Si on fait un bilan entre la quantité d’énergie nécessaire à la construction des panneaux et la quantité d’énergie qu’ils produisent au long de leur vie, les meilleurs bilans donnent 115 % (sans compter le transport, l’installation et surtout l’énergie nécessaire à la construction des “périphériques“).
Outre les panneaux photovoltaïques, un des composants principaux de l’installation est constitué par un onduleur. Cet appareil permet de transformer le courant continu fourni par les panneaux en un courant alternatif de tension légèrement supérieure à celle du réseau EDF permettant ainsi d’évacuer l’énergie produite. Cet appareil est donné pour une durée de vie de 10 ans maximum (garantie constructeur 5 ans dans le meilleur des cas) et représente 20 à 30 % du coût de l’installation. Pour une puissance de 3 000 W, il faut compter de 2 000 à 2 500 €. Il faudra donc changer au minimum 2 à 3 fois l’onduleur au cours de la vie de l’installation. Ces changements ne sont jamais pris en compte dans le bilan des mandataires.
Le coût de fabrication, les performances des panneaux photovoltaïques et leur durée de vie font l’objet de compromis afin que ceux ci soient accessibles sur un marché de consommation de masse. Pour faire simple, 98 % des panneaux installés sont de type multicristallin pour une puissance totale et maximale (Pcrête) inférieure à 3 Kw (1). Ce type de production est l’installation type sur laquelle les offres des opérateurs sont faites aux clients. C’est un assemblage de milliers de micro-semiconducteurs de silicium connectés entre eux en série selon 3 circuits principaux. Autrement dit, si un seul des milliers de transistors composant un des 3 circuits cède, l’installation perd 1/3 de sa puissance totale... Si le même défaut intervient sur le deuxième circuit, le panneau ne produit plus qu’un tiers de sa puissance initiale et ainsi de suite jusqu’au troisième défaut pour une panne totale. En 2012 le recul n’est pas suffisant pour garantir une durée de vie au moins égale à la durée des contrats de production (20 ans). La plupart des documentations envisagent 25 ans de fonctionnement mais sans jamais les garantir. Cette durée de vie est pourtant la base du calcul de rentabilité…
En conclusion on peut donc dire que les contraintes techniques ne permettent pas de produire plus d’électricité que la quantité d’électricité nécessaire à la fabrication et à la maintenance de l’installation.
Le bilan financier (hormis le coût d’installation et du raccordement au réseau) dépend de plusieurs facteurs : le tarif d’achat, l’ensoleillement et les coûts d’entretien. Il peut aussi être alourdi par la mise à niveau du réseau électrique. Dans ce cas une facture du distributeur pour changement de transformateur et levée de contrainte pourra atteindre plusieurs milliers d’euros.
Le tarif d’achat est négocié au départ et fixé depuis mars 2011, sauf exception, pour une durée de 20 ans. Suite au moratoire (voir encadré) et au Grenelle 2 de l’environnement, le tarif est revu à la baisse chaque trimestre pour les nouvelles installations et un calcul financier théorique doit donc être effectué pour chacune d’elles.
C’est la partie la plus variable de l’installation, en fonction de la météo, de la région, de l’orientation (Nord- Sud) mais aussi de la pente du toit, de l’encrassement des panneaux ou de l’évolution de l’environnement devant les panneaux photovoltaïques (la végétation pas toujours dépendante du producteur). Il est bien difficile de déterminer sa quantité et sa puissance, tous deux facteurs directs de la rentabilité de l’installation. Dans les offres, l’ensoleillement, malgré les précautions annoncées, est toujours majoré et le nombre de Kw/h réellement produit annuellement est rarement atteint. Le nombre d’heures de production maximum est calculé théoriquement. Il est fixé en France en moyenne à 1 600 heures par an (un peu plus de 4 heures par jour). Ce chiffre est utilisé pour contrôler la quantité d’énergie maximum produite en fonction de la puissance installée.
Il faut compter dans les coûts d’entretien le changement des panneaux en défaut, les changements d’onduleur, le nettoyage régulier (surtout en atmosphère polluée urbaine). Ils peuvent se monter sur la période contractuelle au doublement du coût de l’installation (sur 30 ans, changement d’un ou deux panneaux, de deux ou trois onduleurs, des visites périodiques, etc.).
