais elle ne correspond finalement que très partiellement à l’Aquitaine historique qui va renaître avec la grande région, au sein de laquelle les identités infrarégionales retrouveront toute leur vigueur : Limousin, Périgord, Poitou, Agenais, Saintonge, Angoumois, Béarn et Pays basque etc. C’est pourquoi il nous semble que les habitants du Limousin mais aussi de Poitou-Charentes, qui constituent le coeur historique de l’Aquitaine, ne devraient avoir aucune réticence à ce que leur future région reprenne ce beau nom, mais qu’au contraire ils devraient le revendiquer. Ils ont de sérieux titres à faire valoir pour cela !
Rencontre des Historiens du Limousin, août 2015
“Un nom pour la nouvelle Grande région“ : Il y avait même un site pour ça ! www.magranderegion.fr
- Retour au bercail occitan
En cette année 2015 qui la voit perdre son statut de métropole régionale admis/conquis comme un acquis naturel de l’histoire, Limoges rejoint au sein d’une Aquitaine en gestation son bassin linguistique, voire sociologique, occitan de toujours, dans lequel on retrouve les attributs d’un grand Sud-Ouest à la forte identité : le verbe, le rugby, les spécificités alimentaires et familiales, les tropismes économiques et universitaires. Le refus viscéral dès les années 1970 de tout rattachement administratif au Massif central ne doit pas être perçu comme un caprice politique : cela tient aux liens millénaires qu’ont entretenus dans les faits et dans les têtes avec les terres de l’Ouest poitevin et charentais, le Périgord et l’Atlantique, le Limousin plantagenêt, la Corrèze “riant portail du Midi“, “Meymac-près-Bordeaux“ et le Limoges exportateur porcelainier.
Extrait de la conclusion de Michel Kiener de l’ouvrage collectif : Une histoire des circulations en Limousin. Hommes, idées et marchandises en mouvement de la Préhistoire à nos jours (2015).
- Plus nous nous éloignons, plus nous nous rapprochons !
Les communicants du Conseil régional ne manquent pas d’air en écrivant en une du journal de la région : “Grâce à la nouvelle région, nous serons plus forts, plus attractifs, plus proches des habitants !“ Plus proches ?! Lors de la fête de la Montagne limousine une pseudo présidente d’une super grande com com imaginaire a enfoncé le clou... car quitte à nous prendre pour des imbéciles, autant ne pas lésiner sur les moyens.
Vous le savez, notre nouvelle communauté de communes Grand Sud Europe (Big South Europa), est née de la fusion de 3 communautés de communes : Nord Espana, Aquitaine-Grand Languedoc-PACA et Plaine du Pô-Venezia. Cette fusion n’est pas le fruit du hasard. Elle est née du besoin pressant que tous nos territoires ressentent de s’unir pour mener dans les conditions optimum d’efficacité et de productivité la grande bataille des territoires. Il est fini le temps où l’on pouvait encore penser son avenir à l’échelle de 600 ou 800 communes. Nous avons acté ce passage à l’intermodularité des espaces qui oblige aujourd’hui à penser global pour agir global. Nous savons qu’il nous faut davantage mutualiser, hier avec nos voisins régionaux, aujourd’hui avec nos voisins nationaux. Nous devons reconfigurer les linéarités monocéphales de nos architectures territoriales pour atteindre les impacts performatifs d’une démocratie spatio-régénérative. Ce projet, notre projet, est un défi, un challenge, que nous devons relever. Mais c’est aussi une chance pour des espaces comme les vôtres, qui, sans leur relation symbiotique avec la métropole, ne seraient plus, malheureusement, que des déserts (…).
Chers amis, et je voudrais terminer par cela, le plus important c’est la relation que nous entretenons ensemble, vous et Grand Sud Europe – Big South Europa. Et si vous me permettez je voudrai faire un retour en arrière. À l’époque votre plateau de OneThousand cows appartenait à une région qui s’appelait le Limousin – j’explique pour les plus jeunes qui n’ont pas connu cela. C’était une toute petite petite petite région, toute riquiqui. Elle a fusionné avec deux autres régions, et comme on l’a dit à l’époque cela lui a permis de devenir plus forte, plus attractive et plus proche de ses habitants. Plus tard, nous avons voulu faire mieux et nous avons fusionné dans la grande région Aquitaine-Grand-Languedoc-PACA. Et là nous avons été encore plus forts, encore plus attractifs, et surtout encore plus proches des habitants. Et maintenant avec Grand Sud Europe – Big South Europa, nous sommes encore une fois plus forts, plus attractifs et plus proches de vous. Oui, c’est merveilleux, plus nous nous éloignons et plus nous nous rapprochons !