Dominique et Daniel, habitants du Plateau, en Haute-Vienne, mais à deux pas de la Creuse et de la Corrèze, nous présentent leur expérience tandis que nous sommes allés rencontrer Alain et Philippe, deux Creusois du Parc naturel régional, qui nous ont détaillé les caractéristiques de leurs installations, et expliqué leurs motivations et leurs éventuelles difficultés. Nous vous proposons également un tableau récapitulatif qui permet de comparer les trois équipements.
Pour nous, installer des photopiles s’est s’inscrit dans une démarche essentiellement militante. En effet Daniel, architecte chercheur et militant de l’énergie solaire depuis plus de 30 ans, a réalisé de nombreuses maisons solaires et bioclimatiques. Quand nous avons décidé de nous installer ici et d’y construire la nôtre, il était évident qu’elle se devait de l’être.
Militants antinucléaires de longue date (et quelque peu libertaires), il nous paraissait intéressant de devenir producteurs d’électricité au niveau local, évidemment à partir des énergies renouvelables, en l’occurrence solaire. Enfin dans une démarche plus citoyenne, l’interdépendance, la notion d’échange, où nous recevons (des biens matériels mais aussi culturels, intellectuels) et apportons (à notre petit niveau), nous apparaît importante et c’est pourquoi nous n’avons pas souhaité nous inscrire dans une démarche d’autosuffisance.
La géographie accidentée de ce territoire fait qu’il n’existe pas de cartes d’ensoleillement permettant de faire des projections de production pour un site précis. Installer des photopiles était donc un peu un pari (notre projet est antérieur à l’actuelle campagne massive de promotion du solaire et à l’époque, nous n’en avions pas vu dans la région). D’un point de vue pratique, nous avons été attentifs en priorité au choix de notre implantation sur le terrain et à l’ensoleillement. Nous avons donc installé sur l’atelier de Daniel, 20 m² de photopiles orientées plein sud. Pour des raisons esthétiques il s’agit d’éléments qui s’intègrent à la toiture en tuiles noires et s’en distinguent à peine. L’installation a été réalisée par un couvreur et un électricien d’Ambazac formant équipe et certifiés.
Les plus grandes difficultés ont été d’ordre administratif car il a fallu faire intervenir pas moins de trois ou quatre administrations, ce qui a retardé la mise en fonctionnement d’un an ! Le contrat de raccordement, d’accès et d’exploitation (CRAE) a été signé en janvier 2009 et le contrat d’achat d’énergie par EDF a pris effet en janvier 2010. Le financement (environ 25 000 €) est inclus dans le plan de financement en nom propre de l’atelier de Daniel. Nous avons reçu une subvention de 3 000 € de la Région et bénéficié d’un crédit d’impôt de 5 600 €. Nous produisons environ 2 600 Kw/h par an (c’est conforme aux annonces du fabricant-fournisseur), soit la moitié de ce que nous consommons pour l’atelier et la maison. Globalement, du fait du tarif de rachat, le produit de la vente est un peu supérieur au montant de la facture d’électricité des deux bâtiments et, compte tenu des aides, le temps de retour sur investissement peut être estimé à 10 ans, mais il faudra bien sûr prévoir dans quelques années le remplacement de l’onduleur et peut-être de certains autres éléments.
L’installation de Philippe est plus ancienne avec quatre années de production d’électricité de 3 200 Kw/h/an en moyenne. La surface est la même que celle d’Alain (21 m²). Les panneaux photovoltaïques sont un des éléments d’une approche globale de sa maison.
L’entreprise Giordano, mandatée par la Camif, avait d’abord installé une pompe à chaleur et des panneaux solaires thermiques pour la production d’eau chaude sanitaire (ils en assurent la totalité pendant six mois de l’année). La consommation électrique de la pompe à chaleur étant élevée (3 000 Kw/h environ, soit la moitié de la consommation totale de la maison), le recours à des panneaux photovoltaïques permet de vendre 2 000 € d’électricité par an à EDF. Il ne reste ainsi à la charge de Philippe que 500 € de facture électrique, à comparer avec les 3 000 € environ de chauffage au gaz antérieurement.
En ce qui concerne la maintenance, Philippe se contente de donner un coup de jet d’eau de temps en temps, et il prévoit que l’onduleur sera à changer au bout de dix ans. Quant aux panneaux thermiques, si leur fonctionnement et leur production sont tout à fait satisfaisants, le coût d’investissement est dissuasif.
En 2010, Alain a fait installer sur sa maison 12 panneaux pour une surface totale de 21 m², d’une puissance de 3 000 W. L’installation était opérationnelle le 17 mai 2010 et elle est entrée en production à partir du 9 juillet 2010. Alain pensait ainsi participer au développement du photovoltaïque. Ce n’était pas l’appât du gain qui le motivait mais l’espoir que le développement de cette technique ferait ensuite baisser les prix.
Les panneaux sont de marque Scheuten, une entreprise allemande qui a depuis été rachetée par des Chinois. Le contrat d’achat par EDF de l’électricité produite est d’une durée de 20 ans, à l’issue de laquelle se posera la question du recyclage des panneaux. La production effective, 3 280 Kw/h la première année et 3 427 la seconde, a été conforme aux prévisions. Par comparaison, un ami d’Alain qui a une installation similaire près de Perpignan, a produit 3 800 Kw/h, soit un écart moindre que ce que pourrait laisser supposer la différence de climat entre la Creuse et les Pyrénées-orientales ! La vente à EDF rapporte environ 2 000 € par an, alors que l’installation a coûté 22 000 €, avec un crédit d’impôt de 4 000 € et une aide de la Région, ce qui conduit à un amortissement en 7 à 8 ans environ.
Tout allait bien jusqu’à ce qu’Alain reçoive le 24 juillet 2012 une lettre recommandée de l’installateur (Espace Confort, à Limoges) l’informant d’un risque d’incendie dû à une boîte de raccordement défectueuse et lui enjoignant de stopper son installation. Les pièces incriminées sont de marque Solexus, produites entre septembre 2009 et juillet 2010. En France, 5 000 installations seraient concernées. Ce coup d’arrêt a été très mal vécu par Alain : vivre dans la crainte d’un incendie est tout à fait traumatisant, d’autant plus qu’il a eu d’énormes difficultés à obtenir des réponses de la part d’Espace Confort. Finalement, il a l’espoir d’une réponse claire en mars : remplacement gratuit des panneaux défectueux (ce ne serait pas seulement le boîtier qui serait changé) et indemnisation du manque à gagner résultant de l’arrêt de l’installation.