Au bout du contrat la rentabilité financière risque de ne pas être au rendez-vous. On peut donc imaginer les contentieux qui vont apparaître au fur et à mesure que les installations vont vieillir (le début de ces conflits devrait intervenir à partir de 2015/2018 pour des installations mises en service à partir de 2006/2007).
Le coût de production de l’électricité photovoltaïque est prohibitif devant le coût de production des autres énergies : nucléaire (hors coût du démantèlement bien sûr !), charbon, fuel, gaz, mais surtout éolien ou hydraulique. Dans le paysage énergétique actuel si l’on veut permettre aux producteurs de rentabiliser leurs installations il faut subventionner le prix de rachat de ce type de Kwh. Les opérateurs n’étant pas philanthropes, c’est l’État qui est à la manœuvre et qui dicte les règles.
Depuis 2002, date des premiers contrats, le monde de l’énergie a bien changé. À l’époque quand EDF “perdait“ de l’argent sur un tarif (sur injonction de l’État) il compensait avec les autres tarifs. De même, pour le photovoltaïque, le tarif de rachat était noyé dans le melting-pot des tarifs et seules quelques personnes connaissaient le coût exact de cette subvention. Depuis, le monde de l’électricité s’est ouvert à la sacro-sainte concurrence et l’opérateur historique, EDF, a été partiellement privatisé. Les actionnaires n’acceptent plus de subventionner les opérations de soutien à une filière ou d’alimenter une campagne de communication de “verdification“... L’État a donc inventé deux dispositifs : l’OA (Obligation d’achat) et la CSPE (Charges de service public de l’électricité).
L’OA est un service d’EDF chargé de signer les contrats avec des producteurs qui ne trouveraient pas d’opérateur achetant le Kw/h à un prix attractif. En contrepartie, est facturé à la CSPE le différentiel entre le prix de revient du Kw/h et le prix de rachat du Kw/h photovoltaïque fixé par décret. La CSPE est un fonds qui permet à tous les opérateurs d’électricité (EDF, Poweo, Direct énergie, etc.) de virer des coûts comme le photovoltaïque pour OA, mais aussi les fraudes, les consommations faites par des clients insolvables ou non coupés par le distributeur... Bref tous les coûts échoués inhérents à la distribution d’électricité. La CSPE est ensuite intégrée au TURPE (Tarif d’utilisation du réseau public d’électricité) et payée par tout utilisateur d’électricité dans sa facture (en 2012 le tarif d’acheminement ou TURPE représentait environ 50 % du prix du Kwh facturé au client). Ce montage est aujourd’hui à l’origine de l’explosion de la CSPE et représente un montant de plus de 4 milliards € qui seront finalement à payer aussi bien par les clients les plus aisés que par ceux en situation de précarité énergétique. Autrement dit, les clients les plus en difficulté (comme les autres) financent les installations des producteurs qui peuvent consacrer 10 à 30 000 € dans un dispositif pas du tout durable.
Prenons un exemple. À Saint-Martin-Château, un agriculteur a construit deux hangars agricoles pourvus de panneaux photovoltaïques d’environ 1 500 m² chacun. En calculant sur les bases les plus courantes, le tarif de vente de l’électricité produite peut monter jusqu’à 49 000 € par an. La prise en charge via la CSPE sur une telle installation oscillera entre 21 000 € et 37 800 € selon le coût du Kw/h. Un coût supporté par l’ensemble des abonnés... Juteux, mais pas pour tout le monde !
Le photovoltaïque est, dans l’état actuel de la technique, non rentable énergétiquement, financièrement illusoire et publiquement injuste. Il est donc nécessaire d’arrêter immédiatement les frais et de consacrer les sommes investies à fonds perdu dans d’autres filières permettant des économies d’énergie (comme l’isolation) ou dans des filières permettant aux personnes les plus en difficulté d’accéder à l’énergie en s’auto-alimentant (par exemple cogénération bois ou micro-production au fil de l’eau).
Michel Bernard